Je trouvois mon foyer couronné de ma race ; A peine , bien souvent, y pouvois je avoir place. L'un gisoit au maillot , l'autre dans le berceau, Ma femme, en les baisant, devidoit son fuseau. Le tems s'y ménageoit comme chose facrée; Jamais l'oisiveté n'avoit chez moi d'entrée : Aulli les Dicux alors bénissoient ma maison; Toutes sortes de biens me venoicnt à foison : Mais hélas! ce bonheur fut de reu
de durée ; Ma chere Cléanthis fut à peine expirée, Que mes pe:its enfans la fuivirent de près Et moi je reitai seul accablé de regrecs, De même qu'un vieux tronc, relique de l'orage, Qui se voit dépouillé de branches & d'ombrage, Ma houlette en mes mains , inutile fardeau , Ne régit maintenant ni chevres, ni troupeau. Une seule brebis qui m'étoit demeurée , S'étant, loin de ma vûë , en ce bois égarée , Yjetra fon petit avec un tel effort, Qu'en lui donnant la vie, il lui donna la mort. Voyant tant d'accidens m'arriver d heure en
heure, Je cherche à mie loger en une autre demeure, Pour voir lí le malheur à ina fortune joine, En quittant moa pais ne me quittera point, Si les champs ou la Marne à la Seine fe croise, Me seront plus heureux que le rivage d'Oise.
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CLEANTE. Ne cherchez point ailleurs ou vous mettre en repos; Vous ne sçauriez trouver un lieu plus à propos, Pour rendre votre vie en tous biens fortunée: Nos fertiles côteaux portent deux fois l'année ; Et les moindres épics qui dorent nos guérets, S'égalent en grandeur aux chênes des forêts. Ici le bien sans peine abonde en nos familles ; On use moins de socs qu'on ne fait de faucilles : Ici le doux Zéphir', Roi de notre horison, Fait de toute l'année une seule saison. La Nymphe de la Marne & le Dieu de la Seine , Qui pour leur mariage ont choisi cette plaine, Nous témoignent assez par
leurs tours & retours, Le déplaisir qu'ils ont d'en éloigner leurs cours. L'impitoyable horreur des foudres de la guerre A quitté par respect cette fertile Terre : La justice & la Paix y regnent à leur tour ; Nous n'y fomines brûlez
que
des flammes d'amour, Mais hélas ! de ce Dieu les fiamines & les charmes Caufent bien dans nos champs de plus grandes al
Iarmes,
Que ne faisoient jadis ces bataillons épars, Que la rébellion semoit de toutes parts. Ce matin même encor, cette boüillante
rage Animant d'Alcidor l'impétueux courage, L'a fait jetter dans l'eau, d'ou la force du vent l'a remis à la rive aussi mort que vivant.
Le vieil ALCIDO R. Et comment! Alcidor est-il encore en vie ?
CLEANTE. Vous le verrez bien-tôt, s'il vous en prend envie, Il épouse, ce soir , cette aimable Beauté, Pour qui dedans * la Seine il s'est précipité : J'offre à vous y mener.
Le vieil ALCIDO R.
Allons, à la bonne heure ; Je ne pouvois trouver de fortune meilleure : Le désir de revoir ce que j'ai tant aimé, Ranimeroit mon corps au cercueil enfermé.
Inconstance en fragilité des choses d'ici-bas.
Ce n'est qu'un peu
de vent que
l'heur du
genre humain : Ce qu'on est aujourd'hui, l'on ne l'est pas demain : Rien n'est stable qu'au Ciel; le tems & la fortune Régnent absolument au-dessous de la Lune.
ODES SACREES DU MESME AUTEUR,
TRADUITES OU IMITE'ES DES PSEAUMES.
Bonheur de ceux qui fuient le commerce des méchans,
dos qui observent la loi de Dieu.
O bienheureux celui qui prit dès son printems La vereu pour objet de ses premieres flammes, Et qui n'a point hanté les forts esprits du tems, Dont la contagion perd les corps & les ames!
Ils disent que le Sort régne seul dans les Cieux, Que les foudres sur nous tombent à l'avanture: Ils disent que la crainte est mere des faux-Dieux, Et n'en connoiflent point d'autre que la Nature.
Ce poison des esprits corrompt toute ma Cour, Et l'ame dont la foi n'est est point pervertie, Avecque l'Eternel s'entretient nuit & jour, Et rend grace aux bontcz qui l'en ont garantic.
Tel qu'on voit sur le Nil, loin des vents incond
L'arbre dont la grandeur nous plait & nous étonne, De qui l'ombrage épais réjouit te Printeins, Et dont les fruits sans nombre enrichillent l'Ain
Aux injutes de l'air il n'est point exposé ; Son tronc est vénérable en la côte voisine : Et par les
pures eaux dont il est arrosé, Produit des rejectons dignes de sa racine.
Ainsi l'homme qui fuit l'abord des médisans, Et marche dans la voye où le Seigneur l'adresse, De l'honneur qu'il acquiert en l'avril de ses ans, A pour la récompense une heureuse vieillesse. !
Il met son espérance en la Divinité; Il lui donne son cdur pour offrande & pour tem-
ple; Et la verta renaît en sa postérité, Par la saine doctrine , & par son bon exemple.
Mais l'éclat des méchans, leur gloire & leurs
plaisirs, S'envolent comme font les sables des rivages, Qui servent de jouer à ces jeunes Zéphirs, Qui ne sont point encore employez aux orages.
De ces cæurs endurcis les cris sont superflus; Dieu rendra leurs langueurs sans fin & sans par
reilles : · Leurs pleurs & leurs fóûpirs ne le toucheront plus; Sa justice est pour cax fans yeux & sans oreilles.
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