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» point régner à la campagne les débau» ches, les vices, et tous ces désordres si >> communs dans nos villes. Il semble que le » séjour des champs soit l'asile de la sim»plicité et des mœurs ».

Les Poësies du P. du Cerceau offrent beaucoup d'exemples de style simple. En voici un tiré d'une pièce de Vers intitulée les Tisons.

A quoi donc nous occupons-nous,

Quand vous et moi, tisons, nous sommes tête à tête ? Le grandlivre du monde, où les sages, les fous Egalement figurent tous,

A nos réflexions de lui-même se prête.

Ce que j'ai vu le jour, se retrace le soir

Dans mon esprit, comme dans un miroir ;

Le fracas d'une grande ville,

Où chez les petits et les grands,

Les passions sont le premier mobile; Tous ces gens animés d'intérêts différens, Qui pleins de leurs projets, occupés de leurs vues, Toujours pressés, toujours courans, Roulent de toutes parts ainsi que des torrens, Et viennent inonder les rues...

A juger d'eux en ce moment,

Vous croiriez qu'ils n'ont qu'une affaire, Et que tout leur bonheur dépend uniquement De ce qu'en ce jour ils vont faire.

La nuit enfin les chasse ; ils entrent au logis. Rentrent-ils plus contents qu'ils n'en étoient sortis ? Hélas! plus accablés cent fois d'inquiétude,

Qu'ils ne l'étoient en sortant le matin,

Ils n'ont trouvé dans leur chemin
Que dureté, qu'ingratitude.

Occupés à ronger leur frein,

Ils se font de leurs maux une triste habitude,
Et malgré la rigueur d'un sort trop inhumain
Victimes de leur servitude,

Ils recommenceront encor le lendemain.

La coûtume en effet les condamné à ces peines:
Sans murmurer contr'elle, il faut baisser les bras:
C'est agir, travailler que de porter ces chaînes;
Et l'on est fainéant, si l'on ne le fait pas.
Ainsi le conçut dans Athènes (a)

Ce cynique (b) fameux,qui, par un trait nouveau,
Pour n'être seul oisif, remuoit son tonneau.
Il faisoit bien : j'en fais de même ;
Et fondé comme lui sur de bonnes raisons,
J'entre, autant que je peux, dans le commun systême,
En remuant et tournant mes tisons.

Arbitre de leur sort, sans craindre de reproche,
Je les tourne, retourne, et régle entr'eux les rangs;
Je les écarte ou les rapproche,

Je les hausse, les baisse ainsi que je l'entends.
Mais que me revient-il des peines que je prends?
Et que vous revient-ils des vôtres,

Gens importans, gens affairés,

Qui dupes de vos soins, et tous les jours leurrés,
Vous croyez cependant plus sages que les autres ?
A vouez-le de bonne foi,

Vous tisonnez tout comme moi....

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez le mot Diogène, ibid.

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Prétermission.

Ce savant, par exemple, attaché sur son livre,
Mais qui n'invente rien, ne dit rien de nouveau,
Des Auteurs qu'il regrate et qu'il vend à la livre,
Croit égaler la gloire, et que son nom doit vivre
Comme le leur, au-delà du tombeau.

Il se flatte; Diea lui pardonne :

Mais il est mon confrère et comme moi isonne.

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Ce style d'autant plus difficile à saisir avec tous ses agrémens, qu'il est plus près de la nature, s'emploie dans les entretiens familiers, dans les récits, dans les fables, dans les lettres, dans les sujets où l'on se propose d'instruire, et généralement dans tous ceux, où l'on parle de choses simples et communes. On compte parmi les figures qui lui sont propres, ou celles qui sont les plus convenables à la preuve, la prétermission, la licence, la concession, la correction, la communication, l'occupation, et la subjection.

La Prétermission ou Pretérition est une figure, par laquelle on feint de passer sous silence, ou de ne toucher que légèrement des choses, sur lesquelles néanmoins on insiste avec force. Tel est cet endroit de la troisième Philippique de Démosthène.

Je ne parlerai ni de vos animosités » domestiques, ni de l'agrandissement de » Philippe (a)..... Je ne dira pas qu'a» près tant de conquêtes, il parviendra à » la Monarchie universelle de la Grèce,

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

» avec plus d'apparence qu'il n'y avoit lieu » de se défier autrefois qu'il dût parvenir » où il est à présent ».

On voit encore un exemple de cette figure dans ces Vers de la Henriade.

Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris,
Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris (a),
Le fils assassiné sur le corps de son père,
Le frère avec la sœur, la fille avec la mère,
Les époux expirans sous leurs toits embrasés,
Les enfans au berceau sur la pierre écrasés.

La Licence est une figure, par laquelle Licence. on promet de ne point déguiser à des personnes qu'on respecte, certaines vérités qui pourroient leur déplaire. Tel est ce discours de Burrhus à Agrippine, dans la Tragédie de Britannicus, par Racine.

Je ne m'étois chargé dans cette occasion
Que d'excuser César (6) d'une seule action.
Mais puisque sans vouloir que je le justifie,
Vous me rendez garant du reste de sa vie,
Je repondrai, Madame avec la liberté

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D'un soldat, qui sait mal farder la vérité.
Vous m'avez de César confié la jeunesse,
Je l'avoue, et je dois m'en souvenir sans cesse.
Mais vous avois-je fait serment de le trahir,
D'en faire un Empereur qui ne sçut qu'obéir ?
Non, ce n'est plus à vous qu'il faut que j'en réponde:

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez César (nom de), ibid.

Conces

sion.

Ce n'est plus votre fils; c'est le Maitre du monde.
J'en doit compte, Madame, à l'Empire romain,
Qui croit voir son salut ou sa perte en ma main.

La concession est une figure, par laquelle l'Orateur ne craint point d'accorder une chose, qui paroît lui être contraire, mais dont il ne manque pas de tirer avantage. C'est ainsi que Bossuet, dans son Oraison funèbre de Henriette-Marie de France (a), Reine d'Angleterre, dit de Charles I. (b) son époux.

er

« Je veux bien avouer de lui ce qu'un » Auteur célébre (Pline) a dit de César, » qu'il a été clément jusqu'à étre obligé de » s'en repentir. Que ce soit donc là, si l'on » veut, l'illustre défaut de Charles, aussi » bien que de César (c). Mais que ceux qui >> veulent croire que tout est foible dans » les malheureux et dans les vaincus, ne >> pensent pas pour cela nous persuader que » la force ait manqué à son courage, ni » la vigueur à ses conseils. Poursuivi à >> toute outrance par l'implacable mali» gnité de la fortune, trahi de tous les

siens, il ne s'est pas manqué à lui-même. » Malgré les mauvais succès de ses armes » infortunées, si on a pu le vaincre, on n'a

pas pu le forcer; et comme il n'a jamais » refusé ce qui étoit raisonnable étant

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(a) Voyez le mot France, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez ce mot, ibid.

(c) Voyez ce mot, ibid.

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