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LE.

C'eft ainfi que la terre au retour du Printems,
CORNEIL- Des graces du Soleil fe défend quelque tems,
De fes premiers rayons veut fuir les avantages,
Et pour les repouffer éleve cent nuages:
Le Soleil plus puiffant diffipe ces vapeurs,
S'empare de fon fein, y fait naître des fleurs,
Y fait germer des fruits; & la terre à leur vûë
Se trouvant enrichie auffi-tôt que vaincuë,
Ouvre à ce Conquérant jufques au fond du cœur,
Et pleine de fes dons adore fon vainqueur.
Pourfuis, grand Roi, pourfuis, c'eft par-là qu'on
s'affure

Un refpect immortel chez la race future:
C'est par-là que le Ciel prépare ton Dauphin
A remplir hautement fon illuftre destin;
Il y répond fans peine, & fon jeune courage
Accufe inceffamment la paresse de l'âge :
Toute fon ame vole après tes étendards,
Brûle de partager ta gloire & tes hazards,
D'aller ainfi que toi de conquête en conquête.
Confervez, juftes Cieux, & l'une & l'autre tête;
Modérez mieux l'ardeur d'un Roi fi généreux;
Faites-le fouvenir qu'il fait feul tous nos vœux,
Que tout notre destin s'attache à sa personne ;
Qu'il feroit d'un faux pas chanceler sa couronne,
Et puifque fes périls nous forcent de trembler,
Du moins n'en fouffrez point qui nous puisse acca-
bler.

La Tulippe au Soleil.

BEL Aftre, à qui je dois mon être & ma beauté,
Ajoute l'immortalité

A l'éclat fans pareil dont je fuis embellie;
Empêche que le tems n'efface mes couleurs ;
Pour trône donne-moi le beau front de Julie,
Et fi cet heureux fort à ma gloire s'allie,
Je ferai la Reine des Fleurs.

ENDROITS CHOISIS DE QUELQUES PIECES
Du Théatre de Corneille.

I

MEDEE.

Une femme qui fe voit abandonnée & trahie,
eft capable des derniers excès.

SOUVERAINS Protecteurs des loix de l'himenée,
Dieux, garants de la foi que Jason m'a donnée;
Vous, qu'il prit à témoin d'une immortelle ardeur,
Quand par un faux ferment il vainquit ma pudeur,
Voyez de quel mépris vous traite fon parjure,
Et m'aidez à venger cette commune injure.

1 C'eft Médée, fille du Roi de Colchos, & fameufe Magicienne, qui parle; Acte I. Scene IV. Jafon qui, par le fecours de fes charmes, avoit enlevé la toifon d'or, l'époufa par reconnoiffance. Etant venu, peu de tems après à la Cour du Roi de Corinthe, Creüfe, fille de ce Prince, & douée d'un rare mérite, fit bien-tôt oublier à Jafon l'amour & les bienfaits de Médée.

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CORNEIL-
LE.

CORNEIL

LE.

S'il me peut aujourd'hui chaffer impunément,
Vous êtes fans pouvoir, ou fans reffentiment..
Jafon me répudie! Eh! qui l'auroit pû croire?
S'il a manqué d'amour, manque-t'il de mémoire?
Peut-il bien me quitter après tant de bienfaits?
M'ofe-t'il bien quitter après tant de forfaits?
Sçachant ce que je puis, ayant vû ce que j'ose,
Croit-il que m'offenfer ce foit fi peu de chofe?
Quoi? mon pere trahi, les élémens forcez,
D'un frere dans la mer les membres difperfez,
Lui font-ils préfumer mon audace épuifée ?
Lui font-ils préfumer qu'à mon tour méprisée,
Ma rage contre lui n'ait pas où s'assouvir,
Et que tout mon pouvoir se borne à le fervir?
Tu t'abuses, Jafon, je fuis encor moi-même:
Tout ce qu'en ta faveur fit mon amour extrême,
Je le ferai par haine, & je veux pour le moins,
Qu'un forfait nous fépare, ainfi qu'il nous a joints...
Déchirer par morceaux l'enfant aux yeux
du pere,
N'est que le moindre effet qui fuivra ma colere.
Mais
pour
exécuter tout ce que j'entreprends,
Quels Dieux me fourniront des fecours affez grands?
Ce n'eft plus vous, Enfers, qu'ici je follicite ;
Vos feux font impuiffans pour ce que je médite.
Auteur de ma naiffance, auffi-bien que du jour,
Qu'à regret tu dépars à ce fatal féjour,
Soleil, qui vois l'affront qu'on va faire à ta race,
Donne-moi tes chevaux à conduire en ta place,

Accorde cette grace à mon défir bouillant :
Je veux cheoir fur Corinthe avec ton char brûlant.
Mais ne crains pas de chûte à l'Univers funefte;
Corinthe confumé garantira le reste.

De mon jufte courroux les implacables vœux,
Dans fes odieux murs arrêteront tes feux.
Créon en eft le Prince, & prend Jafon pour gendre:
C'eft affez mériter d'être reduit en cendre,
D'y voir réduit tout l'Ifthme afin de l'en punir,
Et qu'il n'empêche plus les deux mers de s'unir,

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1 ALBE, où j'ai commencé de refpirer le jour,
Albe, mon cher pays, & mon premier amour,
Lorfqu'entre nous & toi je vois la guerre ouverte,
Je crains notre victoire autant que notre perte.
Rome, fi tu te plains que c'eft-là te trahir,
Fais-toi des ennemis que je puiffe hair,

Quand je vois de tes murs leur armée & la nôtre,
Mes trois freres dans l'une, & mon mari dans l'aú-

tre,

Puis-je former des voeux, & fans impiété,
Importuner le Ciel pour ta félicité ?

I C'eft Sabine qui parle, Acte I. Scene I. Elle tenoit à la ville d'Albe par la naiffance, & ne tenoit à Rome par fon mariage avec l'un des Horaces.

que

CORNEIL

LE.

Je fçai que ton Etat encore en fa naissance, CORNEIL- Ne fçauroit fans la guerre affermir la puiffance, Je fçai qu'il doit s'accroître, & que tes grands def

LE.

tins

Ne fe borneront pas chez les peuples Latins..
Je voudrois déja voir tes troupes couronnées,
D'un pas victorieux franchir les Pyrénées.
Va jufqu'en l'Orient pouffer res bataillons;
Va fur les bords du Rhin planter tes pavillons;
Fais trembler fous tes pas les colonnes d'Hercule;
Mais refpecte une Ville à qui tu dois Romule.

Où Rome

CINN A.

Guerres civiles.

TROP funeftes batailles, par fes mains déchiroit fes entrailles! Où l'Aigle abattoit l'Aigle, & de chaque côté Nos Légions s'armoient contre leur liberté !

Où les meilleurs foldats, & les Chefs les plus bra

ves,

Mettoient toute leur gloire à devenir esclaves !
Où pour
mieux affurer la honte de leurs fers,
Tous vouloient à leur chaîne attacher l'Univers;
Et l'exécrable honneur de lui donner un Maître,
Faifant aimer à tous l'infâme nom de traître,
Romains contre Romains, parens contre parens,
Combattoient feulement pour le choix des Tyrans!

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