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paru, plus vive que folide, je me flate de n'avoir aucun reproche à effuyer de fa part, s'il n'en a point d'autre à me faire touchant la Bibliotheque Poëtique. Je n'ai garde de prétendre que toutes les matieres qui la compofent, enjouées ou férieurfes, profanes ou facrées, foient autant de chef-d'œuvres; ce feroit prétendre l'impoffible: mais à fuppofer que tout y fût du même mérite, pourrois-je me flatter que tout y dût plaire aux différens efprits? Il y a en nous certains motifs d'approbation & de dégoût qui nous font particu liers; & le fentiment qui nous refte de la lecture d'un Ouvrage, vient quelquefois moins de l'Ouvrage même, que de ces motifs dont nous aurions bien de la peine à nous rendre compte.

Les Hommes illuftres de M. Perrault, & du Pere Niceron; les Jugemens des Sçavans, par M. Baillet; l'Hiftoire de l'Académie Françoife..... m'ont fourni les maté riaux néceffaires pour mes Vies. Je leur ai donné plus ou moins d'étenduë, felon que les Auteurs ont eu plus ou moins de célébrité; mais fans m'affujettir à certains détails qui m'auroient mené trop loin. Si d'autres l'ont fait, ils ont dû le faire; c'étoit leur miffion. A l'égard des Remar

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ques, vous diftinguerez aifément celles qui m'appartiennent d'avec celles que j'ai empruntées du fçavant Commentaire de M. Broffette fur les Satyres de Regnier des Obfervations de Ménage fur les Euvres de Malherbe, des Réfléxions de M. de la Martiniere fur nos Epigrammatiftes François, &c. Ces Vies & ces Remarques contribueront, fi je ne me trompe, à délaffer du ton trop uniforme, ou trop continu de la Poëfie.

Ce fera peut-être un fujet de furprise, & même de scandale pour quelques-uns, que j'aye ofé n'être pas tout-à-fait du fentiment de M. Boileau touchant trois ou quatre de nos Poëtes. Au moins ne me foupçonnerez-vous pas d'avoir voulu donner quelque atteinte à fa haute réputation; entreprise qui feroit auffi ridicule & auffi téméraire qu'inutile. Mais, admiration à part pour ce grand Homme, j'ai mieux aimé courir les rifques d'être quelquefois trop indulgent , que de ne pas rendre juftice à la vérité qui mérite en tout nos premiers égards.

Comme j'ai moins fongé à groffir ou à multiplier les volumes, qu'à faire un Recueil que tout le monde pût lire, j'ai cru devoir en exclure Ronfard, Baïf, Jodelle,

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& autres qui ont fuivi Marot immédiatement, & qui ont à peine furvécu à leur réputation. Parlant le plus fouvent Grec & Latin en François, notre Langue eft tellement défigurée dans leurs Vers, que le moindre extrait que j'en euffe donné auroit effrayé les oreilles; aujourd'hui furtout que le goût eft plus délicat & plus épuré que jamais. J'aurois bien fouhaité pouvoir mettre à contribution nos Poëtes vivans; mais vous me prévenez, fans doute, fur les raifons qui ont dû m'en empêcher. D'un côté j'ai craint qu'on ne me foupçonnât de vouloir m'ériger en Juge de leurs Ouvrages, ce qui me fiéroit moins qu'à perfonne; & de l'autre, il m'eût été bien difficile, avec les meilleures intentions du monde, de ne pas faire bien des mécontens. Cette raifon feule étoit fuffifante pour m'obliger à ne prendre que fur les Morts, gens paifibles, & avec lefquels il n'y a aucun retour fâcheux à craindre. Enrichi de leurs dépouilles, je croirai n'en avoir fait un bon ufage, qu'autant que le tout enfemble paroîtra utile & agréable au Public. L'approbation flateuse dont il a honoré mon premier Recueil, eft un préjugé affez favorable pour cette nouvelle Collection. Mais, bon ou mauvais

fuccès, je fuis au moins fûr, MONSIEUR que vous & vos femblables me fçaurez gré de n'y avoir admis aucune de ces Piéces effrontément fatiriques, ou licentieuses, qui, à la honte de leurs Auteurs, femblent n'avoir été faites que pour tourner en ridicule le mérite ou la vertu.

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