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vous dites, Monfieur, réfulter pour la religion & les mœurs de l'hypothèse de l'ame des bêtes. Croyez-vous donc qu'on puiffe tirer du penchant que j'avoue à les en croire animées quelques conféquences défavorables pour mes mœurs & ma religion? Oh! Cela me toucheroit infiniment.

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LE COMMANDEUR. A Dieu ne plai. fe, Madame. Les apparences ont entraîné votre jugement; & ces apparences font très-féduifantes. Vous avez trouvé très-commode de fuppofer une ame aux bêtes, parce que ce principe intérieur d'action eft une réponse tran chante , pour rendre raifon de tous leurs mouvemens qui ont un caractère de fentiment, de penfée, de réflexion même & de raifonnement. Ce n'est point par principe que vous avez embraffé cette opinion; & vous feriez difpofée à la rejeter, fi vous apperceviez l'oppofition des conféquences quí

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en dérivent, avec les vérités les plas effentielles. Je fuis même très-persuadé que, parmi ceux qui ont fytématifé cette hypothèse, ou qui n'ont fait que fuivre le torrent, il en eft peu qui defcendent jufqu'à ces conféquences inadmissibles, ou qui en avouent l'enchaînement avec leurs principes ; & j'eftime trop M. l'Abbé, pour ne pas le mettre de ce nombre. La maximə très-fage de M. l'Abbé Batteux, dans la difcuffion des fentimens des Anciens, me paroît devoir être également d'ufage dans la difcuffion des fentimens des Modernes : » c'est de » ne leur point prêter les conféquences » de leurs principes, ni les principes de leurs conféquences (1) ». Mais, Madame, des affauts auxquels réfiftent

(1) Hiftoire des caufes premieres, ou expofition fommaire des penfées des Philofophes fur les principes des êtres.

des efprits fermes, des chrétiens décidés, emportent des james foibles & chancelantes dans la foi. On faifit le principe, fans en appercevoir les conféquences. On les entrevoit enfuite, & d'abord elles effrayent on en détourne la vue avec horreur. Cependant fi quelque paffion s'empare alors du cœur, & qu'elle trouve quelqu'appui dans ces conféquences, on leur fuppofe bientôt toute la certitude que l'habitude du préjugé a accordée au principe d'où elles fortent. Les bêtes ont une ame douée du fentiment & de la penfée : l'ame humaine n'eft que cela. La deftruction de la machine entraîne, dans les animaux, l'annihilation de leur ame: pourquoi celle de l'homme auroit-elle un fort différent? Conféquence fatale, qui n'a peut-être déjà que trop fervi à combler, parmi les humains, le libertinage & l'impiété !

LA COMTESSE. Quoique je n'en crai

gne pas le danger, il me fuffit, Commandeur, de l'appercevoir, pour défirer encore davantage que vous opériez ma converfion. Mais afin qu'elle foit à l'abri de tout fâcheux retour, il faut, mon cher Abbé, que vous ne m'abandonniez Uniffez-vous à moi pour

pas.

renverser le fyftême des automates : car je compte bien que vous me ferez plus long tems compagnie que l'ami avec qui vous êtes venu, & qui veut repartir dès demain: ce n'eft qu'après avoir va démonter toutes nos batteries, que je capitulerai. Je veux au moins, fi je cède la place, emporter la gloire d'avoir fait une vigoureuse défense.

TROISIEME ENTRETIEN.

L'erreur qui attribue une ame aux Bétes n'eft pas invincible ; & ne peut étre imputée à Dieu.

LA COMTESSE. LE COMMANDEUR.

LA

L'ABBÉ.

A COMTESSE. Que cette vifite m'a impatientée! Il y a des gens qui ne fçavent ni deviner, ni voir même quand ils font à charge.

L'ABBÉ. Le pauvre Baron n'a cependant tenu le tapis que pendant cinq quarts d'heure.

LA COMTESSE. Cela est modeste.

LE COMMANDEUR. Et il vous a régalée des nouvelles de la Cour, de

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