Imágenes de páginas
PDF
EPUB

RAÇAN.

Et qui feul m'as enflé le courage & la voix ;
N'es-tu bien enfant alors que tu m'invites,
pas

A taire les rigueurs pour chanter les mérites
D'une ingrate Beauté qui méprile teș lois ?

Souffre qu'employant mieux les accords de ma
lyre,

Je chante mon ROGER, l'honneur de cet Empire,
Et qui dessous * le tien a fi long tems vécu;
Puifque de fa valeur tu fus toûjours le maître,
En difant fes vertus, ne fais-je pas connoître
La gloire du Vainqueur par celle du Vaincu?.

A peine le coton ombrageoit fon vifage,
Que déja fous HENRI ce généreux courage
Fit voir par les effets qu'il étoit fils de Mars:
Toi-même dès ce tems l'aimas comme ton frere,
Et quittas fans regret le giron de ta mere,
Pour fuivre fa fortune au milieu des hazards..

Quand les jeunes attraits triomphoient des plus

belles,

Combien as-tu de fois fendu l'air de tes aîles,
Pour éclairer fes pas avecque ton flambeau ?

1 Alorfque, cependant que, façons de parler profcrites depuis long-tems par l'ufage. Un de nos plus célèbres EcriVains aujourd'hui vivant, a fait de fon mieux pour les 16habilizer; mais il n'a pu y parvenir, malgré toute fa répu iation

Et quand toute la Cour admiroit fes merveilles,

Pour voir en tous endroits fes graces fans pareilles, RACAN. Combien as-tu de fois arraché ton bandeau ?

M. de Bellegarde fut fe maintenir après la mort
d'Henri IV. malgré ses envieux qui lui rendoient
de mauvais offices auprès de la Reine.

TEL qu'un chêne puiffant dont l'orgueilleufe tête,
Fait, malgré les frimats, le froid & la tempête,
Admirer la Nature en fon accroiffement;
Son tronc eft vénérable aux campagnes voisines,
Il attache aux enfers fes profondes racines,
Et de fes larges bras touche de firmament.

Tel parut ce Guerrier, quand leurs folles penfées
Tâchérent de ternir fes actions paffées;
Plus il fut traverfé, plus il fut glorieux;
Sa barque triompha du courroux de Neptune,
Et les flots qu'émouvoient les vents de la Fortune,
Au lieu de l'engloutir, l'éleverent aux cieux.

Ses lauriers refpectez des tempêtes civiles, Dans les champs où la Saone épand fes flots tran quilles,

Protegerent Themis en nos derniers malheurs;
Aux vents féditieux ils défendoient l'entrée,
Et n'en fouffroient aucun en toute la contrée,
Que celui feulement qui fait naître les fleurs.

RACAN.

Déja fe rallumoient nos rages domeftiques;
Déja Mars apprêtoit les fpectacles tragiques,
Par qui l'on voit tomber les Empires à bas ;
Jamais fa cruauté n'a produit tant de plaintes,
Non pas même jadis, quand les cendres éteintes
Ne fçurent au bucher éteindre leurs débats..

Nos crimes trop fréquens ont laffé le tonnerre;
Le Ciel ne punit plus l'engeance de la Terre,
'Qui déja reproduit tant de monftres divers :
Le Deftin abfolu régne à fa fantaifie;
Les Dieux dans leur Olympe enyvrez d'ambroifie,
Se déchargent sur lui du soin de l'Univers..

A M. LE COMTE DE BUSSY, DE BOURGOGNE.

Bussy, notre printems eft bien-tôt expiré :
Il eft tems de joilir du repos affuré

Où l'âge nous convie :

Renonçons aux grandeurs qu'infenfez nous fui

vons,

Et ne fongeons enfin qu'aux biens de l'autre vie,
Lorfque nous le pouvons.

Le Poëte veut défigner Etéocle & Polinice, fils d'Edipe & de Jocafte. La haine de ces deux freres fut fi violente. qu'elle ne finit pas même avec la vie qu'ils s'arracherent inhumainement l'un à l'autre : car ayant été mis ensemble fur le bucher, la flamme eut à peine touché à leurs corps, qu'elle le partagea auffi-tôt en deux.

Donnons quelque relâche à nos travaux passez : Ta valeur & mes Vers ont eu du nom affez

Dans le fiécle où nous fommes:

Il faut fe repofer, & pour vivre contens,
Acquérir par raifon ce qu'enfin tous les hommes
Acquierent par le tems.

Que te fert de chercher les tempêtes de Mars,
Pour mourir tout en vie au milieu des hazards,
Où la gloire te mene?

Cette mort qui promet un fi digne loyer,
N'est toujours que la mort qu'avecque moins de
peine

On trouve en fon foyer.

Que fert aux Courtifans ce pompeux appareil, Dont ils vont dans la lice éblouir le Soleil

Des tréfors du Pactole?

La gloire qui les fuit après tant de travaux,
Se paffe en moins de tems que la poudre qui vole
Du pied de leurs chevaux.

A quoi fert d'élever ces murs audacieux,
Qui de nos vanitez font voir jufques aux cieux
Les folles entreprises ?

Maints châteaux accablez deffous leur propre faix,
Enterrent avec eux les noms & les devifes

De ceux qui les ont faits.

RACAN:

Employons mieux le tems qui nous est limité;

RACAN. Quittons ce vain efpoir dont la témérité

Nous en fait tant accroire:

Que Dieu foit déformais l'objet de nos défirs:
Il forma les mortels pour jouir de fa gloire,
Et non pas des plaisirs.

Bonheur d'un Héros dans les Cieux.

IL voit ce que l'Olympe a de plus merveilleux Il y voit à fes pieds ces flambeaux orgueilleux : Qui tournent à leur gré la Fortune & fa rouë, Et voit comme fourmis marcher nos Légions, Dans ce petit amas de poufliere & de bouë, Dont notre vanité fait tant de régions.

DE L'ODE

A LOUIS XIV.

DIGNE préfent de l'Eternel,
Grand Roi, que fa toute puiffance,
Dans les miferes de la France,
Accorde à fon vœu folemnel,
Ce feu que tu vois dans mon ame
Conferver fa vivante flamme
En dépit de foixante hivers,
A ton nom confacre mes veilles,
Et va faire à mes derniers Vers

Chanter tes premieres merveilles.

« AnteriorContinuar »