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"Auteurs contemporains ont fait du Car»dinal de Richelieu, on admire aujour » d'hui en lui toutes les qualités qui con>> courent à former un grand Ministre, » un génie vaste et supérieur qui ne con»cevoit que de grands desseins, des vues » profondes qu'on ne pénétroit qu'après "l'événement, un grand discernement

dans le choix des moyens, une fermeté » inébranlable dans l'exécution, une ha» bileté extrême à écarter ou à surmonter » les obstacles. Tandis qu'il paroissoit ap

pliqué à une seule affaire, il donnoit » une égale attention à toutes les autres, >> agissant tout-à-la-fois avec la même vi»vacité dans toutes les parties de l'Eu» rope. Jamais on ne vit dans toutes les >>cours tant de négociations, tant de trai

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tés et de mouvemens; et c'étoit lui. » seul qui en étoit l'âme et le premier » mobile. Il sembloit occupé tout entier » hors du Royaume, et on le retrouvoit >> tout entier au-dedans. Ceux qui avoient » sous lui le plus de part aux affaires, » n'étoient que les exécuteurs de ses ordres. Tout s'administroit par ses avis » absolus, comme s'il se fut multiplié luifaire les fonctions de tous pour » les emplois; et, ce qui peut faire connoître l'étendue de son génie, tandis» qu'il paroissoit devoir succomber sous » le poids de tant d'affaires, on le voyoit » occupé à lier des intrigues de Cour, à placer ses créatures à établir sa » maison, à élever des bâtimens: on le

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même

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voyoit dans les Académies s'entretenir » avec les savans, et se prêter à des spec»tacles et à des divertissemens publics, » comme s'il avoit été libre de toute au"tre occupation. . . . Le Cardinal de » Richelieu n'eut qu'une passion; mais » elle fut extrême: ce fut une ambition » démesurée, qui ne put être satisfaite » que par toute l'autorité souveraine, et » qui n'eut d'autres bornes que le nom » et le titre de Roi. L'attachement à la » personne de Louis XIII, n'étoit pas la D voie la plus sûre pour faire fortune; on » réussissoit beaucoup mieux en se dévouant à toutes les volontés du Cardinal. On l'accuse d'avoir sacrifié à cette am"bition le repos de l'état, en perpétuant » la guerre pour perpétuer son autorité; " la vie de ses ennemis, dont aucun n'é» chappa, dit-on, à sa vengeance, et les devoirs les plus justes de la reconnoissance, en persécutant une Reine (a) exi»lée, autrefois sa bienfaitrice. Mais il faut avouer pour sa justification, que l'inté rêt de l'état se trouva presque toujours heureusement enchaîné à celui de sa fortune et de ses passions. Car la guer re qu'il entretint si long-temps par ambition, fut la première source de cette >> grandeur, où la monarchie française est parvenue sous le dernier règne. L'intérêt du bien public justifia son ingrati

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(a) Voyez le mot Médicis, dans les notes, à la fin de ce Volume.

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tude, quelquefois même sa vengeance; et si dans ces occasions, la passion fut » le seul motif de sa conduite, on peut " dire qu'il servit souvent l'Etat par ses » vices mêmes comme par ses vertus. Ajou"tons encore quelques traits pour achever >> son portrait. Son ambition s'attacha aux "plus petits objets, comme aux plus grands. » Magnifique dans sa dépense et ses lar»gesses, il vécut dans une splendeur qui "effaça la magnificence royale. Il pro"digua les récompenses à de làches cour »tisans et à de vils adulateurs; et dans » une si grande supériorité de vrai mérite, » il fut susceptible de petites jalousies et » de vanité pour les talens les plus mé» diocres. On le vit faire montre de son » adresse à manier un cheval, se faire » le rival des Poëtes et des Ecrivains de » son temps, disputer avec eux du bel » esprit, décrier leurs Ouvrages, et se » faire honneur de ceux d'autrui ».

L'Orateur et le Poëte emploient dans l'éthopée des couleurs plus brillantes, des tours plus nombreux que ceux de l'Historien. Ils peignent avec plus de feu et de précision: ils peignent même souvent d'un seul trait. Voyez avec, quelle force Bossuet, dans son Oraison funèbre de Henriette-Marie de France, Reine d'Angleterre, trace le caractère du fameux Cromwel (a). « Un homme s'est rencontré d'une pro

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

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» fondeur d'esprit incroyable; hypocrite » raffiné autant qu'habile politique; capa»ble de tout entreprendre et de tout ca»cher; également actif et infatigable dans "la paix et dans la guerre; qui ne lais» soit rien à la fortune de ce qu'il pouvoit » lui ôter par conseil et par prévoyance; » mais au reste si vigilant et si prêt à » tout, qu'il n'a jamais manqué les oc

casions qu'elle lui a présentées; enfin » un de ces esprits remuans et audacieux, » qui semblent être nés pour changer le "monde ».

Les Poëtes font très-souvent usage de cette figure, en donnant eux-mêmes un caractère à leurs personnages, ou en embellissant celui que l'histoire leur donne. Parmi tous les portraits de cette espèce, je n'en connois pas de mieux frappé que celui de Khadamisthe, dans la Tragédie de ce nom, par Crébillon. C'est Rhadamisthe lui-même qui parle :

Et que sais-je, Hieron ? furieux, incertain, Criminel sans penchant, vertueux sans dessein, Jouet infortuné de ma douleur extrême, Dans l'état où je suis, me connois-je moi-même? Mon cœur de soins divers sans-cesse combattu, Ennemi du forfait, sans aimer la vertu, D'un amour malheureux déplorable victime, S'abandonne au remord, sans renoncer au crime. Je cède au repentir, mais sans en profiter; Et je ne me connois que pour me détester. Dans ce cruel séjour sais-je ce qui m'entraîne? Si c'est le désespoir, ou l'amour ou la haine ?

Posogra

phie.

J'ai perdu Zénobie: après ce coup affreux,
Peux-tu me demander encor ce que je veux
Désespéré, proscrit, abhorrant la lumière,
Je voudrois me venger de la nature entière.
Je ne sais quel poison se répand dans mon cœur;
Mais jusqu'à mes remords, tout y devient fureur.

La Posograghie, peint l'extérieur des objets. On en trouve un bien beau modé le dans ce portrait du prélat du Lutrin par Boileau:

La jeunesse en sa fleur brille sur son visage:
Son men op sur son sein descend à triple étage,
Et son corps ramassé dans sa courte grosseur,
Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur.
Et dans ces vers du C. de B**.

Tout brûle des feux de l'été.
Le froid serpent caché sous l'herbe,
S'éveille, et dresse avec fierté
La crête de son front superbe :
Son corps, en replis ondoyans,
Roule, circule, s'entrelasse :
Ses yeux pleins d'ardeur et d'audace
S'arment de regards foudroyans:
Bientôt levant sa tête altière,
Vers l'astre qui l'a ranimé,
Il s'élance de la poussière,
Et fait briller à la lumière
Son aiguillon envenimé.

Un autre Poëte, dont le nom m'est échappé, offre aussi un bel exemple de Posographie dans ces vers où il peint l'attitude

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