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MAY

NARD.

Et d'où ce fainéant vit tant de funérailles:
Rome n'a rien de fon antique orgueil;

Et le vuide enfermé de fes vieilles murailles
N'eft qu'un affreux objet, & qu'un vafte cercueil.

Mais tu dois avecque mépris

Regarder ces foibles débris;

Le tems amenera la fin de toutes chofes ;

Et ce beau ciel, ce lambris azuré,
Ce théâtre où l'Aurore épanche tant de rofes,
Sera brûlé des feux dont il est éclairé.

Le grand Aftre qui l'embellit,

Fera fa tombe de fon lit:

L'air ne formera plus ni grêle, ni tonnerreș ;
Et l'Univers, qui dans fon large tour
Voit courir tant de mers, & fleurir tant de terres,
Sans fçavoir où tomber, tombera quelque jour,

A un célèbre Médecin.

TES fecrets m'ont donné l'entiere guérifon
De toutes les douleurs qui me faifoient la guerre ;
Et depuis le déclin de ma belle faifon,
Je te dois le féjour que je fais fur la terre.

moles pulcherrima mundi

Ardebit flammis tota repente fuis. Seneq.

Si l'on trouvoit partout des Sçavans comme toi,
Le Nocher des Efprits auroit fi peu d'emploi,
Qu'il en foûpireroit dans le fond de fa barque.
Quand tu le veux, CLEON, le Deflin eft trompé :
Tu ris de fes décrets, tu régnes fur la Parque,
Et lui fais renouër le fil qu'elle a coupé.

Pour Madame Talleman.

Es un fiécle rempli de licence & de vices,
Ta modeftie, heureufe à vaincre les délices,
N'a point eu d'ennemi qu'elle n'ait abattu.
La pompe & le bonheur t'ont conftamment fuivic,
Mais les appas flatteurs d'une fi douce vie,
N'ont jamais offufqué l'éclat de ta vertu.

SONNETS IRRÉGULIERS.

Il exhorte un Ami à faire retraite, avant que la mort le furprenne.

COMTE, le monde attend notre dernier adicu. Nos pieds font arrivez fur le bord de la tombe. Ceffe d'aimer la Cour, & t'éloigne d'un lieu Où la malice régne, & la bonté fuccombe.

I

Le chagrin de l'Auteur contre la Cour, n'eft que trop marqué dans fes Poelies: mais les Vers en font nathrels & fi beaux, qu'un pareil chagrin tourne, en quelque forte, au profit du Lecteur.

MAY

NARD.

Le vrai bien n'eft qu'au Ciel; il le faut acquérir: MAY- Il faut remplir nos cœurs d'une fi belle envie. Notre heure va fonner: fongeons à bien mourir, Et dégageons nos fens des piéges de la vie.

NARD.

L'humble ni l'orgueilleux, le foible ni le fort,
Ne fçauroient réfifter aux rigueurs de la mort;
Elle a trop puiffamment établi fon empire:

Ce qu'elle peut fur un,
elle le peut fur tous;
Et ces riches tombeaux de jafpe & de porphire
Nous difent que les Rois font mortels comine nous,

Il exhorte fon ame au repentir.

MON ame il faut partir: ma vigueur eft paffée;
Mon dernier jour eft deffus l'horison.
Tu crains ta liberté ! quoi? n'es-tu pas laffée
D'avoir fouffert foixante ans de prison?

Tes défordres font grands, tes vertus font petites;
Parmi tes maux on trouve peu de bien :
Mais fi le bon JESUS te donne fes mérites,
Efpere tout, & n'appréhende rien.

Mon ame, repens-toi d'avoir aimé le monde;
Et de mes yeux fais la fource d'une onde
Qui touche de pitié le Monarque des Rois.

Que tu ferois courageufe & ravie,

Si j'avois foûpiré tout le tems de ma vie
Dans le défert fous l'ombre de la Croix!

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La vie eft un grand bien, mais ce bien me tour

mente:

Ma vieilleffe m'accable, & je crains de guérir.
O que j'ai de plaifir quand ma foibleffe augmente,
Puifqu'elle m'avertit qu'il eft tems de mourir !

Les maux que je reffens, & qui me font la
guerre
Depuis que ma jeunesse a terminé fon cours,
M'ont fi bien détaché des objets de la terre,
Que je voudrois hâter la fuite de mes jours.

Quelque effroi que la Mort porte fur fon vifage,
Je veux, en l'affrontant, montrer que mon courage
N'eft pas un ennemi qu'elle puiffe ébranler :

Mais que dis-je ennemi ? je fuis amoureux d'elle.
Sans paffer dans la tombe, on ne fçauroit aller
A la belle demeure où la foi nous appelle.

I

Crainte de la Mort, naturelle à l'homme.

QU'ON ne m'accufe point de redouter la Mort:

1 L'Auteur fit ce Sonnet & les Vers fuivans la veille même de fa mort.

MAY-
NARD.

NARD.

La terreur qu'elle infpire eft jufte & naturelle. MAY- Contre ce monftre affreux il n'est rien d'assez fort, Et le Sauveur du Monde a tremblé devant elle. SEIGNEUR,en ce moment qui doit borner mes jours, Que deviendrai-je, hélas ! fi tu ne me secours? Diffipe les frayeurs qui naiffent de mes crimes; Permets-moi de prétendre à la gloire des Cieux; Et la Mort, qui m'appelle au rang de fes victimes, Toute horrible qu'elle eft, fera belle à mes yeux.

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