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tomber

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dire d'une femme on l'a laissée tomber mourir elle s'est laissée aller, : mourir. Wailly pense, au contraire, qu'il faut dire au masculin, en parlant d'une dame: : on l'a laissé tomber, mourir : elle s'est laissé aller, tomber, mourir, Pourquoi? Parce que, suivant lui, on dit toujours: on a laisse tomber, mourir madame la présidente, et qu'on ne diroit pas bien: on a laissé madame la présidente tomber, mourir.

Il est aisé de répondre d'abord qu'on dit toujours aussi : on a vu arriver madame la présidente, et que l'on ne diroit pas bien : on a vu madame la présidente arriver. Faudra-t-il donc dire au masculin, en parlant de cette dame: on l'a vu arriver? On seroit autorisé, d'après Wailly, à tirer cette conséquence. Elle seroit cependant trèsfausse, suivant tous les grammairiens, et Wailly lui-même, qui dit que Racine n'a point dérogé à la régle, quand il a fait dire à Néron, en parlant de Junie :

Cette puit je l'ai vue arriver en ces lieux.

J'ajoute qu'on s'exprimeroit très-correctement, en disant on a laissé madame la présidente tomber, mourir; et que si l'on dit ordinairement on a laissé tomber, on a laissé mourir madame la présidente; c'est parce que ces mots, ainsi arrangés, flattent bien plus agréablement l'oreille.

Mais Wailly prétend que le participe laissé, et l'infinitif dont il est suivi, sont des mots inséparables, qui ne présentent qu'une idée à l'esprit, et qu'ainsi ce par

ticipe doit, dans toutes ces circonstances, être employé au masculin.

Ce principe et cette conséquence sont également inadmissibles. En effet, si le participe laissé, et l'infinitif qui le suit, sont réellement des mots inséparables, il est clair que, dans quelque ordre de construction que ce soit, on ne pourra jamais les séparer, en mettant le régime entre le participe et l'infinitif. Or nous voyons le contraire dans ces exemples: = on prétendit que le duc, séduit par les conseils de ses favoris, avoit laissé ce malheureux prince mourir de faim dans sa prison. Nous avons laissé tous ces jeunes-gens courir en liberté dans la = campagne. Ils ont laissé leur mère désolée, succomber à sa douleur. Quel est le grammairien, méme parmi les plus rigides, qui trouvera ces phrases incorrectes, quoique le régime y soit placé entre le participe et l'infinitif? Donc ce participe laissé, et l'infinitif qui le suit, ne sont pas des mots inséparables.

Au contraire, le participe fait et l'infinitif dont il est suivi, le sont réellement, puisqu'ils ne peuvent jamais être séparés l'un de l'autre par le régime. Il seroit en effet absurde de dire, par exemple: on a fait ces personnes mourir, c'est-à-dire, qui mouroient, ou qui étoient près de mourir, tomber, c'est-à-dire, qui tomboient, ou qui étoient sur-le-point de tomber; courir, c'est-à-dire, qui couroient, ou, qui vouloient courir; passer, c'est-à-dire, quipas-. soient, ouqui se sont présentées pour passer.

La preuve compléte de ce que je viens d'avancer, se trouve dans la propre signification des deux verbes laisser et faire, joints à un infinitif. Le verbe laisser, signifie permettre, souffrir, no pas empêcher une chose; et le verbe faire, signifie être la cause prochaine ou éloignée, mais toujours directe et positive d'une chose : ce qui est évidemment bien différent. Voilà pourquoi, d'un côté, le participe laissé, pouvant toujours être séparé du verbe neutre auquel il est joint, régit lui-même le nom ou pronom en régime simple qui les précéde, et dont par conséquent il doit prendre le genre et le nombre. Voilà pourquoi, d'un autre côté, le verbe faire ne pouvant jamais être séparé du verbe dont il est suivi, de quelque espéce qu'il soit, ne présente avec cet infinitif qu'une idée à l'esprit. Ainsi le nom ou pronom qui les précéde, et qui est en régime simple, ne se rapporte pas uniquement au participe fait, et ne peut pas non plus se rappor er au verbe neutre qui le suit. Mais il se rapporte à tous les deux conjointement, parce que le participe ne faisant qu'un avec l'infinitif, communique à celui-ci la faculté d'avoir un régime. D'où il s'ensuit que ce participe n'étant pas seul régissant, ne peut point s'accorder avec le régime antécédent.

Au reste ce participe fait, est le seul de notre langue, qui, dans ces circons→ tances, ne prend jamais ni le genre ni le nombre.

Mais pour ne pas m'appesantir dayan.

Participo

placé au ment de la phrase.

Commence

tage sur une question, qui, d'après le principe établi, et d'après la saine raison même, doit paroître très-oiseuse, je prierai le lecteur d'ouvrir le dictionnaire de l'Académie. Il y lira au mot laisser : « on dit » qu'une fille s'est laissée aller, pour dire » qu'elle s'est laissé séduire ». Voilà dans l'exemple, le participe laissée au féminin, parce qu'il prend le genre et le nombre du pronom se qui le précéde, et qu'il régit; le verbe neutre aller ne pouvant le régir lui-même. Voilà dans l'explication de l'exemple, le participe laissé au masculin, parce que ce même pronom se n'est régi que par le verbe actif séduire. N'est-ce pas là une preuve bien claire, que l'Académie a pleinement adopté le principe de Duclos et de l'abbé d'Olivet.

Il ne me reste plus qu'à dire un mot du participe mis au commencement d'une phrase. Il y est fort bien placé, 1o. lorsqu'il se rapporte à un nom ou à un pronom substantif, (voyez ce que j'ai dit, pag. 26), qui est en sujet. Honoré de la confiance du roi, le nouveau ministre ne tarde pas à justifier le choix du prince par ses talens. Pressés de toutes parts, accablés par le nombre des ennemis, nous n'avons pu nous battre qu'en retraite. 2. Lorsqu'il se rapporte naturellement et sans équivoque à un nom ou à un pronom substantif, qui est en régime, soit simple, soit composé; comme dans ces vers de Racine, et dans la phrase suivante :

Chargé ducrime affreux dont vous me soupçonnez Quels amis me plaindront quand vous m'abandon

nez

Ou lassés ou soumis,

Ma funeste amitié pèse à tous mes amis. toujours redoutée, il ne lui manquoit (à la France) que d'être aimée. Ce sont là des inversions élégantes, qui donnent de la grâce au discours Cette remarque a lieu pour l'adjectif et pour le substantif, placés au commencement d'une phrase.

Mais si le participe, ou l'adjectif,ou le substantif ne se rapportant point à un nom, se rapportent seulement au pronom adjectif, qui est joint à ce nom, alors la construction est vicieuse. C'est ce qu'on voit dans ces vers de Voltaire :

Vaincu, mais plein d'espoir, et maître de Paris, Sa politique habile, au fond de sa retraite, Aux ligueurs incertains, déguisoit sa défaite. ici le participe vaincu, l'adjectif plein, et le substantif maître, ne se rapportent qu'au pronom adjectif sa, qui est mis pour de lui; et c'est ce qui rend la phrase incor

recte.

Suivant ce principe, il y a une faute dans ces beaux vers de Racine :

Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux.

On dira, sans doute, qu'il ne faut pas juger les poëtes si sévèrement, et que la poésie a des licences qui l'affranchissent

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