CHAPPEL LE. Se donneroit cent fois au Diable, Nous y grimpâmes cependant avec bien de la peine par une horrible pluye, & par la grace de Dieu, fans murmurer un feul mot. Mais nous n'y fùmes pas plutôt arrivez, qu'il nous prit une extrême impatience d'en fortir fans fçavoir pourquoi. Nous examinâmes donc affez brufquement la bizarrerie de cette demeure, & nous nous instruisîmes en un moment des Religieux, de leur Ordre, de leur & de leur maniere de traiter les paffans; car ce font eux qui les reçoivent, & qui tiennent hôtellerie. coutume, On n'y mange jamais de chair, Des gens qui fortent d'une forge; Ou pour le moins un coupe-gorge.. Quoiqu'il fût prefque nuit, & qu'il fît un fort vilain tems, nous aimâmes mieux hazarder de nous perdre dans les montagnes, que de demeurer à la Nous aurions encore à Sainte Baume. ... vous entretenir des beautez d'Avignon, du PontSaint-Efprit, des bons vins de Condrieux & &; -rôtie; mais en vérité nous fommes fi las d'éria que la plume nous tombe des mains; & CHATPTIeurs, Si nous allions tout vous déduire, Auffi-bien que gens de la Ville; Que nous aimons plus que dix mille AURO 1. LES Mufes ont affez chanté Ces prodiges que la mémoire Confacre à l'immortalité. Il faudra de néceffité Qu'une fimple & modefte hiftoire Rende un compte exact de ta gloire Encore en fera-t'il douté: Car, grand Roi, l'on a peine à croite V v. iij MADEMOISELLE DE SCUDERY. ADELAINE DE SCUDERY, if DE SCU- M fue d'une ancienne Maifon de Naples, & fille d'un Gouverneur du Havre de Grace, ne s'eft pas rendue moins célébre 1 George de Scudery, né au Havre de Grace en 1603. reçu à l'Académie Françoife en 1649. & mort à Paris en 1664. Il étoit Gouverneur de Notre Dame de la Garde. Nous avons de lui feize pieces de Théâtre; Alaric ou Rome vaincuë, Poëme héroïque en dix chants; beaucoup de Poëfies mêlées; Harangues des Femmes illuftres, &c. Le grand nombre & la diverfité de fes Ouvrages, tant en profe qu'en vers, marquent affez la fécondité de fon imagination; Mais ils fe reffentent tous, plus ou moins, de la rapidité prodigieufe avec laquelle il fe piquoit de travailler. DERY riques; chacun de dix volumes in 8°. En 1671. elle remporta le premier Prix DE SCUd'Eloquence que l'Académie Françoise ait donné. Elle étoit de celle des Ricovrati de Padouë, où elle remplaça la fça vante Hélene Cornaro.. La Reine Chrif tine l'honora de fes careffes, de fon portrait, & même de fes Lettres, qu'elle accompagna d'un brevet de penfion. Le Cardinal Mazarin lui en laiffa une de mille livres; le Chancelier Boucherat lui en établit une autre fur les Sceaux; & en 1683. LOUIS XIV. lai en donna une de deux mille livres, dont elle fut exactement payée jufqu'à fa mort qui arriva le 2 Juin 1701. dans fa quatre-vingtquatorziéme année. Péliffon, Ménage, Huet, Pafcal & plufieurs autres perfonnes illuftres dans la République des Lettres ont fait de grands éloges de Mademoiselle DE SCUDERY. La beauté de fes Vers lui a mérité le furnom de Sapho : mais elle ne reßembloit à celle de la Grece V v inj DE SCU que par l'efprit ; & elle n'avoit pas moins de vertu que de fçavoir. Quatrain. EN voyant ces ceillets qu'un illuftre Guerrier Arrofa d'une main qui gagna des batailles, Sur la mort de la Reine Mere. ANNE, dont les vertus, l'éclat & la grandeur Regarder fans horreur les horreurs de la mort, I Mademoifelle DE SCUDERY étant allé à Vincennes, peu de jours après que le Prince de Condé en fut forti, an lui montra des pots d'œillets que ce grand Prince avoit pris plaifir à cultiver lui-même; & elle écrivit auffi-tôt fur une ardoife ces quatre vers. Un fi joli impromptu vaut une piece mélitée; & peut-être qu'en rêvant beaucoup, on ne pourroit rien trouver de plus heureux ni de plus, jufte.. Penfées ingénicufes du Pere Bouhours. |