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Exemple mémorable de la clémence d'un grand

Prince.

I EN eft-ce affez, ô Ciel! & le Sort, pour me

nuire,

A-t'il quelqu'un des miens qu'il veuille encor fé-
duire ?

Qu'il joigne à fes efforts le fecours des Enfers;
Je fuis maître de moi comme de l'Univers;
Je le fuis, je veux l'être. O fiécles ! ô mémoire !
Confervez à jamais ma derniere victoire.
Je triomphe aujourd'hui du plus jufte courroux,
De qui le fouvenir puiffe aller jufqu'à vous.

Soyons amis, Cinna; c'eft moi qui t'en convic.
Comme à mon ennemi je t'ai donné la vie,
Et, malgré la fureur de ton lâche deffein,
Je te la donne encor comme à mon assassin.
Commençons un combat qui montre par l'issuë,
Qui l'aura mieux de nous ou donnée, ou reçûë.
Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler;
Je t'en avois comblé, je t'en veux accabler.
Avec cette Beauté que je t'avois donnée,
Reçois le Confulat pour la prochaine année;
Et que tes conjurez entendent publier
Qu'Auguste a tout appris, & veut tout oublier.

1 Augufte ayant découvert une confpiration formée contre lui, & dans laquelle ceux qu'il aimoit le plus étoient entrez, pardonne à tous, fans exception. Scene derniere.

CORNEIL

LE.

POLTE UCT E

CORNEIL- Félicité de l'autre Monde, préférable à tous les

'LE.

avantages d'ici-bas.

1 JE renonce fans peine à des biens paffagers, Que troublent les foucis, que fuivent les dangers:

Que peu

La Mort nous les ravit, la Fortune s'en jouë,
Aujourd'hui dans le trône, & demain dans la bouë,
Et leur plus haut éclat fait tant de mécontens,
de vos Céfars en ont joüi long-tems.
J'ai de l'ambition, mais plus noble & plus belle;
Cette grandeur périt, j'en veux une immortelle,
Un bonheur affuré, fans mesure & fans fin,
Au-deffus de l'envie, au-deffus du destin.
Eft-ce trop l'acheter que d'une trifte vie,
Qui tantôt, qui foudain me peut-être ravie;
Qui ne me fait jouir que d'un inftant qui fuit,
Et ne peut m'affurer de l'inftant qui le suit ?

1 C'eft Polyeucte qui parle à Pauline fon Epoufe dans La Scene III. de l'Acte IV.

: LA

I LA MORT DE POMPE E.

Céfar demande au Roi d'Egypte raison de la CORNEILmort de Pompée.

* De quel nom voulez-vous que je nomme

Ce coup où vous tranchez du Souverain de Rome;
Et qui fur un feul Chef lui fait bien plus d'affront
Que fur tant de milliers ne fit le Roi de Pont?
Penfez-vous que j'ignore ou que je diffimule
Que vous n'auriez pas eu pour moi plus de fcrupule,
Et que, s'il m'eut vaincu, votre efprit complai
fant

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Lui faifoit de ma tête un femblable présent?
Graces à ma victoire, on me rend des hommages
Où ma fuite eut reçu toutes fortes d'outrages;
Au Vainqueur, non à moi, vous faites tout l'hon-

neur:

Si Céfar en joüit, ce n'est que par bonheur.
Amitié dangeureufe, & redoutable zéle,

Que régle la Fortune, & qui tourne avec elle!!

I CORNEILLE a fait paffer dans ce magnifique Poëme plufieurs beaux traits de la Pharfale. Quoique Lucain ne foit pas toujours, à beaucoup près, fi correct ni fi judicieux que Virgile, il faut convenir avec le Pere Tournemine que ce Poëte, ainfi que Brébeuf fon traducteur, des pensées brillantes fans être fauffes, des fentimens généreux, une expreffion pleine de force, des peintures qui frappent, un vrai fublime.

2 Acte III. Scene II..

Tome II

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a'

LE.

CCRNEIL

LE.

HERACLIUS.

Mifere des Tyrans.

I CHRISPE, il n'eft que trop vrai, la plus belle

Couronne

N'a que de faux brillans dont l'éclat l'environne;
Et celui dont le Ciel pour un fceptre a fait choix,
Jufqu'à ce qu'il le porte, en ignore le poids.
Mille & mille douceurs y femblent attachées,
Qui ne font qu'un amas d'amertumes cachées :
Qui croit les pofféder, les fent s'évanouir;
Et la peur de les perdre empêche d'en jouir.
Surtout qui, comine moi, d'une obfcure naif-
fance,

Monte par la révolte à la toute-puiffance,
Qui de fimple foldat à l'Empire élevé,

Ne l'a que par le crime acquis & confervé,
Autant que
fa fureur s'eft immolé de têtes,
Autant deffus la fienne il croit voir de tempêtes;
Et comme il n'a femé qu'épouvante & qu'hor-

reur

Il n'en recueille enfin que

trouble & que terreur.

1 C'eft Phocas qui parle. Acte I. Scene I. De fimple Centurion il étoit parvenu à l'Empire d'Orient, ou plutôt il s'en étoit emparé, en faisant mourir l'Empereur Maurice & les trois fils.

SERTORIUS.

Viriate, Reine de Lufitanie, charmée des grandes qualitez de Sertorius, veut époufer cet illuftre Romain, tout vieux qu'il eft, préférablement à plufieurs Rois qui la recherchent.

VIRIATE.

2 J'AIME en Sertorius ce grand art de la guerre Qui foutient un Banni contre toute la Terre; J'aime en lui ces cheveux tout couverts de lau

riers,

Ce front qui fait trembler les plus braves guer

riers,

Ce bras qui femble avoir la victoire en partage.
L'amour de la vertu n'a jamais d'yeux pour l'âge;
Le mérite a toujours des charmes éclatans;
Et quiconque peut tout, eft aimable en tout tems.

THAMIR E.

Mais, Madame, nos Rois, dont l'amour vous ir

rite,

N'ont-ils tous ni vertu, ni pouvoir, ni mérite ?
Et dans votre parti fe peut-il qu'aucun d'eux
N'ait fignalé fon nom par des exploits fameux?
Celui des Turdetans, celui des Celtiberes,
Soutiendroient-ils fi mal le fceptre de vos peres?..

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CORNEIL

LE.

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