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De qui l'aveuglement ne respecte personne,
HABERT. Et n'épargna jamais ni fceptre, ni couronne;
Prête un moment l'oreille à mes triftes difcours :
Je ne viens point ici pour prolonger mes jours,
Mais pour te conjurer de prendre ta victime:
Ne prive pas mon cœur d'un espoir légitime.
Les autres oubliant qu'un Dieu les fit mortels,
Se font traîner par force au pied de tes autels :
Mais pour moi, que ton bras s'arme contre ma tête,
Et qu'il fafle fur elle éclatter fa tempête;

J'ai bien affez de cœur pour ne reculer pas,
Et voir tomber le coup qui porte le trépas:

Mes yeux feront fans pleurs, & ma bouche fans
plainte ;

Mon corps fans tremblement, & mon ame fans

crainte.

Ne croi pas que le tems qui tarit tous les pleurs,
Cet heureux Médecin de toutes les douleurs,
Lui de qui tant d'Amans ont fenti le remede,
En apporte jamais au mal qui me poffede.
En vain tout l'Univers me voudroit fecourir,
Toi feul as dans tes mains ce qui peut me guérir.
Pour t'en convaincre, écoute un Amant miférable:
Apprens ce que mon fort a de plus déplorable.

Entre un nombre infini des plus rares Beautez,
Que renferme en fes murs la Reine des Citez,
Paris, dont l'Univers ne voit point de pareille,

Chacun fçait qu'AMARANTE étoit une merveille :
La gloire de brûler aux flâmes de fes yeux,
Contentoit les défirs des plus ambitieux;
Et parmi tant d'Amans épris de cette gloire,
AMARANTE me crut digne de la victoire.
Je fus l'unique objet de fes affections;
Ma trifteffe & ma joye étoient fes paffions:
Ma crainte dans fon ame excitoit mille craintes;
Et mes moindres douleurs faifoient naître fes:
plaintes.

Le Ciel ne voyoit rien de plus heureux que moi,
Et je goûtois un bien auffi pur que ma foi.
Las! il fut auffi pur,
mais non pas fi durable;
Mon bonheur disparut comme un fonge agréable
Sa beauté fut pareille à celle d'un éclair,

Qui dans l'obfcure nuit brille au milieu de l'air :
Son jour rit à nos yeux, mais il porte la foudre
Qui frappe, qui terraffe, & qui réduit en poudre,
Et nous fert bien fouvent de funeste flambeau,
Pour nous précipiter dans la nuit du tombeau.

J'étois dans les transports des premieres délices,
Dont l'Himen couronna mes fidelles fervices,
Lorsqu'une fiévre ardente affaillit la Beauté,
Qui dans fes doux liens tenoit ma liberté.

Il n'eft rien ici bas qui ne foit périffable:
Les plus fermes rochers font fondez fur le fable
Les trônes & les Rois font rongez par les vers;

HABERT.

Et deux points font l'appui de ce grand Univers.
HABERT. La fiévre en ce beau corps orgueilleuse & hautaine,
Sur des ruiffeaux de fang ferpente & fe promene;
Et le feu dans la main, menace du tombeau
Tout ce que la Nature a de riche & de beau.
Elle efface les fleurs fur fon vifage éclofes ;
Y fait jaunir les lys, y fait pâlir les rofes;
Et ravit à fon teint cet éclat fans pareil,
Qui ne devoit périr qu'avecque le Soleil.
Ses yeux, dont les rayons illuminoient mon ame,
Nelancent plus de traits, ne jettent plus de flâme.
Elle voit dans les miens fon lamentable fort;
Elle voit fur mon front les fignes de sa mort.
Ce n'eft pas fon tourment, mais le mien qui
l'outrage;

Son mal, & non le mien étonne mon courage.
La fiévre, cependant, fe rit de nos douleurs,
S'accroît par nos foupirs, s'enflâme par nos pleurs ;
Et fes feux redoublez montrent que fon envie
Eft de borner le cours d'une fi belle vie.
AMARANTE Voyant qu'un fort injurieux
Va fermer pour jamais & fa bouche & fes yeux,
Met fa main dans la mienne, & d'une voix

mourante,

» C'en eft fait, cher époux; tu n'as plus d'AMA

» RANTE..

Je meurs,

mais je meurs tienne; & la févere.loj

Qui

Qui peut tout fur mes jours, ne peut » foi.

rien fur ma

HABERT.

» Ton beau nom qui fut feul & ma joye & ma

دو

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Malgré l'ordre du Sort, paffera l'onde noire.

» Je n'espere plus rien; mais helas! j'aime encor :
Je renonce à la vie, & non à Lisidor........
Le foupir qui fuivit fa derniere parole,

Comme un globe enflammé vers les aftres s'envole:
AMARANTE eft fans voix, fans poulx, fans

mouvement,

Et tombe dans les bras de fon fidelle Amant,
Qui ne pouvant mourir auprès de cette Belle,
Fit voir qu'on ne meurt pas d'une douleur mortelle.
Déeffe, qui connois l'excès de mes malheurs,
N'épargne point mon fang, mais épargne mes
pleurs ;

Approche, & que ta main, en meurtres fi féconde,
Faffe un coup aujourd'hui qui m'ôte de ce monde.
Viens, mon unique efpoir: tu viens en tant de
lieux,

Où ton nom est l'effroi des jeunes & des vieux.
Le moindre de tes traits peut détacher mon ame,
Et couper de mes jours la malheureuse trame.
Mais c'eft trop te prier, & c'eft trop difcourir:
Effayons fi fans toi nous pourrons bien mourir. 1

Σ

1 Ce Poëme et beaucoup plus étendu dans l'originals
Tome I.
N

HABERT.

MADRIGAL.

Pour M. le Marquis de L ***.

Toi qui connois la vanité

Des honneurs qu'on poursuit au Louvre,
Et le malque dont on y couvre
La plus noire infidélité :
Contemple à l'abri de l'orage

La Grace qui conduit ta barque dans le port,
Avant que le déclin de l'âge

T'ait ravi le moyen de penfer à la mort.

N***

mais on a crû devoir en retrancher les redites & les lon

gueurs, pour en rendre la lecture plus agréable.

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