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nue. Il faut cependant observer que cette figure doit être sobrement employée dans la Tragédie. L'éloquence la souffre davantage Demosthène et Cicéron, Orateurs mêmes sacrés s'en sont servis avec succès.

nos

L'Hyperbole exagère les choses, soit en augmentant, soit en diminuant. Elle em ploie des mots, qui pris à la lettre, vont beaucoup au-delà de la vérité, mais qui sont réduits à leur juste valeur par ceux qui nous entendent. On dit par hyperbole d'un cheval qui va extrêmement vîte : il va plus vite que le vent; et d'une personne qui marche avec une extrême lenteur: elle va comme une tortue. Virgile emploie cette figure, lorsqu'en parlant de l'Amazone Camille (a), il dit pour exprimer sa légèreté à la course:

« Plus rapide que le vent, elle auroit » pu voler sur un champ couvert d'herbes » hautes ou d'épis, sans les faire plier sous »ses pas, ou se frayer une route au milieu » de la mer, et courir sur les flots, sans » mouiller ses pieds légers ».

Malherbe, dans son Ode à Louis XIII, dit aussi par hyperbole, pour peindre les temps heureux qu'il lui promet :

Hyper

bole,

La terre en tous endroits produira toutes choses;
Tous métaux seront or, toutes fleurs seront roses;
Tous arbres oliviers.

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

L'an n'aura plus d'hiver, le jour n'aura plus d'ombre; Et les perles sans nombre

Germeront dans la Seine au milieu des graviers. On avoit promis mille écus à celui qui feroit le meilleur quatrain sur les victoires du Grand Condé. Un Poëte venu des rives de la Garonne, gagna le prix par les vers suivans, dont la pensée n'est pas moins ingénieuse qu'hyperbolique.

Pour célébrer tant de vertus,

Tant de hauts faits et tant de gloire,
Mille écus! morbleu, mille écus!
Ce n'est pas un sou par victoire.

Il faut se servir avec ménagement de cette figure, qui ne doit jamais être trop hardie, et encore moins outrée. Quand vous la mettrez en usage, ne vous laissez ja mais emporter hors des régles et de la justesse.

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Voilà les principales figures de mots, qu'il est important de connoître d'une manière particulière. Quant aux figures de pensées, il y a un si grand rapport entr'elles et les différentes espéces de style, que je crois devoir en parler conjointement. C'est ce que je vais faire dans le Chapitre qui suit.

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CHAPITRE I I.

་་་་ལ་

Des différentes Espèces de Style, et des Figures de Pensées.

Tous les hommes ont une façon par

ticulière de concevoir et de sentir. Ils doivent, par conséquent, rendre d'une manière qui leur est propre leurs idées et leurs sentimens : les expressions qu'ils emploient, en portent toujours l'empreinte. Ainsi l'on a raison de dire que chaque Auteur a son style, et qu'il y a autant de styles que d'Ecrivains. Cependant comme toutes les matières qu'on traite, sont, ou dans un genre simple, ou dans un genre un peu plus élevé, ou dans un genre sublime; on peut dire aussi qu'il n'y a que trois espéces générales de style, le simple, le tempéré, le sublime, et que le style particulier de chaque Ecrivain doit être regardé comme une nuance de ces trois styles, variée à l'infinie.

Il en est de même des figures de pensées. Quoiqu'elles aient chacune un caractère particulier qui les distingue les unes des autres, elles peuvent cependant être toutes rapportées à trois classes principales. Il y en a que l'Ecrivain, soit en prose, soit en vers, emploie avec art, pour porter plus sûrement la lumière dans notre esprit ; pour faire parler la raison avec plus de force et de justesse ; pour présenter une

vérité sous le jour le plus favorable et le plus lumineux celles-là sont les plus convenables à la preuve. Il y a d'autres figures qui se bornent à flatter l'imagination, par l'éclat et l'agrément qui leur sont propres. L'Ecrivain s'en sert, pour embellir la vérité de tous les charmes qui peuvent nous la faire aimer celles-là sont des figures d'ornement. Enfin il y en a qui pénétrent jusques dans le fond de nos cœurs, les remuent, les agitent, les entraînent: l'Ecrivain en fait usage, pour se rendre entièrement le maître de notre âme, et la mener, pour ainsi dire, au but qu'il se propose: celleslà sont propres aux passions. Les figures de la première classe peuvent convenir plus particulièrement au style simple; celles de la seconde au style tempéré; celles de la troisième au style sublime.

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Du Style simple, et des Figures convenables à la preuve.

Le style simple n'admet ni les mots sonores, ni les tours harmonieux, ni les périodes nombreuses. Il plaît, il intéresse par la vérité des pensées et la justesse des expressions. Il n'exclut point la délicatesse l'enjouement, l'énergie. Mais il évite tout ce qui est recherché, tout ce qui sent le travail et l'apprêt, en un mot, tout ce qui peut jetter dans le discours une lumière trop vive et trop éclatante. Des gràces naturelles, une aimable négligence en font

tout le prix. C'est ce qu'on va voir dans l'exemple suivant.

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« Ceux qui ne travaillent point, con>>treviennent à l'ordre du Créateur, et il » semble qu'ils en soient punis dès cette » vie. L'ennui et le dégoût sont leur par>>tage. Les plus riches mêmes, oui, les plus riches n'ont pas de plus grands tourmens » que leur oisiveté. Ils s'ennuient à la » mort au milieu de l'abondance, de » la bonne chère et des plaisirs. Que dis»je, des plaisirs! En ont-ils ? Ils en sont » rassasiés, au point de ne plus les sentir. » Souvent ils envient le sort d'un ouvrier, » qu'ils voient joyeux et content au mi» lieu de ses travaux; et en effet le tra»vail est la satisfaction de l'honnête homme, » Les récréations qu'il prend ensuite, ont » bien pour lui un autre charme. On diroit » qu'elles sont un salaire mérité par ses >> peines: mais après un délassement qu'il » a goûté sans amertume, il retourne à sa » besogne avec une ardeur nouvelle. Con» sidérez cette troupe de moissonneurs ex»posés à la grande chaleur : voyez leur » vivacité, leur courage et même leur gaieté. Ne croiroit-on pas qu'ils célébrent » une fête ? Ils chantent, ils rient. On ne » diroit pas que l'ouvrage les fatigue. Tel » est le sort de ces pauvres gens, une vie » dure et laborieuse. Cependant après le » travail opiniâtre d une semaine entière, >> un peu de leur suffit. Ont-ils ga» gné du pain, pour faire subsister leur » famille; les voilà contents. On ne voit

repos

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