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sance avoit élevés. Vous immolez à > votre souveraine grandeur de grandes > victimes, et vous frappez, quand il » vous plaît, ces têtes illustres que vous » avez tant de fois couronnées ».

A l'homme en général : c'est ce qu'on
voit dans ces vers de Me Deshoulieres.
De ce sublime esprit dont ton orgeuil se pique,
Homme, quel usage fais-tu ?

Des plantes, des métaux tu connois la vertu,
Des différens pays les mœurs, la politique,
La cause des frimats, de la foudre, du vent,
Des astres le pouvoir suprême;

Et sur tant de choses savant,

Tu ne te connois pas toi-même.

A des personnes mortes: tel est l'exemple que nous en offrent les derniers de ces beaux vers que Racine met dans la bouche de Phèdre en proie à tous les remords de son amour criminel pour Hippolyte.

Où me cacher? fuyons dans la nuit infernale.
Mais que dis-je! mon père y tient l'urne fatale.
Le sort, dit-on, l'a mise en ses sévères mains.
Minos (a), juge aux enfers tous les pâles humains.
Ah! combien frémira son ombre épouvantée,
Lorsqu'il verra sa fille à ses yeux présentée,
Contrainte d'avouer tant de forfaits divers,
Et des crimes peut-être inconnus aux enfers !
Que diras-tu, mon père, à ce spectacle horrible?

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

Je crois voir de ta main tomber l'urne terrible; Je crois te voir cherchant un supplice nouveau, Toi-même de ton sang devenir le bourreau. Pardonne. Un Dieu cruel a perdu ta famille, Reconnois sa vengeance aux fureurs de ta fille.

A des villes, à des provinces: tel est cet endroit de l'Oraison funèbre de Turenně (a) par Fléchier. «Villes, que nos ennemis s'étoient » déjà partagées, vous êtes encore dans » l'enceinte de notre empire. Provinces, » qu'ils avoient déjà ravagées dans le » désir et dans la pensée, vous avez en.

core recueilli vos moissons. Vous du>> rez encore, places que l'art et la na»ture ont fortifiées, et qu'ils avoient des» sein de démolir; et vous n'avez trem» blé que sous des projets frivoles d'un » vainqueur en idée, qui comptoit le » nombre de nos soldats, et qui ne son»>geoit pas à la sagesse de leur capitaine ».

A des êtres métaphysiques qu'on person nifie: c'est ce qu'a fait Jean-Jacques Rousseau, dans cet endroit de son Discours sur les Lettres.

« O vertu, science sublime des âmes » simples, faut-il donc tant de peines et » d'appareil pour te connoître? Tes prin. »cipes ne sont-ils pas gravés dans tous » les cœurs; et ne suffit-il pas, pour » apprendre tes lois, de rentrer en soi

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

» même, et d'écouter la voix, de sa con >> science dans le silence des passions »?

Enfin à des êtres insensibles: tels sont ces beaux vers de Racine le fils dans son poëme sur la Religion:

Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles?

Nuit brillante, dis- nous qui t'a donné tes voiles.
O cieux que de grandeur et que de majesté!
J'y reconnois un maitre à qui rien n'a coûté,
Et qui dans vos déserts a semé la lumière,

Ainsi que dans nos champs il seme la poussière.
Toi, qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ô soleil, viens-tu, du sein de l'onde,
Nous rendre les rayons de ta clatté féconde?
Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours.
Est-ce moi qui t'appelle, et qui règle ton cours ?
Et toi, dont le courroux veut engloutir la terre,
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre ?
Pour forcer ta prison, tu fais de vains efforts :
La rage de tes flots expire sur tes bords.

On voit encore un exemple de cette espèce d'apostrophe, dans ces vers du Poëme des quatre Saisons, du C. de B**, Arbres dépouillés si long-temps,

Couronnez vos têtes naissantes,

Et de vos fleurs éblouissantes

Parez le trône du printemps (a).

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume,

Elevez vos pampres superbes
Sur le faite de ces ormeaux,
Vignes, étendez vos rameaux.
Jasmins, sortez du sein des herbes ;
Montez, ombragez ces berceaux;
Et vous, aimables arbrisseaux,
Lilas, croissez, tombez en gerbes,
Ornez ces portiques nouveaux.
Et dans ceux-ci du même Poëme :
Orange douce et parfumée,
Limons, Poncires fastueux,
Et vous Cedres voluptueux,
Couronnez l'automne (6) charmée.
Raisins brillans dont la fraicheur
Etanche la soif qui nous presse ;
Pommes, dont l'aimable rougeur
Ressemble au teint de la jeunesse,
Tombez et renaissez sans cesse
Sur le chemin du voyageur.

On a pu juger par tous ces exemples, que l'apostrophe est une des figures les plus propres a exciter les passions, à remuer, à maîtriser les ámes. Mais il faut qu'elle soit amenée avec art, et que l'esprit de l'auditeur y ait été insensiblement disposé. Quand il a été attiré par dégrés, ému saisi, c'est alors qu'il doit être frappé, enlevé avec violence.

L'Exclamation est assez semblable à

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

l'apostrophe: elle éclate par des interjections, pour exprimer un vif sentiment de l'âme. Virgile en fournit un exemple dans cet endroit de l'Enéide.

« O Ilion! (a) ô ma chère patrie! ô » murs célèbres par tant d'exploits! le » cheval fut quatre fois arrêté à l'entrée » de la ville. Nous l'entendîmes quatre » fois retentir du bruit des armes qu'il ren» fermoit. Rien ne put dessiller nos yeux; » et nous plaçâmes le monstre fatal à » l'entrée du Temple de Minerve. (b) »

Voici encore une bien belle exclamation que fait Bossuet dans son Orasion fu nèbre de Henriette-Anne d'Angleterre (c), Duchesse d'Orléans.

« O nuit désastreuse! ô nuit effroya» ble, où retentit tout-à-coup comme un » éclat de tonnerre, cette étonnante nou» velle: Madame se meurt, Madame est » morte ».

Ces paroles si touchantes arrachérent des sanglots à tout l'auditoire; et l'Orateur lui-même, après les avoir prononcées, fut obligé de s'arrêter.

L'Epiphonème est une espèce d'excla- Epiphomation ou une réflexion courte et vive nemo, à la fin d'un récit, comme on va le voir dans cet endroit de l'Eneide.

« L'Infortuné Priam (d), se voyant

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez ce mot, ibid.

(c) Voyez le mot Angleterre, ibid.

(d) Voyez ce mot, ibid.

Tome I.»

N

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