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riade, a imité cette belle image, en disant du Président de Harlay, que Bussy (Leclerc) menace de faire conduire à la Bastille, avec tout le Parlement :

Il se présente aux seize, et demande des fers,
Du front dont il auroit condamné ces pervers.

On trouve encore le vrai sublime des images dans les deux morceaux suivans. Le premier est tiré d'un sermon de Massillon, qui peint ainsi le néant des choses humaines.

« Une fatale révolution, une rapidité que rien n'arrête, entraîne tout dans » les abîmes de l'éternité. Les siècles, les "générations, les Empires, tout va se perdre dans ce gouffre. Tout y entre, » et rien n'en sort. Nos ancêtres nous en » ont frayé le chemin, et nous allons le » frayer dans un moment à ceux qui » viennent après nous. Ainsi les âges se » renouvellent; ainsi la figure du monde change sans cesse; ainsi les morts et les vivans se succèdent et se remplacent >> continuellement : rien ne demeure; tout » s'use, tout s'éteint. Dieu seul est tou»jours le même, et ses années ne finissent

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point. Le torrent des âges et des siècles » coule devant ses yeux; et il voit avec » un air de vengeance et de fureur de » foibles mortels, dans le temps même qu'ils » sont emportés dans le cours fatal, l'in»sulter, en passant, profiter de ce seul » moment pour déshonorer son nom, et » tomber au sortir de là entre les mains éter

»nelles de sa colère et de sa justice n. Celui-ci est la de cription du jugement dernier dans le poëme de la Religion par Racine le fils. Il est plein de grandes idées et d'images sublimes: c'est un de poésie fini.

morceau

Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés;
Déjà je vois pâlir les astres ébranlés.

Le feu vengeur s'allume, et le son des trompettes
Va réveiller les morts dans leurs sombres retraites.
Ce jour est le dernier des jours de l'univers.
Dieu cite devant lui tous les peuples divers;
Et pour en séparer les Saints, son héritage,
De sa religion vient consommer l'ouvrage.
La terre, le soleil, le temps, tout va périr,
Et de l'éternité les portes vont s'ouvrir :
Elles s'ouvrent. Le Dieu si long-temps invisible
S'avance, précédé de sa gloire terrible.
Entouré du tonnerre au milieu des éclairs
Son trône étincelant s'élève dans les airs.

Le grand rideau se tire; et ce Dieu vient en maître. Malheureux, qui pour lors commence à le connoître!

Ses anges ont par tout fait entendre leur voix;
Et sortant de la poudre une seconde fois,
Le genre humain tremblant, san- appui, sans réfuge,
Ne voit plus de grandeur que celle de son juge:
Ebloui des rayons dont il se sent percer,
L'impie av e horreur voudroit les repousser.
Il n'est plus temps: il voit la gloire qui l'opprime:
Il tombe enseveli dans l'éternel abîme

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Et loin des voluptés où fut livré son cœur,

LETTRES. 37 Ne trouv devant luiqla. rage et l'horreur. Le vraj Chrétien lui seul ne voit tien qui l'étonne Et sur ce tribunal que la foudre envi oane,

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Il voit le même Dieu, qu il a cru, sans le voir,
L'objet de son amour la fin de son espoir.
Mais il n'a plus besoin de foi ni d'espérance:
Un éternel amour en est la récompense,

Tout ce qu'on pourroit dire sur l'usage de chacun des trois styles dont j'ai parlé, et du sublime des pensées des sentimens, des images, est renfermé dans le peu que j'ai dit de la convenance du style en général. L'Ecrivain, qui non seulement connoît les principes de sa langue, et qui les observe, qui enchaîne bien ses idées, et qui les présente sous un jour lumineux; mais encore qui n'est jamais ni au-dessus, ni au-dessous du sujet qu'il traite, employant tour à tour le style simple, style fleuri, le style sublime, selon que. la matière s'élève ou s'abaisse; cet Ecrivain, dis-je, est un Ecrivain parfait. Voyons par où il peut mériter le titre d'homme vraiment éloquent.

CHAPITRE II.
De l'Eloquence.

le

NULLE autre force que l'éloquence,

suivant la pensée de Cicéron (1), n'a pu

(1) De Orat., n.o 8.

dans l'origine des temps, engager les hommes dispersés et féroces, à se réunir et à se civiliser. C'est elle sans-doute qui leur mit devant les yeux l'utile et l'honnête, leur fit goûter la raison, les rendit doux et humains, cimenta parmi eux la bonnefoi et la justice, les accoutuma à la su bordination, et les détermina non-seulement à ne pas épargner leurs peines, mais même à sacrifier leur vie pour le bien public.

Nous ne douterons point que ce changement si considérable n'ait été l'ouvrage de l'éloquence, si nous nous formons une juste idée du pouvoir qu'elle a sur les esprits et sur les cœurs. Examinons dans cette vue 1." en quoi elle consiste, quels en sont les différens genres ou ca

ractères.

ARTICLE I.

2.9

En quoi consiste l'Eloquence. L'éloquence est le talent de persuader, c'est-à-dire, de déterminer ceux qui nous écoutent à croire ou à faire quelque chose. Pour en venir à bout, il faut émouvoir puissamment leur âme, et y imprimer avec force les sentimens dont nous sommes nousmêmes pénétrés.

Mais est-il bien vrai, dira-t-on sansdoute, que l'Orateur doive éprouver les sentimens qu'il veut faire passer dans l'âme de ses auditeurs, puisqu'il y a tant d'Ecrivains qui n'avoient assurément pas les

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vertus qu'ils font aimer par leurs ouvrages? On répond à cela qu'au moment où ces Auteurs ont écrit, ils ont dû nécessairement être remplis de l'amour de ces vertus et comment auroient-ils pu nous les peindre si dignes d'être aimées ? Mais ce sentiment, quoique très-vif et trèspénétrant, n'a été malheureusement en eux que passager. Il en est de même des auditeurs ou des lecteurs qui, après avoir entendu ou lu un discours éloquent, ne croient ni ne font rien de ce que leur a dit l'Orateur. Ils ont été intimement persuadés mais cette persuasion n'a été que, momentanée des causes étrangères ont empêché qu'elle n'eût des effets sensibles et durables.

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L'éloquence véritable et proprement dite, Eloquence est comme le pathétique et le vrai sublime; indépendante des règles. et peut-être ne sont-ils tous les trois qu'une seule et même chose : c'est ce qu'il est inutile de discuter ici. Bornons nous à dire que l'extraordinaire les caractérise également. Le pathétique en, effet, est un trait d'une énergie et d'une véhémence extraordinaire qui émeut et agite l'âme; le sublime, un trait d'une noblesse et d'une grandeur extraordinaire qui la transporte et l'élève; l'éloquence, un trait d'une vivacité et d'une rapidité extraordinaire qui la pénètre, la subjugue et la maîtrise. Mais celle-ci ne peut arriver à sa fin, que par le secours des deux autres, parce que pour subjuguer et maîtriser l'âme, il

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