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» Mademoiselle, Mademoiselle, fille de » feu Monsieur, Mademoiselle, petite fille » de Henry IV, mademoiselle d'Eu, ma» demoiselle de Dombes, mademoiselle de » Montpensier, mademoiselle d'Orléans, » Mademoiselle, cousine germaine du Roi, » Mademoiselle, destinée au trône; Mademoiselle, le seul parti de France, qui » fût digne de Monsieur ».

Il y a une espéce de suspension qui badine et qui se joue de l'attention du Lecteur. On débute sur un ton noble et pompeux; on a l'air d'annoncer quelque chos de grand, et l'on finit par un tait d'esprit agréable, plaisant ou épigrammatique. Ce fameux sonnet de Scarron en est un exemple.

Superbes monumens de l'orgueil des humains,
Pyramides, tombeaux, dont la vaine structure
A témoigné que l'art, par l'adresse des mains,
Et l'assidu travail, peut vaincre la nature :

Vieux palais ruinés, chef-d'œuvre des Romains,
Et les derniers efforts de leur architecture,
Colisée où souvent les peuples inhumains
De s'entr'assassiner se donnoient tablature:

Par l'injure des temps vous êtes abolis,
Ou du moins la plupart vous êtes démolis :
Il n'est point de ciment que le temps ne dissoude.

Si vos marbres si durs ont senti son pouvoir,
Dois-je trouver mauvais qu'un méchant pourpoint

noir

Qui m'a duré deux ans, scit percé par le coude.

Voici encore un joli exemple de cette espéce de suspension.

Après le malheur effroyable
Qui vient d'arriver à mes yeux,

Je croirai désormais, grands Dieux! .
Qu'il n'est rien d'incroyable.

J'ai vu, sans mourir de douleur,

J'ai vu.. siècles futurs vous ne pourrez le croire;
Ah ! j'en frémis encor de dépit et d'horreur ;
J'ai vu mon verre plein, et je n'ai pu le boire.

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J'ai dit ailleurs qu'il ne faut pas confondre ce qu'on appelle proprement le sublime, avec le style sublime. Voici en quoi l'un et l'autre différent. Le style sublime consiste à exprimer noblement une suite d'idées grandes, de sentimens élevés, mais qui ne sont pas sublimes, et à leur donner un certain caractère de sublimité. C'est ce qu'on a pû voir dans les différens exemples que j'ai cités. Le sublime, soit dans les pensées, soit dans les sentimens, est un trait merveilleux, extraordinaire, qui ravit, transporte, éléve l'âme, au-dessus d'elle-même, et qui lui fait sentir en-même-temps cette élévation. Le style sublime ne peut se mon trer que sous le pompeux appareil des figures les plus brillantes et les plus magnifiques. Le sublime peut se trouver, et se trouve bien souvent dans une expression, dans un

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seul mot. Quoi de plus simple que ces paroles de l'écriture. Dieu dit: que la lumiere se fasse; et la lumière fut faite. = Iljette ses regards; et les nations sont dissipées. Aussi ces paroles ne sont-elles pas du style sublime. Mais l'idée qu'elles renferment est sublime. Elle est en effet la plus haute, la plus relevée qu'il soit possible de concevoir de la toute-puissance de Dieu, et de l'obéissance de la créature aux ordres du créateur.

Racine nous fournit dans sa Tragédie d'Esther, un exemple bien propre à faire saisir la différence qu'il y a entre le style sublime, et le sublime. Le voici.

J'ai vu l'impie adoré sur la terre :

Pareil au cédré, il cachoit dans les cieux,
Son front audacieux.

Il sembloit à son gré gouverner le tonnerre,
Fouloit aux pieds ses ennemis vaincus.
Je n'ai fait que passer : il n'étoit déjà plus.

Les cinq premiers vers offrent des idées vraiment grandes, mais qui ne sont pas sublimes, parce qu'elles n'ont point ce merveilleux, cet extraordinaire qui enléve et qui ravit. Elles sont rendues d'une manière sublime, et sont par conséquent du style sublime, sans être sublimes. Le dernier vers présente une idée sublime par elle-même c'est là que se trouve ce merveilleux, cet extraordinaire qui caractérise proprement le sublime. L'Impie étoit le Dieu de la terre; le Poëte ne fait que

passer; et ce Dieu est disparu, anéanti : il n'est plus. Mais cette idée est rendue par les mots les plus simples. Ce dernier vers est par conséquent sublime, sans être du style sublime. Le vrai sublime peut donc se passer du secours de l'expression. Il s'en passe en effet assez. souvent quoiqu'on doive convenir que l'éclat en est rehaussé par le sublime des paroles.

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Le sublime peut naître de trois différentes sources; des pensées, des sentimens, des images.

I.

Du sublime des pensées.

Ce que je viens de dire, peut faire assez comprendre en quoi consiste le sublime d'une pensée. Cependant pour en donner une idée encore plus claire et plus juste, je vais rapporter la traduction littérale du texte sacré qui a fourni à Racine la matière des beaux vers que j'ai cités. « J'ai vu, »dit le Prophéte David, l'impie élevé aussi » haut que les Cédres du Liban (a): je n'ai » fait que passer, et il n'étoit plus. Je l'ai » cherché, et je n'ai pas même trouvé la

place où il étoit ». On voit sans peine que Racine a paraphrasé le texte ; mais qu'il n'a pas rendu cette pensée si forte et si sublime: Je l'ai cherché, et je n'ai pas même trouvé la place où il étoit. Tout ce

(a) Voyez ce mot, dans les motes, à la fin de ce Volume.

que les Poëtes, remarque le P. Bouhours (1), ont dit de plus fort sur la ruine de Troie, de Rome et de Cartage, c'est qu'il ne restoit que le lieu où avoient été ces villes fameuses. Mais ici le lieu même où étoit l'impie dans sa plus haute fortune, ne reste pas.

Peut-on donner de la grandeur, de l'indépendance, de l'éternité de Dieu, une idée aussi noble, aussi magnifique, aussi vraie que celle qu'en donnent les livres saints? Je suis celui qui est.... Le Seigneur régnera dans toute l'éternité et au-delà.

Est-il possible de dire sur l'idolâtrie quelque chose de plus fort et de plus frappant, que ce qu'en dit Bossuet dans son Discours sur l'Histoire Universelle : Tout étoit Dieu, excepté Dieu lui-même.

I I.

Du Sublime des Sentimens.

Les sentimens sont sublimes, dit l'Abbé Batteux (2), 'quand fondés sur une vraie vertu, ils paroissent être presqu'au-dessus de la condition humaine, et qu'ils font voir, comme l'a dit Sénèque, dans la foiblesse de l'humanité la constance d'un Dieu. L'univers tomberoit sur la tête du juste; son âme seroit tranquille dans le temps même de sa chûte. L'idée de cette tranquillité comparée avec le fracas du

(1) Man. de bien pens. II. Dial. (2) Princ, de la Litt. tom. III.

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