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deux fortes, le grand & le petit. Le grand Lai fut compofé de Vers de différente mesure fur deux rimes. Le Virelai eft un petit Poëme comique & plaifant, qui a, dit-on, les Picards pour inventeurs. Le Triolet eft une petite Piece amoureuse ou fatirique de huit Vers, chacun de huit fyllabes, partagez en trois couplets: on en a fait fur toute forte de fujets. Le Quatrain eft une Stance de quatre Vers. La maniere des Quatrains eft ordinairement la Morale; leur caractere eft la fimplicité & la gravité. Tout le monde connoît ceux de Gui du Faur de Pibrac, Préfident à Mortier au Parlement de Paris, & Chancelier du Duc d'Alençon, & qui mourut en 15 84. Guillaume Colletet dans fon Difcours de la Poëfie Morale, nomme un grand nombre d'Auteurs qui ont compofé des Quatrains, & dont plufieurs ont vécu avant Pibrac.

Ces diverfes fortes de Poëfies furent cultivées par la plupart des Poëtes qui vécurent fous le régne de Charles V. & fous celui de fes Succeffeurs. On nomme fous le régne de Charles VI. Castel, Jean de la Fontaine, Nicolas Flamel, & Alain Chartier qui ne fut dans fa grande force que fous le régne fuivant. Les trois premiers font très-peu connus en qualité de Poëtes; Alain l'eft beaucoup davantage. Il avoit été Secretaire de Charles VI. & il cut le même emploi auprès de Charles VII. La Normandie fe glorifie encore aujourd'hui de lui avoir donné la naiffance. Il fut un des bons Orateurs & des bons Poëtes de fon tems. Il y a cependant peu de fes Poëfies qu'on puiffe lire aujourd'hui avec quelque fatisfaction: je n'en excepte pas même fes Lays qui lui firent cependant beaucoup d'honneur. Ce fut de fon tems, ou du moins fous le régne de

Charles VII. que les Elegies, les Complaintes, & les Epitaphes commencerent d'avoir cours.

On fit auffi quelques Poëines d'une longue éten düe, comme la Deftruction de Troye la grande, par Jacques Milet, Parifien. Jean Regnier, Sieur de Guerchi, Elû, & enfuite Bailli d'Auxerre, compofa beaucoup de Complaintes, qui font partie de Les Fortunes & Adverfitez c'eft ainfi qu'il a inTitulé le Recueil de Vers qu'il compofa pour adoucir l'ennui de fa prison où il fut détenu à Beauvais, ayant été arrêté durant les guerres que la France eut avec la Bourgogne. Regnier fuivoit le parti de Jean furnommé le Bon, Duc de Bourgogne dont il étoit fujet. Il dit dans fon Recueil qu'il avoit beaucoup voyagé dans fa jeuneffe,non-feulement en Europe, mais auffi dans l'Afie & ailleurs. Arnoul & Simon Grebans, freres, fe firent une plus grande réputation par leur efpece de Tragédie des Actes des Apôtres, que par leurs autres Poëfies qui ne font prefque plus connues depuis long tems. On trouvoit que par rapport à leur fiécle leur verfification avoit du nombre & de l'harmonie. Mais elle étoit dépourvûë du goût & de l'élégante fimplicité que T'on remarque dans les Poëfies de Charles Duc d'Orléans, petit-fils de Charles V. pere de-Louis XII. & oncle de François I. C'eft à lui plutôt qu'à Villon que l'on doit donner l'honneur

D'avoir fçu le premier, dans ces fiécles groffiers,
Débrouiller l'art confus de nos vieux Romanciers.

Ceux qui ont lû les Poëfies de ce Prince, que l'on conferve manufcrites à la Bibliotheque du Roi, conviennent que fi l'on ne doit pas y chercher la

hardieffe des fictions & des figures, on y trouve furement la nobleffe des idées, jointe à la beauté &. aux graces de l'expreffion. On peut en juger par le peu qui en eft imprimé dans le Tome XIII. des Mémoires de l'Académie des Infcriptions & BellesLettres, où l'on fait remarquer que Charles d'Orléans étoit d'ailleurs un Poëte fi fécond, que le Manufcrit de fes Poëfies contient cent cinquante-deux Ballades, fept Complaintes, ou Lettres en complaintes, cent trente & une Chansons, environ quatre cent Rondels, & enfin un Difcours que le Prince prononça devant Charles VII. en faveur de Jean II. Duc d'Alençon.

Le Volume des Poëfies de Villon renferme beaucoup moins de Pieces; mais elles montrent toutes le génie heureux de l'Auteur. On y fent un badinage délicat, qui tient comme le milieu entre l'agréable & le bouffon; mais ce badinage eft fouvent gâté par le comique & le bas dans lequel tombe l'Auteur. Ses Poëfies fe fentent trop auffi de la corruption des mœurs de celui qui les a enfantées. Villon s'étoit livré dès fa plus tendre jeuneffe au libertinage, & il manqua d'en être la victime. Il fut condamné à être pendu, avec plufieurs de fes Compagnons; & il ne dut la vie qu'à fon efprit, & à la compaflion de Louis XI. par l'ordre duquel le Parlement ufa d'indulgence. La peine de mort fur changée en celle de banniffement. Si Rabelais étoit bien informé, Villon fe retira auprès d'Edouard VI. Roi d'Angleterre, & eut beaucoup de part aux bonnes graces & à la familiarité de ce Prince qu'il réjouit par fes plaifanteries & par fes contes. On ignore combien il demeura à la Cour d'Edouard ; mais on fçait qu'il revint en France, & le réfugia

en Poitou chez un de fes amis qui étoit Abbé de Saint Maixent; & peut-être qu'il y mourut à quel âge, & dans quel tems? C'est ce que perfonne ne nous a appris.

Pour ce qui regarde les ouvrages, ils contiennent fes deux Teftamens; le petit qu'il compofa le premier, l'an mil quatre cens cinquante-fix, fous le régne de Charles VII. & le grand, qu'il fit cinq ans après, l'an mil quatre cens foixante & un; fon Jargon; fes Repues franches; & deux Scenes comiques affez courtes. Ce qu'il appelle fon Jargon, ce font quelques Pieces qu'il compofa dans je ne fçais quel langage à part, dont les jeunes libertins de fon caractere fe fervoient entr'eux.

Les Repues franches font proprement une inf truction pour les bons enfans qui n'ont point d'ar→ gent. Il leur enfeigne l'arr de corriger leur mauvaife fortune, & de faire grand chere fans mettre la main à la bourfe. Et parce que rien n'inftruit plus efficacement que l'exemple, il leur raconte plufieurs tours qu'il avoit faits en ce genre, & dans lefquels il n'avoit payé que d'efprit & d'adreffe. Des deux Scenes comiques qu'il nous a laiffées ; P'une a pour titre : le Monologue de Franc Archier de Bagnolet; & l'autre, Dialogue entre Meffieurs de Male-paye & Baille-vent. Ces titres en annoncent le fujet.

Les Poëtes qui vêcurent dans le fiécle de Villon, ou dans le fuivant, & qui précéderent Marot, font en grand nombre; mais plufieurs font peu connus & la plupart font encore moins lûs. Les plus célébres font Martial d'Auvergne, Olivier de la Marche, Pierre Michault, Georges Chastelain, Guillaume Coquillart, Jean Molinet, Guillaume Cre

tin, Jean le Maire, Guillaume Alexis, Laurent Defmoulins, Guillaume Michel, dit de Tours, Michel d'Amboife, & quelques autres. Difons un mot de chacun de ces Poëtes.

Martial d'Auvergne étoit de Paris où il fut Procureur au Parlement durant l'efpace de cinquante ans, & il s'acquitta de fa profeffion avec honneur. Il mourut au mois de Mai de l'an 1508. Il ne craignit point d'entonner la trompette héroïque, & compofa les Vigiles de Charles VII. Il célébre dans ce Poëme les exploits de ce grand Roi, & la maniere miraculeufe dont la France fecoua le joug des Anglois. C'eft une hiftoire très-circonftanciée, où l'Auteur fuit l'ordre des faits, & les datte prefque tous. La verfification n'en eft pas exacte; mais le Poëte hiftorien s'y montre un homme de bon fens & qui ne manque point d'invention. On a parlé plus haut de fes Arrêts d'amour. On a encore de lui les dévotes louanges à la Vierge Marie ;. & on lui attribue une Piece badine affez ingénieufe, intitulée : l'Amant rendu Cordelier à l'obfervance d'amour. Cette Piece a été réimprimée au Tome II. de la derniere édition des Arrêts d'amour..

Olivier de la Marche, plus connu par fes Mémoires en profe, que par les Poëfies, étoit Bourguignon, & de famille noble. Attaché aux Ducs de Bourgogne, il les fervit avec beaucoup de zéle & de fidélité. Charles, fucceffeur de Philippe, le fit fon Maître d'Hôtel & Capitaine de fes Gardes. Le Comte de Charolois l'honora de la dignité de Chevalier à la Journée de Montlhéri, l'an 1465. Dans la fuite Olivier de la Marche s'attacha à Maximilien d'Autriche ; & Philippe, fils de Maximilien, l'envoya en France pour complimenter le Roi

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