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préfenté fon principal perfonnage, font 1696. traitées avec tout l'ordre, & l'art imaginable.

Après le rôle de Valere, le mieux foutenu eft celui d'Angélique. Qu'on ne dife point qu'elle donne trop fouvent des marques de foibleffe; il y a peu de femmes, qui, à fa place, n'en fiffent autant, & qui n'auroient peut-être pas, comme elle, la force d'écouter la raison, & de la préférer aux fentimens du cœur.

Le perfonnage de Géronte eft encore affez bon: il ne reffemble pas aux Vieillards qu'on introduit communément, & qui font pour l'ordinaire imbécilles, dupes, & déraisonnables. Celui-ci agit toujours avec bon fens.

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Nérine eft une Soubrette fine rufée, & d'une espéce peu commune. A l'égard du rôle d'Hector, c'eft fans contredit le plus comique de la Piéce & en même temps celui dont les difcours font plus déplacés, moins naturels, & dont le caractere eft le plus équivoque. Tantôt ce Valet paroît fort affectionné à fon Maître, & fouvent il le trahit très gratuitement. En général, fon caractere eft celui de balourd, cependant l'Auteur lui prête quelquefois de l'efprit & de la prudence. Dans un endroit il préfente un Mémoire

écrit

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écrit de fa main : & dans l'Acte fuivant il ne fçait plus lire. On voit fans 1696. peine, que rien n'eft moins conféquent que ce perfonnage: mais il faut avouer qu'il eft toujours plaifant. C'étoit l'unique but de l'Auteur, il a tout facrifié pour y parvenir, & a mieux aimé fortir du naturel & de la bienséance du Théatre, que de laiffer échapper la moindre plaifanterie que fon fujet pouvoit lui fournir, & qu'il femble même avoir épuisé à cet égard. Sans ce motif M. Reguard auroit fupprimé les rôles du Marquis, & du Maître de Trictrac, qui font dans le bas comique, absurdes, & ridicules. Il ne refte plus qu'à examiner la Comteffe, Dorante & Madame la Reffource. Le perfonnage de la premiere eft affez bien imaginé, mais il est mal rendu, & n'eft pas affez lié dans la Piéce. Celui de Dorante eft pitoyable. Le rôle de Madame la Reffource, quoique court, eft un des meilleurs, & des plus néceffaires : cette Ufuriere eft annoncée dès le premier Acte: fa Scene avec Valere à la fin du fecond, eft excellente, & enfin c'eft elle qui produit un dénouement très-heureux, tiré du fonds de l'intrigue. (a)

(a) Voici de quelle façon les rôles de cette Piéce Tome XIV.

D

En faisant imprimer cette Piéce, M. 1696. Regnard y joignit une petite Préface, que nous rapportons d'autant plus volontiers, qu'on ne la trouve dans aucune édition des Œuvres de cet Auteur. « Cette Comédie eut beaucoup plus de que l'Auteur & les Acteurs n'aM. Regnard,» voient ofé l'efpérer. Il y avoit contre » elle une cabale très-forte, & d'autant

Préface de la

Comédie du fuccès que

Joueur, de

1697.

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plus à craindre, qu'elle étoit compofée » des plus féditieux frondeurs des Spec» tacles & fufcitée par les injuftes plaintes d'un plagiaire, qui produifoit » une autre Piéce en profe fous le même titre, & qui la lifoit tous les jours dans » les Caffés de Paris. Les perfonnes qui » s'intéreffent à la réuffite de cette fe»conde Comédie du Joueur ont pu»blié d'abord que la premiere étoit trèsmauvaife. La Cour & la Ville en ont jugé plus favorablement : & il feroit à » fouhaiter pour eux que l'Ouvrage qu'ils

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»protegent eut une deftinée auffi heu-S » reuse. »

Ce prétendu plagiaire, que M. Regnard traite ici avec le dernier mépris & d'une maniere à le faire méconnoître, eft cependant M. du Frefny, ( Auteur de la Comédie intitulée le Chevalier Joueur, dont on va parler plus bas) qui de fon côté fe plaignoit hautement de l'infidélité du premier. Il n'eft pas aifé de décider qui des deux avoit tort; mais il est très certain que l'un a pris dans la Piéce de l'autre le fonds du fujet, les principaux caracteres, & plufieurs fituations remarquables. Quoi qu'il foit, cette Comédie a fuffi pour établir cette grande réputation de M. Regnard, qu'on regarde comme le Maître de la Scene Comique de fon temps, & à lui acquérir un bon nombre de Protecteurs & d'amis. Entre ces derniers, le Poëte Gacon voulut fe fignaler, en adreffant à l'Auteur une longue Epître en vers, que nous ne donnons que par extrait.

Epitre à M. Regnard, Tréforier de

1696.

France.

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Que tu fçais accorder la raison avec l'art.

de 1701..

Au Parterre attentif jettant le fel attique,

1696. Tu remets en honneur le Théatre Comique, Qui jadis par les foins de Moliere ennobli Avec lui pour jamais fembloit enseveli.

Tout Paris enchanté de ta Piéce nouvelle,
Court voir de ton Joueur la peinture fidéle,
Et croit qu'à l'avenir le Théatre François
Va reprendre le joug de fes premieres loix.
Cachez-vous déformais, Auteurs groffiers &
fades,

Qui n'offrez à nos yeux que des turlupinades,
Et qui vous copiant vous-mêmes traits pour
traits,

Ne donnez au Public que d'infâmes por

traits.

Aujourd'hui le bon fens remportant la victoire,
Sans pitié pour toujours vous relegue à la
Foire:

Depuis affez longtemps vos jeux licentieux,
Rendoient aux gens d'efprit le Théatre odieux
Il eft temps qu'avec eux il fe réconcilie,
Et que la Scene enfin foit chafte, & plus polie,
Que je vous plains Dancourt, De Brie, & Du
Freny, (a)

C'en eft fait, aujourd'hui votre regne est fini.

(a) Gacon eft le feul qui, contre toute vérité, ait ofé faire un pareil reproche à M. Du Freíny. Cette accufation eft d'autant plus mal fondée, que ce font les Ouvrages de M. Regnard, qu'il propofe pour éxemple. On ignore dans quel goût étoient ceux du Sieur de Brie: que l'on ne croyoit peut-être pas devoir être admis en telle compagnie.

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