Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CORNEIL

LE

Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal;
Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien.

Quand M. CORNEILLE eut, pour ainfi
dire, atteint jufqu'au Cid, il s'éleva en-
core dans Horace; enfin il alla jusqu'à
Cinna, & à Polyeucte, au-deffus defquels
il n'y a rien. Pompée, Rodogune, Héra-
clius, Nicomede.... qu'il donna depuis,
foutinrent avec éclat le glorieux titre de
Grand, que les Nations les plus jalouses
de la nôtre lui ont déféré. Il est vrai que
fes dernieres Piéces ne font pas toutes
de la même force: mais dans celles même
qui ont eu le moins de fuccès, combien
de beaux traits où ce génie fublime, j'ai
prefque dit cet instinct divin qui n'a été
donné qu'à lui, & qui ne l'a pas même
abandonné dans fa vieilleffe, fe retrouve
tout entier. Sa traduction en Vers Fran-
çois des quatre Livres de l'Imitation de
Jefus Chrift, eut un fuccès prodigieux.
Ses Pleaumes & autres petits Ouvrages
de fa façon, ont été recueillis en un vo-

1

lume

LE.

lume il y a quelques années. On a imprimé en tête la Défenfe du grand CORNEILLE, CORNEILpar le Pere Tournemine: Ouvrage dicté par l'amour de la Patrie & de la vérité; & où régne une éloquence, dûë à l'admiration vive & éclairée du génie & des qualitez perfonnelles de cet illuftre Poëte.. Il étoit affez grand & affez plein. Il avoit le visage agréable, un grand nez, la bouche belle, les yeux pleins de feu, la phyfionomie vive, des traits fort marquez.. Il parloit peu même fur la matiere qu'il entendoit fi parfaitement. Il n'ornoit pas ce qu'il difoit, & pour trouver le grand CORNEILLE, il le falloit lire. Il avoit l'humeur rude en apparence: au fond il étoit très-aifé à vivre, bon mari, bon parent, tendre & plein d'amitié. Il avoit l'ame fiere & indépendante, nulle foupleffe, nulle manége; & quoique fon talent lui eût beaucoup rapporté, il n'en étoit guére plus riche. Peu de jours avant fa mort l'argent lui manqua. Le Pere de

[blocks in formation]

LE.

la Chaise le dit au Roi, qui lui envoya CORNEIL-aufi-tôt fon premier Médecin, & une bourse de deux cens louis. Ce qui a fait dire au célébre Racine' que les dernieres paroles de CORNEILLE ont été des remercîmens pour LOUIS LE GRAND. A beaucoup de probité naturelle, il a joint dans tous les tems beaucoup de religion, & plus de piété que le commerce du monde n'en permet ordinairement.. Ce grand Homme eft mort à Paris le premier Octobre 1684. âgé de 79 ans. Il étoit Avocat Général à la Table de Marbre de Normandie, & avoit été reçu à l'Académie Françoife le 22 Janvier 1647.

Placet au Roi.

PLAISE au Roi ne plus oublier

Qu'il m'a depuis quatre ans promis un Bénéfice,

I Voyez fon difcours en réponse au remercîment & Thomas Corneille à l'Académie Françoise, le jour qu'il fut reçu à la place de M. fon frere. Ce difcours, entre autres chofes admirables, contient le plus bel éloge qu'ca puifle faire du plus grand PoeteTragique qui ait jamais paru2 LOUIS XIV. gratifia le dernier fils de CORNEILLE & l'Abbaye d'Aiguevive, près de Tours.

Et qu'il avoit chargé le feu Pere Ferrier
De choisir un moment propice,

Qui pût me donner lieu de l'en remercier.
Le Pere eft mort, mais j'ose croire
Que fi toujours Sa Majesté

Avoit pour moi même bonté,

Le Pere de la Chaise auroit plus de mémoire,
Et le feroit mieux fouvenir

Qu'un grand Roi ne promet que ce qu'il veut tenir.
Sur le Canal du Languedoc pour la jonction
des deux Mers.

LA Garonne & l'Atax dans leurs grottes profondes,
Soupiroient de tout tems pour voir unir leurs ondes,
Et faire ainfi couler par un heureux panchant,
Les tréfors de l'Aurore aux rives du Couchant:
Mais à des vœux fi doux, à des flammes fi belles,
La Nature attachée à fes lois éternelles,
Pour obstacle invincible oppofoit fierement
Des monts & des rochers l'affreux enchaînement.
France ton grand Roi parle, & ces rochers fe
fendent;

La terre ouvre son sein, les plus hauts monts def-
cendent,

Tout céde, & l'eau qui fuit les paffages ouverts,
Le fait voir tout-puiffant fur la Terre & les Mers.

CORNEIL-
LE.

CORNEIL

LE.

AU ROI,

Sur la conquête de la Franche-Comté.

1 QUELLE rapidité de conquête en conquête, En dépit des hivers guide tes étendards?

Et quel Dieu dans tes yeux tient cette foudre prête,
Qui fait tomber les murs d'un feul de tes regards?

A peine tu parois, qu'une Province entiere
Rend hommage à tes lys, & juftice à tes droits;
Et ta course en neuf jours acheve une carrierę,
Que l'on verroit coûter un fiécle à d'autres Rois.

En vain, pour t'applaudir, ma Muse impatiente,
Attendant ton retour, prête l'oreille au bruit ;
Ta vîteffe l'accable, & fa plus haute attente
Ne peut imaginer ce que ton bras produit.

Mon génie étonné de ne pouvoir te fuivre,
En perd haleine & force; & mon zéle confus,
Bien qu'il t'ait confacré ce qui me reste à vivre,
S'épouvante, t'admire, & ne peut rien de plus.

Je rougis de me taire, & d'avoir tant à dire ;
Mais c'eft le feul parti que je puiffe choisir,
Grand Roi, pour me donner quelque loifir d'écrire,
Daigne prendre pour vaincre un peu plus de loifir.

1 Ces Stances ont été traduites en Vers Latins par le Pere de la Ruë, par M. de Santeüil, & par CORNEILLE Jui-même, qui en a fait de très-beaux fur différens fujets.

« AnteriorContinuar »