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CORNEIL-
LE.

Une feconde fois, n'eft-il aucune voye
Par où je puiffe à Rome emporter quelque joye?
Elle feroit extrême à trouver les moyens

De rendre un fi grand Homme à fes concitoyens.
Il est doux de revoir les murs de fa patrie;
C'eft elle par ma voix, Seigneur, qui vous en prie;
C'eft Rome...

SERTORIU S.

Le féjour de votre Potentat,
Qui n'a
que fes fureurs pour maximes d'Etat ?
Je n'appelle plus Rome un enclos de murailles,
Que fes profcriptions comblent de funérailles,
Ces murs, dont le deftin fut autrefois si beau,
N'en font que la prifon, ou plutôt le tombeau.
Mais, pour revivre ailleurs dans fa premiere force,
Avec les faux Romains elle a fait plein divorce,
Et, comme autour de moi j'ai tous les vrais ap-
puis,

Rome n'eft plus dans Rome, elle est toute où je
fuis.

Parlons pourtant d'accord. Je ne fçai qu'unè voye
Qui puiffe avec honneur nous donner cette joye:
Uniffons-nous enfemble, & le tyran est bas :
Rome à ce grand dessein ouvrira tous les bras.
Ainfi nous ferons voir l'amour de la Patrie,
Pour qui vont les grands cœurs jusqu'à l'idolâtrie;
Et nous épargnerons ces flots de fang Romain,
Que verfent tous les ans votre bras & ma main.

POMPE'E.

Ce projet, qui pour vous est tout brillant de gloire, CORNEIL
N'auroit-il rien pour moi d'une action trop noire ?
Moi, qui commande ailleurs, puis-je fervir fous

vous ?

SERTORIUS.

Du droit de commander je ne fuis point jaloux,
Je ne l'ai qu'en dépôt, & je vous l'abandonne,
Non jufqu'à vous fervir de ma feule perfonne,
Je prétends un peu plus; mais dans cette union,
De votre Lieutenant m'envierez-vous le nom?

POMPE' E.

De pareils Lieutenans n'ont de Chefs qu'en idée;
Leur nom retient pour eux l'autorité cédée;
Ils n'en quittent que l'ombre: on ne fçait ce que c'eft
De fuivre, ou d'obéir, que fuivant qu'il leur plaît.
Je fçais une autre voye, & plus noble & plus fùre.
Sylla, fi vous voulez, quitte la Dictature;
Et déja de lui-même il s'en feroit démis,

S'il voyoit qu'en ces lieux il n'eut plus d'ennemis.
Mettez les armes bas, je réponds de l'iffuë,
J'en donne ma parole après l'avoir reçûë:
Si vous êtes Romain, prenez l'occafion.
SERTORIU S.

Je ne m'éblouis point de cette illufion;
Je connois le Tyran, j'en vois le stratagême:
Quoiqu'il femble promettre, il est toujours lui-

LE

même.

Dd iiij.

CORNEIL

LE

SOPHONIS BE.

Syphax, Roi de Numidie, & captif des Romains,
accufe Sophonisbe de fon malheur.

I QUE c'est un imbécile & févere efclavage,
Que celui d'un époux fur le penchant de l'âge,
Quand fous un front ridé qu'on a droit de hair,
Il croit fe faire aimer à force d'obéïr!.
Sophonisbe par-là devint ma Souveraine,
Régla mes amiticz, difpofa de ma haine,
M'anima de fa rage, & verfa dans mon fein
De toutes les fureurs l'implacable deffein.
Sous ces dehors charmans qui paroient fon vifage,
C'étoit une Alecton que déchaînoit Carthage....

PULCHERIE..

Amour fondé fur la raison, la gloire & la vertu.

2 JE vous aime, LEON, & n'en fais point miftere. Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille

taire.

Je vous aime, & non point de cette folle ardeur
Que les yeux éblouis font maîtreffe du cœurs

1 Acte IV. Scene II.

2. C'eft Pulcherie, fille de l'Empereur Arcadius, & fœat du jeune Théodofe, qui parle à Leon, que fes excellentes qualitez firent furnommer le Grand. Acte L. Scene I..

Non d'un amour conçu par les fens en tumulte,
A qui l'ame applaudit fans qu'elle fe confulte;
Et qui ne concevant que d'aveugles défirs,

Languit dans les faveurs, & meurt dans les plai-firs.

Ma paffion pour vous généreufe & folide,

A la vertu pour ame, & la raifon
pour guide,
La gloire pour objet, & veut fous votre loi
Mettre, en ce jour illuftre, & l'Univers & moi.

AT TIL A. 1

Dien fait éprouver tôt ou tard les effets de fa juftice à ceux qui en font les infrumens.

તે

2 LORSQUE parles Tyrans Dieu punit les mortels,
Il réserve fa foudre à ces grands criminels,
Qu'il donne pour fupplice à toute la Nature,
Jusqu'à ce que leur rage ait comblé la mesure.

1 Qu'on life cette Piéce, on y reconnoîtra l'Auteurd'Héraclius & de Nicomede; on y admirera cette force de politique & de raifonnement qui diftingue toujours ce grand Poëte; on y trouvera des caracteres nouveaux, nobles, foutenus; le déclin de l'Empire Romain, les commencemens de l'Empire François, peints d'une grande ma→ niere, & mis en contrafte; une intrigue conduite avec arts des fituations intéreffantes; des Vers auffi heureux & auffi travaillez que dans les plus belles Piéces de CORNEILLE.... Défenfe du grand CORNEILLE par le Révérend Pere Tour

nemine.

2 C'est un des Rois tributaires d'Attila, qui parle à ce Roi des Huns. Acte V. Scene III.

CORNEIL

LE.

CORNEIL

LE.

Peut-être qu'il prépare en ce même moment,
A de fi noirs forfaits l'éclat du châtiment;
Que lorfque ta fureur à nous perdre s'apprête,
Il tient le bras levé pour te brifer la tête,

Et veut qu'un grand exemple oblige de trembler,
Quiconque déformais t'ofera reflembler.

Mort d'Attila, furnommé le fléau de Dieu.

DE fon fang renfermé la vapeur en furie,
Semble avoir étouffé fa colere & sa vie;
Et déja de fon front la funefte pâleur
N'oppofoit à la mort qu'un refte de chaleur,
Lorfqu'une illufion lui préfente fon frere,
Et lui rend tout d'un coup la vie & la colere.
Il croit le voir fuivi des Ombres de fix Rois,
Qu'il fe veut immoler une feconde fois ;
Mais ce retour fi prompt de fa plus noire audace,
N'eft qu'un dernier effort de la nature lasse,
Qui prête à fuccomber fous la mort qui l'atteint,
Jette un éclat plus vif, & tout d'un coup s'éteint.
C'eft en vain qu'il s'emporte, à cette affreufe vüë;
Sa rage qui renaît en même tems le tuë.

L'impétueule ardeur de ces tranfports nouveaux,
A fon fang prifonnier ouvre tous les canaux.
Son élancement perce, ou rompt toutes les veines;
Et ces canaux ouverts, font autant de fontaines

1 Acc V. Scene IV.

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