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La Mif fion des

§. XXVII.

La moiffon croiffant tous les jours, 72. Dif Jefus fit entendre à fes Difciples le beciples. foin qu'il avoit d'ouvriers pour cultiver un champ qui depuis fi long-tems étoit en friche. Ayant déja choifi fes douze Apôtres, qui répondoient aux douze Tribus, comme fi le Sauveur avoit voulu choifig un Apôtre pour chaque Tribu; il voulut choisir encore Loixante & douze Difciples, pour travailler fous les Apôtres, & dans ce nombre on trouve fix Difciples pour chaque Tribu; comme Moïse avoit chofi foixante & douze perfonnes, fix par chaque Tribu pour partager avec lui le poids des affaires. Les ayant afsemblez autour de lui: allez, leur ditil, dans tout le païs ; voici que je vous envoye comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez avec vous, ni cap. 10. bourfe, ni fac, ni fouliers; c'est-àdire comme dit faint Matthieu, n'ayez cap.6. ni or ni argent, ni aucune monnoye dans votre bourfe. Le deffein du Sauyeur n'eft pas d'obliger fes Apôtres & fes Difciples à aller nuds pieds, ni de leur interdire l'ufage d'un bâton pour

Luc. 10.

s'appuyer le contraire paroît dans faint Marc; il veut feulement leur faire entendre avec quel efprit de pauvreté, de mortification, de défintereffe ment, de denuement, & de confiance les ouvriers du Seigneur doivent travailler à fa vigne ; toûjours prêts à fe mettre en chemin, fans faire provifion de tout ce qui leur feroit neceffaire pour vivre commodement durant leurs ex-: curfions] Evangeliques; il veut qu'ils aillent en équipage de fimples voyageurs, fans porter des vivres dans des facs, fans fe charger d'armes, ce qu'il entend par le terme de bâton, ni de meubles inutiles; fans avoir ni fouliers ni habits à changer, parce que Dieu pourvoit toûjours aux befoins de ceux qui ne cherchent dans les minifteres de charité que fa gloire, & le falut des ames, ne voulant point à son service des ouvriers fenfuels & délicats.

Sur le chemin, ajoûta-t-il, ne faluez perfonne, c'est-à-dire, ne vous arrêtez point en chemin à rendre des vifites inutiles, ou à faire de vains complimens. En quelque maifon que vous entriez, commencez par dire: la paix foit fur cette maison ; & s'il y a là un enfant de paix, c'est-à-dire, une penfonne

craignant Dieu, & dans des difpofitions chrêtiennes, vôtre paix s'arrêtera fur lui: fmon elle reviendra fur vous. Par le mot de paix, on entend felon le langage de l'Ecriture, un fouhait de toute forte de benedictions, Demeurez au refte dans la même maison, beuvant & mangeant de ce qui s'y trouve. Et en quelque ville que vous entriez, fi on vous y reçoit, mangez de ce qu'on vous fervira. Un véritable pauvre ne s'avife pas de demander ce qui feroit le plus de fon goût, il ne refufe point ce qu'on lui donne. Gueriffez au refte les malades qui feront là, & dites leur : le Royaume de Dieu, c'est-à-dire, le falut eft proche de vous; profitez des fecours

que vous avez.

Le Sauveur ayant ainfi inftruit fes foixante & douze Difciples, il les envoya annoncer le Royaume des Cieux dans les bourgs & villages voifins, où ils prêcherent avec grand zele. Ils travaillerent avec fuccès, & revinrent pleins de joïe: Seigneur, difoient-ils, en vôtre nom les demons même nous font foumis, & nous gueriffons miraculeufement les malades. Jefus découvrant dans eux une complaifance un peu trop naturelle, voulut corriger tout

ce qu'il y voyoit de plus défectueux. Je voyois Satan, leur dit-il, qui tomboit du Ciel comme la foudre, leur faifant entendre que le plus noble & le plus parfait des Anges s'étoit perdu par l'orgueil; que quelque faint, quelque cheri de Dieu qu'on foit, on doit être humble; & que quelques merveilles qu'on faffe, quelque fuccès qu'on ait, on doit fe croire un ferviteur inutile. Voilà que je vous ai donné le pouvoir de marcher fur les ferpens, & fur les fcorpions. & fur toutes les forces de l'ennemi, ajoûta-t-il, fans que rien puiffe vous refifter, ni vous nuire. Ce- Luc. 10. pendant ne vous réjouiffez pas de ce que les efprits fe foumettent à vous; ces purs dons ne donnent pas du merite; mais réjouiffez-vous de ce que vos noms font écrits au Ciel; c'eft là le feul veritable fujet de joye.

A l'heure même, dit S. Luc, Jefus eut un tranfport de joie qui venoit du SaintEfprit, & levant les yeux vers le Ciel, je vous benis mon Pere Seigneur du Ciel & de la terre: s'écria-t-il, de ce que vous avez caché ces chofes aux fçavans, & aux fages du monde,& que vous les avez revelées aux petits. Tout m'a été mis entre les mains par mon

?

Pere, & nul ne fçait qui eft le Fils, que le Pere, ni qui eft le Pere, que le Fils', & celui à qui le Fils voudra bien le reveler. Puis fe tournant vers les Difciples Heureux les yeux qui voyent ce que vous voyez, mes enfans, leur ditil; car je vous affure que beaucoup de Prophetes & de Rois ont defiré voir ce que vous voyez, & ne l'ont pas vû ; & entendre ce que vous entendez, & ils ne l'ont pas entendu. Sur cela un Docteur de la loi fe leva à deffein de le fonder: Maître, lui dit-il, que ferai-je pour être fauvé Jefus lui répondit : qu'y a-t-il d'écrit dans la loi ? qu'y lifez-vous vous aimerez le Seigneur vôtre Dieu, repart le Docteur, de tout. vôtre cœur, de toute vôtre ame, de toutes vos forces, & de tout vôtre efprit, & vôtre prochain comme vous même. Vous avez bien répondu, lui dit Jefus faites cela, & vous vivrez. Le Docteur voulant fçavoir fi par le nom de prochain, JESUS comprenoit les étrangers ou feulement les freres, lui dit : & qui eft mon prochain. Sur quoi le Sauveur lui rapporta la parabole d'un homme qui érant tombé entre les mains des voleurs, & ayant été bleffé & laissé demi-mort fur la place, ne fut se

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