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Ces finiftres oifeaux, l'orfraye & les hibous,
Cherchent l'éclat du jour, & vivent parmi nous.
La Nature produit mille formes hideufes,
D'affreux enfantemens, des couches monftrueufes.
A ces triftes objets les fens font interdits,
Et la mere frémit en regardant fon fils.

La cendre des tombeaux pouffe des voix humaines,
Et l'on entend gémir des urnes toutes pleines.
Une Furie armée & d'ongles & de dents,
Fait alentour des murs fiffler mille ferpens;
Et roulant en fa main une torche allumée,
Empoisonne les airs de fa noire fumée.
Marius & Sylla, ces Manes odieux,
Reviennent des enfers fe montrer à nos yeux;
Et donnent par leurs cris un funefte présage,
Que Rome va bien-tôt achever leur ouvrage.

LIVRE II.

Difcours magnanime de Caton à Brutus.

QUE les traits de la Mort me feroient précieux,
S'ils devoient appaifer les Enfers & les Cieux !
O courfe de mes jours noblement raccourcie,
Si Caton en mourant a le fort de Décie!

Qu'au milieu des deux Camps, percé de tous leurs
coups,

De tous il foit la proye, & le falut de tous:

BREBEUF.

Mais hélas ! je me flatte, & je perds mes souhaits; BREBEUF. Le Ciel veut plus de fang, l'Enfer plus de forfaits. Allons donc, cher Brutus, où le fort nous entraîne: Exécutons fur nous les ordres de fa haine. Attendant que les Dieux prononcent leurs arrêts, Je me donne à Pompée & fuis fes interêts; Ou plutôt dans fon Camp, où le Sénat m'appelle, Je me donne à l'Etat, & foûtiens fa querelle. Qu'il fçache ce Guerrier, dont je me rends l'appui, Que fi les Dieux enfin s'intereffent pour lui, Si fa haute vaillance enfin n'eft pas trompée, Il a vaincu pour Rome, & non pas pour Pompée. LIVRE III.

Defcription de l'Ecriture, originaire de Phénicie.

C'EST d'elle que nous vient cet art ingénieux
De peindre la parole, & de parler aux yeux;
Et par les traits divers de figures tracées,
Donner de la couleur & du corps aux pensées.

I

1 Le grand CORNEILLE a dit plus d'une fois qu'il auoit volontiers donné deux de fes plus belles Pieces pour être l'Auteur de ces quatre Vers. Il auroit perdu fans doute, auffi-bien que le Public, à un pareil échange. Au refte, CORNEILLE a fait fur le même fujet un quatrain que voici.

C'eft d'elle que nous vient le fameux art d'écrire,
Cet art ingénieux de parler faus rien direz
Et par les traits divers que notre main condust,
Attacher an papier la parole qui fuit.

Defcription d'un Bois facré.

On voit près de Marseille une forêt facrée,
Formidable aux Humains, & des tems révérée,
Dont le feuillage fombre & les rameaux épais,
Du Dieu de la clarté font mourir tous les traits.
Sous la noire épaiffeur des ormes & des hêtres,
Les Faunes, les Sylvains, ou les Nymphes chan
pêtres,

Ne vont point accorder aux accens de la voix,
Le fon des chalumeaux ou celui des hautbois.
Cette ombre deftinée à de plus noirs offices,
Cache aux yeux
du Soleil fes cruels facrifices,
Et les vœux criminels qui s'offrent en ces lieux,
Offenfent la Nature en révérant les Dieux.

Là, du fang des humains on voit fuer les marbres;
On voit fumer la terre, on voit rougir les arbres;
Tout y parle d'horreur, & même les oiseaux
Ne fe perchent jamais fur ces triftes rameaux.
Les fangliers, les ours, les bêtes les plus fieres,
N'ofent pas y chercher leur bauge ou leurs tanieres?
La foudre accoûtumée à punir les forfaits,
Craint un lieu fi coupable, & n'y tombe jamais.
Là, de cent Dieux divers les groffieres images,
Impriment l'épouvante & forcent les hommages;
La mouffe & la pâleur de leurs membres hideux,
Semblent mieux attirer les refpects & les vœux ;
Sous un air plus connu la Divinité peinte,
Trouveroit moins d'encens & feroit moins de
crainte

BREBEUF,

BREBEUF.

Tant aux foibles mortels il eft bon d'ignorer

Les Dieux qu'il leur faut craindre, & qu'il faut
adorer.

Là, d'une obfcure fource il coule une onde obfcure,
Qui femble du Cocyte emprunter la teinture;
Souvent un bruit confus trouble ce noir féjour,
Et l'on entend mugir les roches d'alentour.
Souvent du trifte éclat d'une flamme enfoufrée
La forêt eft couverte, & n'eft pas dévorée ;
Et l'on a vû cent fois les troncs entortillez
De céraftes hideux & de dragons aîlez.

Les voisins de ce bois fi sauvage & si sombre,
Laiffent à fes démons fon horreur & fon ombre;
Et le Druide craint en abordant ces lieux,
D'y voir ce qu'il adore, & d'y trouver les Dieux.

Parfaite reffemblance de deux freres.

LA Nature avoit mis en l'un & l'autre frere
Des rapports, qui trompoient jufqu'aux yeux de
leur mere;

Mais la mort les diftingue, & fa promte fureur
Diffipe avant le tems cette agréable erreur :
Elle prend l'un des deux, & celui qu'elle laiffe,
Au cœur de fes parens reproduit la trifteffe;
Et par un trop fidelle & trop jufte rapport,
Dans le frere vivant montre le frere mort.

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Defcription d'un Bois facré.

On voit près de Marseille une forêt sacrée,
Formidable aux Humains, & des tems révérée,
Dont le feuillage fombre & les rameaux épais,
Du Dieu de la clarté font mourir tous les traits.
Sous la noire épaiffeur des ormes & des hêtres,
Les Faunes, les Sylvains, ou les Nymphes chan -
pêtres,

Ne vont point accorder aux accens de la voix,
Le fon des chalumeaux ou celui des hautbois.
Cette ombre destinée à de plus noirs offices,
Cache aux yeux du Soleil fes cruels facrifices,
Et les vœux criminels qui s'offrent en ces lieux,
Offenfent la Nature en révérant les Dieux.
Là, du fang des humains on voit fuer les marbres;
On voit fumer la terre, on voit rougir les arbres;
Tout y parle d'horreur, & même les oiseaux
Ne fe perchent jamais fur ces tristes rameaux.
Les fangliers, les ours, les bêtes les plus fieres,
N'ofent pas y chercher leur bauge ou leurs tanieres
La foudre accoûtumée à punir les forfaits,
Craint un lieu fi coupable, & n'y tombe jamais.
I.à, de cent Dieux divers les groffieres images,
Impriment l'épouvante & forcent les hommages;
La mouffe & la pâleur de leurs membres hideux,
Semblent mieux attirer les refpects & les vœux ;
Sous un air plus connu la Divinité peinte,
Trouveroit moins d'encens & feroit moins de
*rainte

i

BREBEUF,

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