Pere, une maifon de trafic. Qu'auroit fait le Seigneur, dit ici le Venerable Bede, s'il avoit vû qu'on fe querelât dans le Temple, qu'on s'y abandonnât à des ris diffolus, qu'on y tint des difcours frivoles, lui qui en chaffa ceux qui achetoient dequoi lui faire des facrifices; mais qu'auroit-il fait, s'il avoit vû les irrévérences & les profanations que nous y voyons aujourd'hui ? La foumiffion avec laquelle on reçûr cette correction de la part d'une perfonne qui fembloit n'avoir n'avoir aucun droit de faire un acte fi éclarant d'autorité, & qui ne s'étoit point encore manifefté par des miracles, a paru aux Saints Peres un miracle fingulier. II eft vrai que cet homme fi peu connu jufqu'alors, devint dèslors l'admiration de toute la Judée. Tout le tems que Jefus-Chrift demeura à Jerufalem, ne fut qu'un enchaînement de merveilles. Les maladies les plus incurables difparoiffoient devant lui; les demons ne pouvoient tenir en fa prefence; nul poffedé qui ne fût délivré au moindre figne de fa volonté. Les flots s'endurciffoient fous fes pieds; la mer, les vens, les tempêtes tout obéiffoit à fa voix; les Cieux, la terre, les enfers tout plioit, tout étoit foumis à fes ordres ; au moindre de fes commandemens, toute la nature oublioit fon harmonie, fes regles, & fes loix. Ce n'étoit point en Officier subalterne qu'il commandoit à toutes les créatures; ni même en Miniftre du Très-Haut c'étoit en Maître fouverain, & d'une pleine puiffance abfoluë; c'étoit en Dieu - Homme qu'il agiffoit. C'étoit en fon propre nom qu'il refsufcitoit les morts, & qu'il gueriffoit tous les malades; il ne prioit pas en faifant ces prodiges, il commandoit. Tous les miracles qu'il operoit avoient un caractere d'une fouveraine autorité qui lui étoit perfonnelle, ce pouvoir fupréme ne lui étoit point étranger. Il parloit la langue des hommes, mais il agiffoit en Dieu. Un Elie, un Elizée & plufieurs autres grands Prophetes avoient fait des miracles, mais ils avoient bien fait voir en les failant, qu'ils n'étoient que des Miniftres de l'autorité fouveraine; Jefus-Chrift feul agit de fa propre autorité, dans tout ce qu'il fait de merveilleux. Levez-vous, dit-il aux morts, c'est moi qui vous te commande foyez gueri, dit-il à ceux qui alloient expirer, c'est moi qui vous le dis, & Les merveilles au lieu que les Anges mêmes fe contentent de dire au demon: que le Seigneur exerce fur toi fon empire; JefusChrift qui les chaffoit des corps en fon propre nom, parle d'une maniere bien plus précife: Sors de ce corps efprit malin, c'est moi qui te l'ordonne. Il n'est pas même jufqu'aux moindres de ses Difciples, à qui ces efprits fuperbes n'obeiffent dès qu'ils le lui commandent, au nom de Jefus-Chrift. §. X V. Toutes ces merveilles portoient un caractere trop marqué du Meffie, pour que ne pas faire juger à tout le monde que Chrift Jefus-Chrift étoit celui qu'on attenopere, doit. Les demons mêmes en fortant des Jefus trent qu'il eft le Meffie avoir que démon- corps, publioient qu'il ne pouvoit y le Fils de Dieu qui pût avoir fur eux tant d'empire; il n'y avoit que promis. les Docteurs de la loi & les Prêtres, qui tous charnels, s'imaginoient que le Meffie promis devoit ramener & accroître leur ancienne fplendeur; qu'il devoit fubjuguer leurs ennemis à la maniere des conquerans de la terre; qu'il devoit répandre fur les heritiers de Jacob, la gloire avec les richeffes temporelles, dompte les Gentils à main armée, abatre Rome fiere de fes victoires : & partager fa dépouïlle entre les enfans de Juda. Prevenus de cette erreur, il ne voulurent jamais fe rendre à de fi preffans témoignages. Sourds à la voix de tant de prodiges, ils étoient rebutez par l'air humble, pauvre & modefte de Jefus-Chrift, & encore plus par la fainteté de fa doctrine, qui ne leur promettoit que des biens fpirituels. Et voilà ce qui alluma dans eux cette envie, & cette haine mortelle qu'ils eurent toûjours depuis contre le Sauveur, & cette opiniâtre obftination à le prendre pour un faux Prophere; mais tous ne furent pas fi aveugles, ni .fi malins, Durant le peu de fejour que Jefus fit à Jerufalem, il s'y fit beaucoup de Disciples. Entre ceux qui crurent en lui, il y eut un des Pharifiens qui compofoient la Sanhedrin ou grand Confeil, homme d'efprit & de probité nommé Nicodeme, confiderable parmi les Juifs, autant par fa naiffance que par fa probité. Celui-ci frappé de tant de merveilles que le Sauveur operoit tous les jours aux yeux de tout le monde, réfolut de fe faire fon Difciple; mais fçachant la jaloufie & la haine que ceux de fa fecte, & même les Docteurs de la loi avoient conçûë contre Jefus Chrift, il n'ofoit pas fe declarer hautemeut pour lui, & le respect humain l'empêchoit de paroître fon Difciple. Il le vint donc trouver la nuit, & lui dit ingenument: Maître, nous ne fçaurions douter que vous ne foyez envoyé de Dieu pour nous inftruire; car nul ne peut faire ces miracles que vous faites, fi Dieu n'eft avec lui. C'est par respect humain, que ce chef des Juifs prend le tems de la nuit pour aller trouver Jefus-Chrift; & c'est là l'écueil ordinaire des perfonnes diftinguées dans le monde, & fouvent même du tit peuple. Combien de gens craignent de paroître chrétiens, par un pur pect humain ! pe ref pere Le Sauveur menageant en bon la timidité & la foibleffe de ce Disciple encore imparfait, le reçût avec bonté, & voulut bien l'éclaircir, & l'inftruire lui-même. Je fuis envoyé, lui dit-il, pour apprendre aux hommes la voye du Ciel; mais pour entrer dans le Royaume de Dieu, c'est-à-dire, pour faire pro- feffion du Chriftianifme, il faut être regeneré, & vivre d'une vie toute nou A |