Nous souhaitons de voir leurs jouis bientôt bornés. Les Germains comme eux deviendront C'est tout ce que j'ai vu dans Rome à mon abord, Point de pourpre à donner? c'est en-vain qu'on espère Quelque refuge aux lois : encor leur ministère Je finis. Punissez de mort Une plainte un peu trop sincère. A ces mois, il se couche, et chacun étonné Dans la tragédie de Britannicus, Néron (a) a conçu l'horrible dessein de faire empoisonner Britannicus son frère. Burrhus, ancien Gouverneur de cet Empereur, veut l'en détourner, et lui tient ce discours : C'est à vous à choisir; vous êtes encore maître. (a) Voyez ce mot, dans les notes à la fin de ce Volume. Soutenir vos rigueurs par d'autres cruautés, De ses amis tout prêts à prendre sa querelle. Toujours punir, toujours trembler dans vos projets, " nommer; Lear sombre inimitié ne fuit point mon visage: "Je vois voler partout les cœurs à mon passage. Tels étoient vos plaisirs. Quel changement, ô Dieux? Le sang le plus abject vous étoit précieux. Un jour, il m'en souvient, le Sénat équitable Vous pressoit de souscrire à la mort d'un coupable; Vous résistiez, Seigneur, à leur sévérité ; Votre cœur s'accusoit de trop de cruauté; Et plaignant les malheurs attachés à l'empire, Je voudrois, disiez-vous, ne savoir pas écrire. Non, ou vous me croirez; ou bien de se malheur Ma mort m'épargnera la vue et la douleur. On ne me verra point survivre à votre gloire, Il n'est aucun homme sensible, qui, à la lecture de ces deux morceaux, ne conçoive et n'éprouve lui-même les vives impressions qu'ils durent faire, l'un sur le Sénat de Rome, l'autre sur Néron. On croira sans peine que le paysan du Danube fit passer dans l'âme des Sénateurs la juste indignation dont il étoit transporté contre les vexations tiranniques des Préteurs romains; et que Burrhus remplit l'âme de Néron du sentiment d'horreur dont il avoit été luimême saisi à la seule idée de cet empoison nement. Aussi le Sénat, rappelant les Préteurs qu'il avoit envoyés en Germanie, admit dans son sein l'éloquent paysan; et Néron, persuadé par le discours de Burrhus, révoqua sur-le-champ l'ordre qu'il avoit donné pour la consommation de son crime, disant qu'il vouloit se reconcilier avec son frère. Voilà la véritable éloquence et ses heureux effets. Qu'on ne dise point que cet empéreur revint, bientôt après, à son premier dessein, et que malheureusement, il le fit ་ exécuter. Cela prouveroit-il qu'il n'avoit pas été intimement persuadé par l'éloquence de son ancien gouverneur ? Non sans-doute; puisque sans les conseils parricides d'un confident aussi rusé que scélérat, il auroit étouffé toute sa haine dans les bras de son frère. Cette objection n'atloibliroit en rien le pouvoir et la force de l'éloquence, qui, comme je l'ai déjà dit, n'a souvent que des effets momentanés, parce qu'elle nepent pas enchainer la volonté de l'homme, qui, de sa nature, est toujours libre et maître des ses actions. Au reste, peu importe que les faits dont il s'agit ici, soient imaginés ou réellement vrais. S'ils ont été inventés, il suffit qu'ils soient aussi vraisemblables qu'ils puissent l'être, et que par conséquent il y ait des raisons de croire que, dans leur réalité, ils se seroient passés de la même manière que nos deux Poëtes le supposent dans la fiction qu'ils emploient. Des divers Genres d'Eloquence. Il y a trois genres ou caractères d'éloquence: le genre simple, qui dit les choses telles qu'elles sont; le genre fleuri, qui les orne et les embellit; le genre sublime, qui déploie tout ce que les pensées, les sentimens et les expressions ont de plus élevé, de plus frappant et de plus pompeux. Quoiqu'ils ne doivent pas être confondus avec les trois styles auxquels on donne le ci aident même nom, il est cependant vrai de dire de justes notions de ceux beaucoup à se former une idée nette de ces trois genres d'éloquence, que I. Du Genre simple. Le genre simple présente les objets sans les revêtir d'aucun ornement recherché. La délicatesse des pensées et l'élégance des expressions s'y font plus sentir qu'elles ne paroissent. S'il peint par des images, ces images sont moins fortes que gracieuses: s'il exprime des sentimens, ces sentimens portent dans l'âme une émotion plus douce que vive. Agréable et touchant, suivant la pensée de Cicéron (1), sans chercher à le paroître, il dédaigne, comme ces beautés modestes, toute parure affectée, tou? ce qui s'appelle fard et ornement étranger. La propreté seule, jointe aux grâces naturelles, lui suffit. Ce n'est pas la nature brute et sauvage qu'il demande : c'est la nature sans pompe, sans ornemens affectés, sans dessein formé de plaire. On voit parlà que ce genre s'éloigne peu de la manière commune de parler. Cependant qu'on nè s'imagine pas qu'il faut peu de talent pour y exceller. La justesse et la précision sont les deux principales qualités qui le caractérisent; et ces qualités sont bien rares dans les écrivains. (1) IN Orai., n.o 77. Tome I. |