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Selon les accidens, les humeurs, ou les jours, REGNIER, Changer comme d'habits tous les mois de discours. Je n'entends point le cours du Ciel ni des

Planettes;

Je ne puis deviner les affaires fecretes ;
Connoître un bon visage, & juger fi le cœur
Contraire à ce qu'on voit, ne feroit point
mocqueur.

De porter un poulet 2 je n'ai la fuffifance:
Je ne fuis point adroit, je n'ai point d'éloquence
Pour colorer un fait, ou corrompre la foi,
Prouver qu'un grand amour n'eft fujet à la loi,
Suborner par difcours une femme coquette,
Lui conter des chanfons de Jeanne 3 & de
Pâquette;

Débaucher une fille, & par vives raisons

Lui montrer comme Amour fait les bonnes
Maifons;

Les maintient, les éleve, & propice aux plus belles,
En honneur les avance, & les fait Damoiselles :
Que c'est pour leurs beaux yeux que fe font les ballets;
Qu'elles font le fujet des Vers & des Poulets;

1 Motus Aftrorum ignoro. Juv. Sat. 3. V.42,
2 Ferre ad nuptam quæ mittit adulter,

Quæ mandat norunt alii. Juv. Sat. 3. v. 45.

3 Façon de parler populaire, pour marquer les difcours que l'on tient du tiers & du quart, de celle-ci & de celle-là,

Que leur nom retentit dans les airs que l'on chante;
Qu'elles ont à leur fuite une troupe béante
De langoureux tranfis, & pour le faire court,
Dire qu'il n'eft rien tel qu'aimer les gens de Cour.

DE LA SATIRE VÍ.

Maux qui fuivirent la décadence de l'âge d'or.

JE penfe, quant à moi, que cet homme étoit

yvre,

Qui changea le premier l'ufage de fon vivre ;
Et rangeant fous des Lois les hommes écartez,
Bâtit premierement & Villes & Citez:

De tours & de foffez renforça ses murailles,
Et renferma dedans cent fortes de canailles.
De cet amas confus nâquirent à l'inftant
L'Envie & le Mépris, le Difcord inconftant,
La Peur, la Trahison, le Meurtre, la Vengeance,
Et de mille autres maux la redoutable engeance.
Ainfi la liberté du monde s'envola;

Et chacun fe campant, qui deçà, qui de-là,
Dehaye & de buiffons remarqua fon partage.
La Fraude fit alors la nique 2 au premier âge;

&c.

1 Nous dirions aujourdhui par des hayes & des buiffons

2 Ces expreffions populaires, faire la nique, faire la figue, font expliquées dans le Dictionnaire Univerfel.

REGNIER.

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REGNIER.

A

Et du mien & du tien nâquirent les procès,
qui l'argent départ bon ou mauvais succès.
Le fort battit le foible, & lui livra la guerre.
De-là l'Ambition fit envahir la Terre,
Qui fut, avant le tems que furvinrent ces maux,
Un azile commun à tous les animaux ;

Quand le Mari de Rhée, au fiécle d'innocence,
Gouvernoit doucement le Monde en fon enfance;

Que tout vivoit en paix, qu'il n'étoit point d'ufures
Que rien ne fe vendoit par poids ni par mefures :
Qu'on n'avoit point de peur qu'un Procureur Fifcal
Formât fur une aiguille un long Procès-verbal.
Les ennuis, les chagrins, nous brouillerent la tête;
L'on ne pria les Saints qu'au fort de la tempête;
L'on trompa fon prochain, la médisance eut lieu,
Et l'Hypocrite fit barbe de paille à Dieu.
L'homme trahit fa foi, d'où vinrent les Notaires,
Pour attacher au joug les humeurs volontaires.
La faim & la cherté fe mirent fur le rang;
La fiévre, les charbons, le maigre flux de fang
Commencerent d'éclorre, & tout ce que l'Automne
Par le vent du Midi nous apporte & nous donne.

Saturne, fous lequel fut l'âge d'or.

2 Ce Proverbe ne viendroit - il point de ce qu'on fai. foir des barbes d'or aux Statues, & au lieu d'or de paille?

DE LA SATIRE X.

Defcription de la figure du caractere d'un Pédant REGNIER. qui fe trouva à un repas où Regnier étoit invité.

Je croirois faire tort à ce Docteur nouveau,
Si je ne lui donnois quelque coup de pinceau.
Son nez haut relevé sembloit faire la nique
A l'Ovide Nafon, au Scipion nafique,
Où maints rubis balais, tout rougiffans de vin,
Montroient un Hac itur à la
pomme de pin;
Et prêchant la vendange, affeuroient en leur trogne,
Qu'un jeune Médecin vit moins qu'un vielyvrogne.
Ainfi ce Perfonnage, en magnifique arroi,
Marchant Pedetentim,, s'en vint jufques à moi,
Qui connus à fon nez, à fes lévres déclofes,
Qu'il fentoit bien plus fort, mais non pas mieux
que roles.

Il me parle Latin, il allegue, il difcourt;

Il réforme à fon pied' les humeurs de la Cour,

2

Dit qu'il a pour montrer une belle maniere,

Qu'en fon globe il a vû la matiere premiere:

1 Mot Latin; pié - à - pié, tout doucement. Regnier a penfé fans doute à l'allufion que fait ce mot à celui dePédant.

2 M. Defpreaux, dans fa cinquième Réflexion critique fur Longin, cite ces douze Vers comme un beau portrait du Pédant. Regnier connoiffoit bien l'homme; & il le peint dans fes différens caracteres, avec des couleurs auffi vives que vrayes.

Б. ilij

Qu'Epicure eft yvrogne, Hypocrate un bourreau ; KIGNIER. Que Bartole & Jason ignorent le Barreau :

Que Virgile eft paffable, encor qu'en quelques pa

ges

Il méritât au Louvre être fifflé des Pages :
Que Pline eft inégal, Térence un peu joli;
Mais furtout il cftime un langage poli.

Ainfi fur chaque Auteur il trouve de quoi mor

dre:

L'un n'a point de raifon, & l'autre n'a point d'ore
dre:

L'un avorte avant tems les œuvres qu'il conçoit ;
L'autre n'eft qu'un grimaud qui mérite le foüet.

DE LA SATIRE VIII.

A M. DE LAVARDIN, EVESQUE DU MANS.
Contre un Importun. I

CHARLES, de mes péchez j'ai bien fait péni

tence.

Or toi, qui te connois aux cas de confcience,
Juge fi j'ai raifon de penfer être abfous.
J'entendois l'autre jour la Meffe à deux genous,

1 Avec tout le refpe&t que l'on doit aux Anciens, on peut affûrer que cette Satire n'eft point inferieure pour la naïveté pour la fineffe à celle qu'Horace a faite fur le même fujet, & qui eft la neuvième du premier Livre..

&

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