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ment tous les Poëtes qui l'avoient préMAROT. cédé, mais ceux même de fon tems. Il auroit eu plus de part aux bonnes graces du Roi fon Maître, s'il n'eût pas donné dans la nouvelle Religion. La liberté avec laquelle il parloit des chofes faintes, le fit connoître pour Hérétique. On l'arrêta pendant que François I. étoit prisonnier en Espagne. On l'enferma d'abord au Châtelet de Paris, & enfuite on le transfera à Chartres, Etant forti de prifon par les follicitations de fes amis, & craignant d'être arrêté une feconde fois, il se retira auprès de la Reine Marguerite de Nayarre, fœur de François I. Il allaenfuite trouver Renée de France, Ducheffe de Ferrare, fille de Louis XII, L'amitié qu'il y contracta avec Calvin, lui fit embrasser le Calvinifme, jufqu'à ce que le Duc de Ferrare, follicité par le Pape Paul III. de chaffer de fes Etats tous les beaux Efprits fufpects d'héréfie, pria la Ducheffe fa femme de congédier Marot. Cette

Princeffe obtint du Roi qu'il retourneroit à la Cour de France, & qu'il y exerceroit MAROг. fa Charge, à condition qu'il rentreroit dans la Religion Romaine. Cependant il lui échappa plufieurs fois de parler en Calvinifte, & la peur qu'il eut qu'on ne lui pardonnât pas fes rechutes, l'obligea d'aller à Geneve. Il y commit quelque tems après un adultere averé qui l'auroit fait condamner à une mort honteuse, fi le crédit de Calvin n'eût adouci les Juges en fa faveur. Il fe retira de là à Turin, où il mourut en 1544. âgé de 60 ans. Il avoit l'air fort férieux, & il reffembloit plûtôt à un Philosophe austere, qu'à un Poëte auffi ingenieufement badin qu'il l'étoit. Son stile est net, facile, enjoué, & furtout fort naïf. A fon retour de Ferrare en France, il paraphrasa une partie` des Pfeaumes en Vers François, fur la traduction du célèbre Vatable, Professeur du Roi en Hébreu: mais un efprit de parti plûtôt que fon génie propre femble l'avoir

déterminé à ce travail, qui, à parler naMAROT. turellement, étoit bien au-deffus de fes forces. Marot n'a qu'un ftile, & il chante du même ton les Pfeaumes de David &

les merveilles d'Alix. C'eft au moins le * Voyez fentiment de M. de Voltaire *. Mais cet fon Temple illuftre Poëte n'eft-il pas un peu trop févere à l'égard du nôtre, lorfqu'il le réduit à cinq ou fix feüillets dignes d'être lus?

au Goût,

Fase si.

EPIGRAMME S.

Du Lieutenant Criminel & de Samblançay,

LORSQU

I

ORSQUE Maillard, Juge d'Enfer, menoit A Montfaucon Samblançay 2 l'ame rendre, A votre avis, lequel des deux tenoit

Meilleur maintien ? Pour vous le faire entendre,

1 Anciennement les Criminels étoient menés jufqu'à ce licu, pour y fubir la peine portée par leur Sentence.

2 J. de Beaune, de Samblançay, Surintendant des Finances fous Charles VIII. Louis XII. & François I. fut arrêté en 1522. fous prétexte de péculat, & condamné à être pendu. Ce qui fut exécuté le 12 Août 1527. Dans la fuite on reconnut fi bien l'injuftice de cet Arrêt, que Famille s'eft toujours foutenue depuis avec diftinction. Son Hôtel à Tours fait aujourd'hui partie du College des JESUITES près d'une Place appellée le Quarré de Beaune.

fa

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Maillard fembloit homme que Mort va prendre ;
Et Samblançay fut fi ferme vieillard,

Que l'on croyoit, pour vrai, qu'il menât pendre
A Montfaucon le Lieutenant Maillard.

De l'Abbé de fon Valet.

MONSIEUR l'Abbé & Monfieur fon valet
Sont faits égaux tous deux comme de cire:
L'un eft grand fou, l'autre petit folet:
L'un veut railler, l'autre gaudir & rire:
L'un boit du bon, l'autre ne boit du pire:
Mais un débat au foir entr'eux s'émeut:
Ce maître Abbé toute la nuit ne veut
Etre fans vin, de crainte qu'il ne meure ;
Et fon valet jamais dormir ne peut,
Tandis qu'au pot une goute en demeure.

Au Roi de Navarre.

MON fecond Roi, j'ai une haquenée
D'affez bon poil; mais vieille comme moi:
A tout le moins long-tems a' qu'elle est née,
Dont elle eft foible & fon maître en émoi. 2
La pauvre bête, aux fignes que je voi,
Dit qu'à grand peine ira jufqu'à Narbonne.

1 Long-tems a, pour il y a long-tems. 2 Emoi, pour émotion, chagrin.

MAROT.

MAROT.

Si vous voulez m'en donner une bonne,
Sçavez1 comment Marot l'acceptera ?
D'auffi bon cœur 2 comme la fienne il donne
Au fin premier qui la demandera.

La Reine de Navarre à Marot.

Si ceux à qui devez, comme vous dites,
Vous connoiffoient comme je vous connois,
Quitte feriez des dettes que vous fites
Au tems paffé, tant grandes que petites,
En leur payant un Dixain, toutefois
Tel que le vôtre: il vaut mieux mille fois,
Que l'argent dû par vous en confcience :
Car eftimer on peut l'argent au poids;
Mais on ne peut, & j'en donne ma voix,
Affez priser votre belle science.

A la Reine de Navarre, fur le Dixain précédent.

MES créanciers qui de dixains n'ont cure,
Ont vû le vôtre; & fur ce leur ai dit :
Sire Michel, Sire Bonaventure,

La fœur du Roi a pour moi fait ce dit.

1 Sçavez comment, pour sçavez

-vous comment ?

2 D'auffi bon cœur comme, pour que. Cette façon de parler a été en ufage long-tems même après Marot: elle ne feroit pas fupportable aujourd'hui.

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