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avec douceur, sans trop échauffer l'imagination, sans exciter de grands mouvemens. Dans les lettres d'agrément, il doit être fleuri, mais en n'admettant que des ornemens naturels, et en rejettant toute parare affectée. Ce style pathétique, et ce style fleuri doivent toujours porter un caractère de simplicité.

les

Deux excès sont à éviter dans le style épistolaire; le trop d'art, c'est-à-dire, pensées rafinées, les mots sonores, les figures éclatantes, les périodes nombreuses, les tourspompeux ou alambiqués. Madame de Maintenon (a) répondant à la lettre d'un jeune Ecclésiastique, pour qui elle s'intéressoit, lui disoit : « Je crois votre lettre très-exacte, et dans toutes les régles de l'art de bien dire. Mais elle ne me paroît point conforme à celles du bon goût: je l'aurois voulue plus simple. Votre bon cœur est pressé de reconnoissance et d'amitié pour moi; je vous permets de le dire; car je suis fort touchée de ces sentimens, et ce sont des vertus mais il falloit le dire sans chercher des termes et des expressions plus propres à une déclamation qu'à une lettre».

point

L'autre excès est le trop de négligence. On doit dire dans une lettre les choses comme elles se présentent à l'esprit, sans se permettre jamais des mots impropres, des phrases triviales, des proverbes populaires. Par exemple, ces expressions,

je

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de e Volume.

vous écris ces deux lignes, je prends la li berté de vous écrire, pour m'informer de l'état de votre santé, etc., sont, non pas du style simple, mais du style bas : le ton de la bonne compagnie ne les souffre point. Il faut sur-tout éviter les grandes fautes de langage: elles décélent une profonde ignorance des principes de notre langue, et par-là même une éducation négligée, qui ne peut donner qu'une idée peu favorable de l'homme qui écrit. Les jeunes gens doivent à cet égard s'appliquer à corriger leurs lettres, jusqu'à ce qu'ils aient acquis par l'habitude, la facilité d'écrire purement et avec grâce.

Si l'on sent bien qui l'on est, et à qui l'on parle, on ne dira dans une lettre que ce que l'on doit dire, et on le dira de la manière dont on doit le dire. Le respect, le devoir, l'amitié, la supériorité même ont chacun un langage particulier. La bonne éducation, le bon esprit, le sentiment nous dictent ce langage. Un inférieur concevra aisément qu'il doit parler en termes respectueux, sans trop s'abaisser; un égal, qu'il ne doit point prendre un ton de hauteur; un supérieur, qu'il ne doit pas trop faire sentir ce qu'il est. Un ami se livrera au sentiment, et laissera courir la plume: c'est au cœur seul à dicter les lettres d'amitié. On recommande cependant, et avec juste raison, d'y être réservé sur la plaisanterie: il ne faut se la permettre que rarement, en écrivant à un ami. Un bon mot peut être lu dans un moment

Différen

de Lettres

d'humeur, et affoiblir, briser même insensiblement les liens de l'amitié.

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Le style ne sauroit être trop simple tes especes trop clair et trop précis dans les lettres familieres, d'affaires. L'esprit et l'enjouement doivent en être bannis. Dites ce qu'il faut, et ne dites que ce qu'il faut : entrez en matière sans préambule, et passez d'un article à l'autre, sans chercher de transition. C'est là qu'il faut s'occuper plus des choses, que de la manière de les dire, pourvu qu'on s'exprime nettement et sans équivoque.

Il n'en est pas de même dans les lettres de demande. Le ton doit en être modeste et respectueux, à proportion de la qualité de la personne à laquelle on écrit ; les expressions choisies, sans le paroître ; les pensées justes et convaincantes, les tours agréables et propres à persuader. Mais l'art doit êire ici bien caché. Quelquefois on obtient en louant avec finesse les personnes, en fatiant leur vanité, leur faisant même entrevoir qu'il est de leur intérêt de vous rendre service. Tout cela dépend du caractère de celui à qui l'on demande. Il faut le connoître par soimême, ou par la voix publique.

en

A ces sortes de lettres resssemblent, à bien des égards, les lettres de recommandation. La chaleur du sentiment, la douceur et l'agrément du style doivent les caractériser. On ne sauroit trop y montrer l'intérêt qu'on prend à la personne, pour laquelle on demande quelque chose, et dont on ne doit pas passer sous silence les talens et

les vertus. Cicéron est admirable dans ces sortes de lettres : il s'exprime, il sollicite, il insiste avec la plus vive chaleur, et avec cette éloquence, qui entraîne le cœur et la volonté de celui à qui il écrit. Pline le jeune n'est ni moins zélé, ni moins, pressant, ni moins pathétique dans ses lettres de recommandation. Nous n'en connoissons qu'une tout entière d'Horace, celle qu'il écrivit à Tibère, pour le prier de placer auprès de lui Septimius, dans un voyage, que ce jeune Prince alloit faire en Orient, à la tête d'une armée. Tibère en effet agréa Septimius, et le fit ensuite connoître d'Auguste, qui ne tarda pas à lui donner son affection. Cette lettre est un vrai modèle en ce genre, principalement pour la précision, la délicatesse et le ton qu'on doit prendre, quand on écrit dans ces circonstances à des personnes d'un rang élevé. La voici.

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« Septimius est sans-doute le seul qui » juge que j'ai quelque part à votre estime. » Quand il me prie, ou plutôt quand il » m'oblige de vous le recommander comme » un homme digne d'entrer dans la maison et » dans la confidence d'un Prince, qui ne » choisit que des gens de mérite; quand il » se persuade que vous voulez bien m'ho»norer d'une amitié intime, il s'imagine » certainement que je peux plus que je » ne le crois moi-même. Je lui ai dit bien » des raisons pour m'excuser. Mais enfin, >> j'ai apréhendé qu'il ne me soupçonnât de » vouloir rabaisser mon crédit auprès de

» vous, et d'user de dissimulation envers » lui, dans la vue de n'être utile qu'à moi» même. Ainsi, pour éviter ce reproche » honteux, j'ai ôsé aspirer aux récompen»ses des courtisans les plus assidus. Si donc »je vous parois digne de quelque éloge, » pour avoir franchi les bornes de la retenue » et du respect, par déférence aux ordres » d'un ami, je vous supplie d'accorder å » Septimius une place dans votre maison; » et croyez que vous aurez un homme de » cœur et de probité ».

Votre cœur doit fournir ce que vous avez à dire dans une lettre de remerciement. Si vous êtes vraiment sensible au service que vous avez reçu, vous ne manquerez ni d'expressions ni de tours, pour en marquer toute votre reconnoissance, et pour louer la générosité de la personne qui vous a obligé. Mais ne vous imaginez pas qu'il faille pour cela une bien longue lettre. Le sentiment se peint souvent dans un seul mot. Voyez cette lettre du Maréchal de Tallardà Madame de Maintenon.

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MADAME,

<< Recevez, s'il vous plaît, ici mes trèshumbles remerciemens du mot que vous » me fites l'honneur de me dire hier. Rien » n'égale vos bontés; rien n'égale ma re» connoissance. Vous m'avez accordé votre » protection pour me faire Chevalier de » l'Ordre; j'en ai ressenti les effets quand j'ai été Duc. Yous acheverez, Madame,

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