Imágenes de páginas
PDF
EPUB

LE PERE

LE MOINE.

[blocks in formation]

P

IERRE LE MOINE, né à Chaumont en Bafligny, l'an 1602. fut admis dans la fociété de JESUS à Nancy, le 4 Octobre 1619. Il a mis au jour divers ouvrages en Vers François, tels que le Triomphe de Louis XIII. les Hymnes de la Sagesse & de l'Amour de Dieu; les Peintures Morales, &c. mais le plus confidérable de tous fes Poëmes, eft le Saint Louis, ou la Sainte Couronne reconquife fur les Infidelles, divifé en XVIII. Livres.. Sans s'arrêter aux louanges exceffives que Coftar & quelques autres ont données à ce Poëme les bons Critiques font du fentiment du Pere Rapin, qui prétend que nous n'avons aucun ouvrage dans notre Langue, où il y ait tant de Poëfie que dans le Saint Louis du Pere le MOINE; mais que l'Au

teur n'a pas affez de retenue, qu'il s'abandonne trop à la vivacité de fon efprit, LE P. LE & que fon imagination le mene toujours

2

trop
loin.. Ajoutez à cela qu'il n'a pas
cette élégance continuë que le lecteur
exige dans un ouvrage d'autant plus qu'il
eft long; quoique, par cela même, elle
devienne prefque impoffible à l'Auteur.
Faute de cette élégance qui confifte dans
la beauté, dans la force & dans la grace
des expreffions, on tombe dans l'ennui

de
page en page, de ligne en ligne.. Le
Pere LE MOINE, entre autres ouvrages de
profe, a écrit la vie du Cardinal de Ri-
chelieu, fur les Mémoires de la Ducheffe
d'Aiguillon, niéce de cette Eminence.
Il est mort à Paris le 22 Août 1671. âgé
dė 69 ans.

1 C'étoit auffi le fentiment de M. Delpréaux. Une perfonne lui demandant un jour pourquoi il n'avoit fait aucune mention dans fes Ecrits du Pere LE MOINE, il répondit par ccs deux Vers imitez de Corneille :

Il s'eft trop élevé pour en dire du mal.

Il s'eft trop égaré pour en dire du bien.

2 M. de la Motte-Houdart dans fes Réflexions fur la Critique, 2. partic, page 125.

MOINE.

LE P. LE
MOINE.

A MADAME LA MARQUISE DE LEUVILLE.

Secret de longue vie.

MARQUISE auffi fage qu'illuftre ş

Digne du dais & du baluftre ;
Si jamais la fincerité,

La bonne foi, la probité,
L'honneur, la vertu, la franchife
Ont mérité qu'une Marquife
Eût droit de baluftre & de dais,
Et de fauteuil dans le Palais :
Profeffeur d'une Médecine
Auffi délicate que fine,
Qui fait par de rares fecrets,
Des merveilles à peu de frais;
De la part des Graces Régentes,
Et de notre Ecole Intendantes,
Je viens aujourd'hui député
Directeur de votre fanté,
Vous inftruire d'une méthode
Aifée, agréable, commode,
Par laquelle, malgré le tems,
Avant-coureur des mauvais ans,
Vous pourrez avoir une vie
En tout âge digne d'envic.

Le fecret pour vous bien porter,
Sans déformais vous tourmenter

A prendre Séné, ni Rhubarbe,
De vos Docteurs à longue barbe,
C'eft de bien purger votre cœur
De toute teinture d'aigreur :
De tout chagrin qui rend la bile
Ou plus adufte, ou plus mobile;
Et de tout foin vieux & nouveau,
Qui peut échauffer le cerveau.

Il n'eft point de climat au monde
Où la terre ne foit féconde
En moiffons de mauvais foucis,
Qui mal ménagez, & mal pris,
Quelque fucre que l'on y mette,
Ont une amertume secrete,
Qui fe répandant par les fens,
Corrompt la fleur des jeunes ans,
Et fait venir avant l'Automne,
Le blanc dont l'Hyver fe couronne.
Cette trifte & funefte fleur,

N'eft pas d'une feule couleur ;
Elle eft pâle, jaune, ou changeante
Comme l'eft la main qui la plante;
Et felon que fes jours divers
Sont ou plus clairs, ou plus couverts,
Dans l'ame avec elle fe gliffe
Ou l'infâme & jaune avarice;
Ou le pâle & fiévreux amour,
Qui brûle de nuit & de jour

LE P. LA
MOINE

LE P. LE
MOINE

Ou cette obfcure frénéfie,
Que nous appellons jaloufie.
Laiffez les veilles aux efprits,
Du genre des chauve-fouris:
Laiffez-les aux noires Furies,
Meres des noires rêveries,
Qui ne dorment pas un moment,
Au continuel fifflement

Que font fur leur front fans coëffure,
Les ferpens de leur chevelure.

On peut fe divertir au jeu,
Pourvû qu'on n'en prenne que peu ;
Et que l'on fe garde d'en faire
Une nourriture ordinaire.
Prime & Piquets perpetuels,
Poivre & ragoûts continuels,
Confumant, d'une ardeur égale,
L'efprit de l'humeur radicale,
Et d'un égal déréglement,
Détruifant le tempéramment,
Les fiévres tierces & les quartes
Viennent après l'abus des cartes,
Comme après l'excès des ragoûts,
Les maux des pieds, ceux des genoux,
Les gravelles, les fciatiques,
Et pareils bourreaux domeftiques,
Par la Nature font lâchez

Pour châtier les débauchez,

« AnteriorContinuar »