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A l'ombre de Damon.

L'ORNE, comme autrefois, nous reverroit en

core

Ravis de ces penfers que le vulgaire ignore,
Egarer à l'écart nos pas & nos difcours;

1 Et couchez fur les fleurs comme étoiles femées,
Rendre en fi doux ébat les heures confumées,"

2

Que les foleils nous feroient courts.

Mais, ô loi rigoureufe à la race des hommes !
C'est un point arrêté, que tout ce que nous fommes
Iffus de peres Rois, & de peres Bergers,"
La Parque également fous la tombe nous ferre,
Et les mieux établis au repos de la Terre,

N'y font qu'hôtes & paffagers.

Tout ce que la grandeur a de vains équipages, D'habillemens de pourpre, & de fuite de Pages, Quand le terme eft échû, n'allonge point nos jours Il faut aller tout nuds où le Deftin commande, Et de toutes douleurs la douleur la plus grande, C'est qu'il faut laiffer nos amours. 3

1 Pingit & in varios terreftria fidera flores. Columelle.
2 C'eft-à-dire, les jours. Virgile:

Sæpe ego longos
Cantando puerum memini me condere foles.

MALHER

3 Amours, en cette occafion, fignifient les perfonnes-3 qui, nous font les plus cheres.

BE.

Tome I...

MA

BE.

Amours, qui la plûpart infidelles & feintes,

MALHER- Font gloire de manquer à nos cendres éteintes;
Et qui plus que l'honneur eftimant les plaifirs,
Sous le mafque trompeur de leurs vifages blêmes,
Acte digne du foudre! en nos obfeques I mêmes,
Conçoivent de nouveaux defirs.

Depuis que tu n'es plus, la campagne deferte
A deffous deux hivers caché fa robe verte,
Et deux fois le printems l'a repeinte de fleurs ;
Sans que d'aucuns difcours ton Iris fe confole,
Et que ni la raifon, ni le tems qui s'envole,.
Puiffe faire tarir fes pleurs...

1 Funere fæpe viri vir quæritur. Ovide

LIVRE III.

P

HABER T.

HILIPPE HABERT, Parifien,

étoit né avec beaucoup de HABERT.
génie pour les Lettres : mais
les emplois qu'il eut après

fes études l'engagerent infenfiblement
dans la profeffion des armes. Le dernier
fut celui de Commiffaire d'Artillerie,
que lui avoit donné M. de la Meilleraye,
dont il étoit fort confidéré. En 1637.
l'armée Françoife ayant eu ordre d'af-
fiéger le Château d'Emery entre Mons &
Valenciennes, la méche d'un foldat tom-
ba dans un tonneau de poudre, qui fit
fauter une muraille, fous la ruine de la-
quelle Habert fut accablé, n'ayant en-
core que 32. ans. Le Temple de la Mort,
qui eft le feul ouvrage imprimé qu'on ait

de lui, a été regardé en fon tems comme HABERT. une des plus belles pieces de la Poëfie Françoife. Elle fut faite pour M. de la Meilleraye, fur la mort de fa premiere femme, fille du Maréchal d'Effiat.

LE TEMPLE DE LA MORT.

SOUS

Poëme

Ous ces climats glacez, où le Flambeau du
Monde

Epand avec regret fa lumiere féconde,

Dans une Ifle deserte eft un vallon affreux,
Qui n'eut jamais du Ciel un regard amoureux :
Là, fur de vieux cyprès dépouillez de verdure,
Se perchent les oifeaux de malheureux augure:
La terre, pour toute herbe, y produit des poisons,
Et l'hyver y tient lieu de toutes les faifons.
Tous les champs d'alentour ne font que cimetieres;
Mille fources de fang y font mille rivieres,
Qui traînant des corps morts & de vieux offemens,
Au lieu de murmurer, font des gémiffemens.

Au creux de ce vallon, dès l'enfance du Monde,
Eft un Teinple fameux, d'une figure ronde;
Quatre portes de fer, en quatre endroits divers,
Par Fordre des Destins partagent l'Univers:

L'une eft vers le Couchant, & l'autre eft vers

l'Aurore ;

L'une voit le Sarmathe, & l'autre voit le More;
Et là viernent en foule, & fous d'égales lois,
Les jeunes & les vieux, les Peuples & les Rois.
La vieilleffe, la Fiévre, & les Douleurs mortelles,
1 De ce Temple odieux font les gardes fidelles.
Leurs habits font de deuil, & cet obfcur manoir,
Afes funeftes murs entourez de drap noir,
Où des flambeaux de poix les lumieres funébres,
Par leurs fombres vapeurs augmentent les ténèbres.

Un Monftre fans raifon auffi-bien que fans yeux
Eft la Divinité qu'on adore en ces lieux :
On l'appelle la Mort ; & fon cruel empire
S'étend deffus les jours de tout ce qui refpire.
L'Objet le plus charmant qu'euffent vû les mortels,
Venoit d'être immolé fur fes-fameux autels :
La place d'alentour étoit toute fanglante,
Et rougiffoit encor du meurtre d'AMARANTE,
Quand le beau Lyfidor, dont le fidelle amour
Eft connu de tous ceux qui connoiffent le jour,
L'ame de defefpoir & de fureur atteinte,
Dans ces lieux déteftez proféra cette plainte.

Puiffante Déité, qui portes dans tes mains
Ce vieux fceptre rouillé, craint de tous les humains,

1 HABERT. Sant de ces huis facrez, &c. Huis pour por te, terme favori du bas peuple en Normandie.

HABERT,

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