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si étourdi, que vous deviez confier votre

secret?

Voici deux gallicisme tirés d'une tragédie de Racine.

Avez-vous pu penser qu'au sang d'Agamemnon (a), Achille (b) préférât une fille sans nom,

Qui, de tout son destin ce qu'elle a pu comprendre, C'est qu'elle sort d'un sang qu'il brûle de répandre.

Ce qui, dont le verbe ne paroît point, est un gallicisme.

Je ne sai qui m'arrête et retient mon courroux, Que par un prompt avis de tout ce qui se passe, Je ne coure des Dieux divulguer la menace. Je ne sai qui m'arréte; que je ne coure forment encore un gallicisme. Ces sortes de construction rendent souvent la diction aisée, vive, naturelle comme on le voit dans les charmantes lettres de madame de Sévigné. Il faut cependant les employer rarement et avec goût. Le trop grand usage deviendroit un abus, qu'on ne pourroit pas justifier, même dans un bon ouvrage.

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Les figures de construction sont des irrégularités dans la grammaire, quoiqu'elles soient quelquefois des beautés et des perfections dans la langue. On en compte cinq;

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin

de ee Volume.

(b) Voyez ce mot; ibid.

Syllepse.

la syllepse, l'ellipse, le pleonasme, l'hy→
perbate, et l'hyppallage.

La syllepse ou conception, s'accorde plus
avec notre pensée, qu'avec les mots du
discours; comme quand nous disons: il est
six heures, au-lieu de dire suivant les régles:
elles sont six heures. Nous ne prétendons
alors que marquer un temps précis, et une
seule de ces heures, savoir la sixième, qui
est l'objet de notre pensée. Racine a em-
ployé cette figure dans ces vers:

Entre le pauvre et vous, vous prendrez Dieu pour juge, Vous souvenant, mon fils, que caché sous ce lin, Comme eux vous futes pauvre, et comme eux orphelin Et Fénelon dans cette phrase: il commence à faire sortir sa jeunesse lacédémonienne encore à demi-désarmée mais l'ennemine les laisse point respirer. Le pronom eux dans le premier exemple, et le pronom les dans le second, forment une syllepse, parce qu'ils se rapportent à l'idée, et non aux mots. L'Ellipse ou défaut, est le retranchement Ellips d'un ou de plusieurs mots, autorisé par l'usage: puissiez-vous étre heureux! c'està-dire, je souhaite que vous soyez heureux: = qu'il fasse le moindre excès, il tombe malade, c'est-à-dire, s'il arrive qu'il fasse le moindre excès, etc.

Boileau a fait une ellipse, en disant :
Ecrive qui voudra: chacun à ce métier,
Peut perdre impunément de l'encre et du papier.
c'est-à-dire; que celui qui voudra écrire,
écrive.

LETTRE S. 177 Il y a aussi ellipse dans ce beau vers de Racine:

Je t'aimois inconstant: qu'aurois-je fait fidéle! c'est-à-dire ; je t'aimois, quoique tu fusses inconstant: qu'aurois-je fait, si tu avois été fidéle! Voilà, dit l'abbé d'Olivet, de toutes les ellipses que Racine s'est permises, la plus forte et la moins autorisée par l'usage. Mais, continue-t-il, ce qui rend l'ellipse, non-seulement excusable, mais digne même de louange, c'est lorsqu'il s'agit, comme ici, de s'exprimer vivement, et de renfermer beaucoup de sens en peu de paroles, sur-tout lorsqu'une violente passion agite la personne qui parle. Hermione, dans son transport, voudroit pouvoir dire plus de choscs, qu'elle n'articule de syllabes.

On trouvera encore plusieurs ellipses dans ces vers du même Poëte:

Mes soldats presque nus dans l'ombre intimidés;
Les rangs de toutes parts mal pris et mal gardés ;
Le désordre par-tout redoublant les allarmes ;
Nous-mêmes contre nous tournant nos propres armes,
Des cris que les rochers renvoyoient plus affreux;
Enfin toute l'horreur d'un combat ténébreux ;-
Que pouvoit la valeur dans ce trouble funeste?

Les substantifs sujets, soldats, rangs, cris,
horreur, dont le verbe est sous-entendu,
forment autant d'ellipses.

Le pleonasme ou surabondance, est op-Pléonasmej posé à l'ellipse, et a quelques mots de plus qu'il ne faut comme, entendre de ses

oreilles; voir de ses yeux, etc. Voltaire a
dit:

Les éclairs sont moins prompts: je l'ai vu de mes yeux,
Je l'ai vu qui frappoit ce monstre audacieux.

Cette figure de construction consiste aussi dans la réduplication (ou répétition ) du régime ou du sujet du verbe. Racine nous en fournit ces exemples:

Et que m'a fait à moi cette Troie ou jé cours?..
Moi-même, pour tout fruit de mes soins superflus,
Maintenant je me cherche et ne me trouve plus....
Un Roi sage, ainsi Dieu l'a prononcé lui-méme,
Sur la richesse et l'or ne met point son appui.

Il faut avoir soin de n'employer le pléoHyperbate, nasme, que quand il doit donner au discours ou plus de grâce, ou plus de netteté, ou plus d'énergie. S'il ne produit point cet effet, il est vicieux.

d'au

L'Hyperbate ou inversion est un tour particulier, qu'on donne à une phrase, et qui consiste principalement à faire précéder des mots ou une proposition, par tres, qui, dans l'ordre naturel, auroient du les suivre : déjà prenoit l'essor, pour se sauver dans les montagnes, cet aigle, dont le vol hardi avoit d'abord effraye nos provinces: le tribut d'admiration qui est refusé aux grands hommes par leurs contemporains, la postérité sait le leur rendre, La construction naturelle de ces phrases est: cet aigle, dont le vol hardi avoit d'abord effrayé nos provinces, prenoit déjà l'essor,

pour se sauver dans les montagnes. = La postérité sait rendre aux grands hommes le tribut d'admiration, qui leur est refusé par leurs contemporains. Mais on voit bien que ces phrases ainsi construites, ont moins de vivacité, de grâce et d'harmonie que les premières. Aussi emploie-t-on souvent cette figure, en plaçant le sujet après le verbe, ou le régime avant le sujet et le verbe.

L'hyppallage est une figure par laquelle on fait un changement dans quelques expressions. Dire, par exemple: il n'avoit point de souliers dans ses pieds, au-lieu de dire, il n'avoit point les pieds dans ses souliers, c'est, suivant l'Académie, faire une hyppallage.

Hyppallage.

SECTION II.

De l'Art d'écrire agréablement.

'ÉLOCUTION est en général l'expression de la pensée par la parole. On écrit agréablement, quand on flatte l'oreille et l'esprit par les charmes d'une belle élocution, c'est-à-dire, par les ornemens dont on embellit ses pensées. Ces ornemens devant être choisis et distribués à propos, il est important de les connoître d'une manière particulière, pour savoir où, quand, et comment il faut les employer. D'ailleurs, cette étude que nous faisons des divers agrémens qu'on peut répandre dans le discours,

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