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La conjonction ni doit être employée, pour lier les mots, quand on nie une chose, et non quand on l'affirme. Ainsi il y a une faute dans cette phrase de la Bruyère. = Un homme d'esprit, et qui est né fier, ne perd rien de sa fierté et de sa roideur, pour se trouver pauvre. Il falloit, ni de sa roideur, parce que la phrase est négative. Boileau ne s'est pas non plus exprime correctement lorsqu'il dit que celui qui inventa les loix rigoureuses du sonnet,

Défendit qu'un vers foible y pût jamais entrer, Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.

il falloit, et qu'un mot, parce que la phrase est affirmative.

On demande s'il faut dire : il n'est point de mémoire d'un plus rude et d'un plus furieux combat. Suivant le principe établi, on ne le peut point. D'ailleurs l'Académie préfére: il n'est point de mémoire d'un plus rude ni d'un plus furieux combat.

Pas et point sont des conjonctions qui expriment la négation. Mais suivant l'abbé Girard, pas l'énonce simplement point : l'appuie avec force et paroît l'affirmer. Pas ne nie souvent la chose, qu'en partie ou avec modification point la nie toujours absolument, totalement et sans réserve. Voici l'exemple que l'Académie apporte en preuve. On dira également : il n'a pas d'esprit; il n'a point d'esprit; et l'on pourra dire: il n'a pas d'esprit ce qu'il en faudroit pour une telle place. Mais quand on dit : il

n'a point d'esprit; on ne peut rien ajouter. Point suivi dela particule de, tranche donc absolument, et forme une négation parfaite; au lieu que pas laisse la liberté de restreindre ou de réserver.

Pas vaut mieux que point, avant plus ; moins, si, autant et autres termes comparatifs, ainsi qu'avant les noms de nombre. Démosthène n'est pas si diffus que Cicéron. =Vous ne trouverez pas deux hommes de votre avis. = Il n'a pas un livre. Point s'emploie mieuxà la fin d'une phrase. Si. pour acquérir de la fortune, il faut faire des bassesses, je n'en veux point. On le met encore pour non, dans les phrases interrogatives, et l'on ne peut jamais se servir de pas. Lirez-vous ces vers? point.

Ajoutons, après l'Académie, que pas convient mieux à quelque chose de passager et d'accidentel. = Il ne lit pas, c'està-dire, présentement. Point convient mieux à quelque chose de permanent et d'habituel. Il ne lit point, c'est-à-dire, jamais,

dans aucun temps.

On doit toujours joindrene à pas et point, et se bien garder d'imiter Racine, qui a dit dans sa tragédie de Mithridate:

Les yeux peuvent-ils pas aisément se méprendre? il auroit fallu dire : les yeux ne peuventils pas, etc.

Pas et point doivent se supprimer avant jamais, guéres, plus, nul, aucun, rien, personne (pronom), ni, nullement, etc.

Ce seroit faire un barbarisme, que de dire: je n'ai pas vu personne : je ne connois point aucun homme: je ne veux pas rien faire qui vous déplaise. Il faudroit dire: je n'ai vu personne : je ne connois aucun homme : jene veux rien faire qui vous déplaise.

Ce seroit aussi une faute de dire: il ne mange point, ni ne boit. Il faudroit supprimer point, et dire: il ne mange ni ne boit. Si ces verbes étoient employés dans. des temps composés, il faudroit, de plus, répéter la conjonction ni avant chaque verbe, et dire il n'a ni mange ni bu,

Toutes les fois qu'il y a dans une phrase plusieurs choses liées ensemble, auxquelles on veut rendre la négation commune, les bons grammairiens exigent qu'en supprimant point, on répéte la conjonction ni avant chacune de ces choses. Ainsi l'on doit dire il n'aime ni le jeu ni la table. = Un supérieur ne doit étre ni trop sévère, ni trop indulgent. Il y a donc une faute dans cette phrase de l'Abbé Millot: ce pontife n'en devint pas moins fier, ni moins intrépide. Il falloit dire: ce pontifen'en devint ni moins fier, ni moins intrépide.

La même faute se trouve dans ces vers de Voltaire:

Il n'a point affecté l'orgueil du rang suprême, Ni placé sa thiare auprès du diadême.

il auroit fallu répéter la conjonction ni, et dire il n'a ni affecté l'orgueil du rang suprême, ni place sa thiare auprès du

que

diadéme. En effet, si l'on se rappelle ici ni est une conjonction copulative, qui lie avec négation, on peut voir aisément que dans ces deux vers, il y a deux idées, dont la liaison doit être marquée par cette conjonction. Or, il faut annoncer cette liaison dès le commencement, en exprimant la première idée; parce que sans cela, le sens paroîtroit complet après ce premier membre de la phrase, il n'a point affecté l'orgueil du rang suprême, puisqu'il ne laisseroit rien à désirer. Au-lieu que si vous dites, il n'a ni affecté l'orgueil du rang suprême, cette conjonction ni rend le sens suspendu, annonçant une autre idée, qui doit suivre, et avec laquelle la première est liée.

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On supprime encore pas et point, après, depuis que; il y a... que, si le verbe qui suit ces expressions adverbiales est au passé. On dira donc : depuis que je ne l'ai vu; depuis que je ne le vois point := il y a six mois que je ne l'ai vu; il y a six mois que je ne le vois point.

Pas et point ne doivent jamais être employés après le verbe savoir pris dans le sens de pouvoir: je ne saurois en venir à bout, pour, je ne puis en venir à bout. On les supprime avec élégance après les verbes cesser, oser, et pouvoir: - il n'a cessé de gronder: on n'ose l'aborder: je ne puis me taire.

Supprimez aussi pas et point avant que mis pour seulement. Crebillon a fait une faute en disant.

Car il n'a point dû voir l'ennemi qui m'offense, Que pour venger ma gloire ou trahir ma vengeance. Il auroit fallu ; il n'a du voir l'ennemi.

On connoît assez par l'usage les différentes manières d'employer la conjonction que. Je me bornerai donc à dire que quand ce mot est mis pour combien, il est particule. Alors l'adjectif ne doit pas être précédé de très, bien, fort. Il y a une faute dans ce vers de Crebillon:

Que cet heureux instant me doit être bien doux! Il auroit fallu, que cet heureux instant me doit être doux !

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Du Gallicisme et des figures de construction.

On entend par gallicisme, une construction propre et particulière à la langue française. Cette construction est contraire aux régles communes de la grammaire : mais elle est autorisée par l'usage. Le jour va finir, pour dire, le jour est sur-le-point definir. Je viens de le quitter, pour dire, y a très peu de temps, il n'y a qu'un moment que je l'ai quitté. Les bonnes gens sont aisés à tromper, pour dire, à étre trompés, ou, il est aisé de tromper les bonnes gens. Voilà des expressions qui sont des gallicismes.

il

La conjonction que, jointe au verbe étre, forme aussi un gallicisme:

c'est à vous que je parle: étoit-ce à un homme

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