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La première manière satisfait la raison : elle suppose une connoissance des principes de la grammaire. La seconde flatte l'imagination: elle suppose une connoissance de cette partie de la Rhétorique qu'on appelle elocution. La troisième maîtrise l'àme: elle suppose une connoissance du Pathétique et de l'Eloquence. Développons les principes relatifs à chacune de ces trois manières.

SECTION I.

De l'Art d'écrire correctement.

N

On écrit correctement, quand en écrivant, on observe les règles de sa langue. Ce seroit une erreur de croire qu'il suffit pour. cela de la savoir par habitude. L'expérience nous fourniroit une bien grande preuve du contraire. L'homme qui n'en a point fait une étude sérieuse et réfléchie, ne tombe que trop souvent dans des fautes grossières, qu'on ne pardonne pas, même dans une lettre. Il ne nous seroit pas moins préjudiciable que honteux d'ignorer les principes de notre langue, ou l'usage, qui quelquefois en tient lieu : fondés sur la saine raison, ils nous obligent de mettre de l'ordre, de la justesse, de. la précision dans nos idées et dans nos expressions.

Une connoissance étendue et profonde

de ces principes n'est pas réservée au seul homme de lettres. Il est incontestable que l'homme public, c'est-à-dire, le ministre, le négociateur, le militaire, le magistrat, l'homme de loi, l'homme d'affaires, etc. ne peuvent point se dispenser de bien savoir leur langue, et de l'écrire correctement. N'est-il pas souvent arrivé que dans des conventions civiles, une phrase mal construite, une seule expression, ou impropre, ou équivoque, ou mal placée, ont donné naissance à des procès ruineux; que dans un traité politique, elles ont été la cause ou le prétexte de longues et vives contestations, qu'une guerre sanglante a pû seule terminer; que dans un ordre tracé par un officier général, elles ont fait mal interpréter, mal exécuter cet ordre même, et que de là s'est ensuivie la perte d'une bataille, origine funeste de mille autres événemens désastreux ?

Il ne faut donc pas être surpris que les Grecs et les Romains fissent une étude particulière de leur langue, et que ces derniers portassent l'attention jusqu'à ne confier leurs enfans qu'à des nourrices et à des domestiques qui parloient pûrement. Les plus illustres et les plus éclairés de nos Auteurs ont également senti la nécessité de cette étude. Nous lisons dans un écrit adressé par le grand Bossuet à son auguste élève (le grand Dauphin fils de Louis XIV) ces paroles bien remarquables :

«Ne croyez pas, Monseigneur, qu'on » vous reprenne si sévèrement pendant vos

» études, pour avoir simplement violé les règles de la grammaire en composant... "Nous ne blâmons pas tant la faute elle» même, que le défaut d'attention qui en " est la cause. Ce défaut d'attention vous » fait maintenant confondre l'ordre des pa» roles. Mais si nous laissons vieillir et » fortifier cette mauvaise habitude, quand » vous viendrez à manier, non plus les » paroles, mais les choses, vous en trou» blerez tout l'ordre. Vous parlez main» tenant contre les loix de la grammaire : » alors vous mépriserez les préceptes de » la raison. Maintenant vous placez mal » les paroles: alors vous placerez mal les » choses, etc. ». Ce que le savant Evêque de Meaux disoit à un Prince né pour régner, tous les instituteurs doivent le dire à leurs élèves.

Nous ne pouvons d'ailleurs pénétrer dans les jardins fleuris de l'éloquence et de la poësie, qu'en passant par les sentiers épineux de la grammaire. Nulle autre route ne peut nous être ouverte c'est le premier pas que nous avons à faire, en entrant dans la carrière des Lettres. Il est même indispensable, pour saisir et comprendre les règles de notre langue, d'en savoir les premiers élémens. Ainsi je vai faire connoître ; 1. la nature des mots qu'on emploie; 2. leur arrangement dans le discours.

CHAPITRE I.

De la nature des mots.

Les mots sont des sons articulés, ou des caractères, dont nous nous servons pour exprimer nos pensées. Il y en a de huit sortes: le nom, l'article, le pronom, le verbe, la préposition, l'adverbe, la conjonction, et la particule ou interjection. Tous les mots qui composent le discours, sont compris dans l'une de ces huit espéces : voilà pourquoi on les appelle parties de l'oraison.

ARTICLE

·

Des trois premières parties de l'oraison.

I.

Du Nom.

Tous les êtres qui existent, sont les objets de nos idées. Les noms ont été inventés, pour exprimer ces objets, soit spirituels, soit corporels. Si l'on parle d'un seul objet, le nom est au nombre singulier. Si l'on parle de plusieurs, le nom est au nombre pluriel. Si cet objet est, ou est censé être mâle, le nom est du genre masculin, désigné par le mot le ou un:= le père, un père := le livre, un livre. Si cet objet est, ou est censé être femelle, le nom est du genre féminin,

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désigné par le mot la ou une: la mère, une mère: la table, une table.

Les objets de nos idées peuvent être considérés simplement en eux-mêmes, ou avec quelques qualités dont ils sont revêtus: delà, deux espèces de nom; le substantif, et l'adjectif. Le nom substantif est un mot, dont nous nous servons, pour désigner sim. plement une chose ou une personne. Nous employons l'adjectif, pour exprimer la qua lité de cette chose ou de cette personne: Esprit vaste; vertu rare; maison commode; jardin agréable; César victorieux; Cicéron eloquent. Ici, esprit, vertu, maison, jardin, César, Cicéron, sont des noms substantifs. Vaste, rare, commode, agréable, victorieux, éloquent, sont des noms adjectifs.

Il est aisé de comprendre que le nom substantif signifie quelque chose par luimême, comme on le voit dans les mots esprit, vertu, maison, jardin, César, Cicéron, et que l'adjectif ne peut être clairement entendu, s'il n'est joint à un substantif, comme on le voit dans les mots vaste, rare, commode, agréable, victorieux, éloquent;

Lorsqu'un nom substantif peut convenir à tous les objets d'une même espéce, il est commun. Tel est le mot homme, qui convient à tous les hommes en général.

S'il ne peut convenir qu'à un seul objet, comme Annibal (nom d'un homme), Paris (nom d'une ville), la Seine ( nom d'une rivière), il est propre.

Celui qui, quoiqu'au singulier, présente à l'esprit l'idée de plusieurs objets réunis

Division des uoms.

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