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Charles VIII. fur fon avenement à la Couronne après la mort de Louis XI. fon pere. Il mourut à Bruxelles le premier jour de Février de l'an 1501. Le plus grand nombre de fes Poëfies eft demeuré manufcrit: Tout ce qu'on en connoît d'imprimé, c'est le parement & Triomphe des Dames d'honneur: & le Chevalier délibéré, ou la vie & la mort de Charles Duc de Bourgogne, qui trefpaffa devant Nancy, au mois de Janvier 1476. Le premier ouvrage eft mis en Vers mêlé de Profe. C'est un écrit tout moral. Il contient vingt-fix Chapitres, done chacun eft compofé d'un nombre de ftrophes de huit Vers. Chaque Chapitre eft fuivi de quelque hiftoire en Profe, tirée de quelque Auteur Sacré ou Profane. Ces Hiftoires font données pour appuyer par des exemples les moralitez qui font en Vers, & pour leur fervir de preuves. Il n'y faut pas chercher beaucoup de critique : il y a même quelques fables que l'Auteur paroît adopter fort férieufement. Mais il y a des avis utiles, & des moralitez fort folides, & l'Auteur avoit raifon d'exhorter les Dames à en profiter.

Pour ce Mefdames qui lirez ce Dictier
Le bien foit pris, le mal en nonchalloir
Pour l'amour d'une que mon cueur a plus cher
Fay pris la peine de ce livre traicter.

Dont toutes autres en pourront mieulx valoir.
Je donc, LA MARCHE, meu d'aulcun bon vou-

Loir

Querant vertus, & redoutant les blâmes,

L'ay baptife le Triumphe des Dames.

Fierre Dezray, de Troyes en Champagne, que

l'on met au nombre de ces Historiens, a revû cet ouvrage, l'a augmenté de notes, & l'a publié. Cet Editeur vivoit fous le régne de Louis XII.

Le Comte de Charolois, fils du Duc de Bourgogne, qui avoit fait Chevalier Olivier de la Marche, eut pour Secretaire Pierre Michauit, qui s'exerça auffi dans l'art de la Poëfie, & qui fit un bon ufage de fon talent. Après avoir acquis de l'expérience dans les Cours des Grands, & en avoir connu les défauts, il voulut inftruire ceux qu'il fervoit, & en leurs perfonnes tous ceux que la grandeur éleveroit dans la fuite au deffus des autres : c'eft le but principal de fon Doctrinal de Cour, qui eft mêlé de Profe & de Vers. Mais on a tant écrit depuis fur cette matiere dans un meilleur goût, & avec plus de folidité, que cet ouvrage eft oublié depuis long-tems. Il a pû être utile dans le fiécle où il a été fait.

Georges Chaftelain, Chevalier, né dans le Hainault, a vêcu auffi à la Cour des Ducs de Bourgogne au fervice defquels il porta les armes pendant une grande partie de fa vie. Il eft furnommé l'Avanturier; fans doute parce qu'il avoit beaucoup voyagé, comme on le lit dans fon Epitaphe, & à caufe des divers accidens qui lui étoient arrivez, foit dans fes courfes, foit dans les guerres où il s'étoit trouvé. Il mourut à l'âge de foixante & dix ans, le 22. de Mars 1474. Les Historiens contemporains lui donnent les titres d'Orateur, d'Hiftorien, & de Poëte très-elégant. En qualité d'Ora

teur

il compofa l'Inftruction d'un jeune Prince. Comme Hiftorien, il écrivit le Temple de la ruine de quelques Nobles malheureux, imitant en cela Bocace, qui avoit traité le même fujet, & dont

J'ouvrage a été traduit en François. Comme Poëte, Chaftelain mit en Vers les chofes merveilleuses arrivées de fon tems. Il parle dans ce Poëme, de la Pucelle d'Orléans brûlée à Rouen, du Duc Amedée de Savoye devenu Pape fous le nom de Felix V. d'un Roi & d'une Reine de Sicile, qu'il ne nomme point, qui d'un commun accord quitterent le Sceptre pour la Houlette, & fe firent Bergers; d'un Duc de Gloceftre, étouffé dans une Cuve de vin; d'un Cardinal à qui son Barbier coupa la gorge; & de plufieurs autres avantures femblables; dont quelques-unes n'ont pas même de probabilité. La derniere ftrophe de cet écrit nous apprend que ce fut fur la fin de fa vie que Chastelain rima les faits qui font le fujet de cette Piece.

J'ay veu dure vieillesse
Qui me vient tourmenter;
Se fault que je délaisse
L'efcripre le Dicter
En rime telle quelle,
Puifque je vois mourant.
MOLINET mon fequeftre
Fera le demourant.

Georges Chaftelain fit encore un Poëme, mêlé de Profe & de Vers, intitulé : les Epitaphes d'Hector & d'Achille, efquelles font contenues les Pieces pendantes au procès débattu entre eux en la présence d' Alexandre le Grand.

Jean Molinet, difciple & ami de Chastelain, continua le récit que fon ami avoit laiffé imparfait, & le mêla comme lui de plufieurs Hiftoriettes qui n'ont pas de vraisemblance. Il compofa encore.

d'autres Poëfies, dans un ftile fort mauvais; & le Recueil qui les contient eft intitulé; les dits & faits de Jean Molinet. Ce Poëte eft le même qui moralifa le Roman de la Rofe, comme on l'a dit plus haut. Il étoit de Valenciennes ou des environs, & fut Chanoine de la même Ville. Le Recueil de fes Poë fies contient des Pieces de toute façon, & fur toutes fortes de fujets. Il y en a de férieuses & d'héroïques; comme la Conquête de Naples par Charles VIII. la Complainte de la Grece après la prife de Conftantinople; le Thrône d'honneur, le Temple de Mars, &c. D'enjouées & de badines; par exemple, le débat de la Chair & du Poiffon, le Dialogue de l'Agneau & du Loup : il y en a de fatyriques telles que font l'Epithalame de la fille de Laidin ou de Lédin, les neuf Preux de gourmandife. Enfin on en trouve de dévotes; & c'est par celles-ci que commence le Recueil; comme plufieurs Oraifons à la Sainte Vierge, à Madame Sainte Anne, à Monfeigneur Saint Adrien, &c. Il ne paroît qu'il fit ces Pieces dévotes, au moins la plupart, que fur la fin de fa vie, puifqu'il dit dans une que l'âge commençoit à l'affoiblir.

Le temps paffé ne peult plus revenir
Auquel eftoie en fleur de ma jeunesse;
Débille fuis.

Ce Poëte eut beaucoup de part aux bienfaits de Marguerite d'Autriche, Gouvernante des PaysBas, qui écrivoit bien en Vers & en Profe, comme il parut par plufieurs ouvrages qu'elle compofa, & dont la plus confidérable étoit l'hiftoire de fes malheurs. On fçait qu'ayant été fucceffivement pro

mise en mariage à deux grands Princes, fans en
avoir épousé aucun & s'étant enfuite trouvée
que
,
fur Mer dans une tempête où l'on crut que le vaif-
feau alloit périr, elle demeura tranquille au milieu
de l'orage; & que parmi les cris des Matelots; &
les horreurs d'une mort prochaine, elle se fit de
fens froid cette jolie Epitaphe:

Cy gift Margot, la gente Demoiselle,
Qu'a deux Maris, & encore eft pucelle.

Ce n'étoit pas la feule Dame de fon tems qui s'exerçât à la Poëfie. Les Dames Dantragues & le Monnier avoient auffi beaucoup de goût pour cer art, & elles compoferent quelques Rondeaux & quelques Ballades qui furent bien reçûs.

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Coquillart, Official de Reims, ne fe livra guéres qu'à la Poëfie boufonne qu'il porta jufqu'à l'obfcénité. Les Droits nouveaux; le Procès entre la Simple & la Rufée, le Purgatoire des mauvais Maris; l'Avocat des Dames de Paris, qui veut gagner les pardons ; & prefque toutes les autres Pieces de cet Ecrivain refpirent trop le libertinage de l'efprit & du coeur. Ceux qui penfent plus avantageufement de ce Poëte (car on n'ignore pas qu'il a fes Apologiftes) ne l'ont pas lût, fans doute; ce que nous aimons mieux croire, que de penfer qu'ils approuven: la maniere hardie avec laquelle il parle des perfonnes & des chofes les plus refpectables, & les ordures dont il falit prefque toutes les pages. Coquillart ayant perdu une fomme affez confidérable à une forte de jeu, fort en ufage de fon tems, & que l'on appelloit la Morre, en conçut un fi grand chagrin, qu'il en mourut. Marot qui badi

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