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Vers, le Cardinal répondit:,, Que depuis que Sa ,, Majefté lui faifoit l'honneur de l'employer dans fes affaires, il avoit abandonné cet exercice, & que d'ailleurs il ne falloit plus que perfonne s'en mêlât, après un Gentilhomme de Normandie établi en Provence, nommé Malherbe, qui ,, avoit porté la Poéfie françoife à un fi haut ,, point, que personne n'en pouvoit jamais` appro, cher. Le Roi retint le nom de Malherbe ; il en parloit même souvent à M. Defyvetaux, alors Précepteur du Duc de Vendôme. M. Defyvetaux propofa plufieurs fois de le faire venir de Provence; mais on ne lui en donna point d'ordre ; & Malherbe ne vint à la Cour que trois ou quatre ans après. Ses affaires particulieres l'amenerent à Paris en 1605, & M. Defyvetaux prit fon tems pour en avertit le Roi qui auffi-tôt l'envoya chercher. Henri IV. étoit alors à la veille de partir pour le Limoufin; il ordonna à notre Poëte de faire des Vers fur fon voyage, & Malherbe au retour du Roi lui préfenta les Stances qui commencent,

Dieu, dont les bontés de nos larmes couchés, (*) Henri IV. fut fi content de ces Vers, que voulant retenir Malherbe à son service, il donna ordrė au Duc de Bellegarde, fon Grand Ecuyer, d'avoir

(*) Ces Stances font dans ce Volume.

föin de lui, jufqu'à ce qu'il l'eût fait mettre sur l'état de fes Penfionnaires. C'eft dès ce moment, fuivant toutes les apparences, que Malherbe eut le titre de Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, qu'il prenoit en toutes occafions. Le Duc de Bellegarde le logea chez lui, lui donna fa table avec mille livres de penfion, & lui entretint un domeftique & un cheval. Il fit chez le Grand Écuyer la connoiffance de Racan, qui étoit alors de la Chambre. Celui-ci commençoit à faire des Vers, il s'attacha d'abord à Malherbe, avec lequel il cultiva fes difpofitions pour la Poéfie, & l'amitié qu'ils contracterent malgré la difproportion de l'âge, dura fans aucune altération entre le Maître & le Difciple jufqu'à la mort du premier....

Il perdit fa mere vers l'an 1615, dans un âge fort avancé, puifqu'il avoit lui-même alors 60 ans. La Reine Mere à cette occafion lui envoya un Gentilhomme, à qui, pour remerciment, il dit: QU'IL ne pouvoit fe revancher de l'honneur que lui faifoit la Reine, qu'en priant Dieu que le Roi fon fils pleurat famort auffi vieux qu'il pleuroit celle de fa mere.

Il avoit un frere aîné avec lequel il fut toujours en procès, & qui n'eft connu que par ce trait-ei. On reprochoit à notre Poëte la mauvaise intelligence qui étoit entre eux, il répondit: Puis-je en avoir avec les Turcs & les Mofcovites avec qui je n'ai rien à partager?

Tous fes Enfans moururent jeunes. Une de fes filles âgée de 5 ou 6 ans mourut de la pefte entre feš bras, & l'on trouve une Épitaphe de cet Enfant parmi les Poćfies de la Frenaye-Vauquelin, où Malherbe eft qualifié de fieur de Digly. MarcAntoine, le feul fils qu'il pût élever, près d'être fut tué en reçu Confeiller au Parlement d'Aix, duel en 1627 par un Gentilhomme Provençal nommé De Piles, qui avoit pour fecond, felon l'ufage du tems, M. de Bormes, fils de M. Cauvet, Confeiller au même Parlement & Beaupere de De Piles. ,, CETTE perte le toucha bien fenfiblement, dit ,, Balzac (Entret. 37.) Je le vayois tous les jours dans le fort de fon affliction & je le vis agité de ,, plufieurs pensées différentes. Il fongea une fois à ,, fe battre contre celui qui avoit tué fon fils : & à, comme nous lui représencâmes, M. de Porcheres ,, d'Arbaud & moi, qu'il y avoit trop de difpró

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portion de fon âge de 72 ans à celui d'un homme ,, qui n'en avoit que 25: C'est à caufe de cela que je veux me battre, dit-il. Ne voyez-vous pas que , je ne hazarde qu'un denier contre une pistole ?

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Il fut donc inconfolable de certe mort & il poursuivit vivement les meurtriers de fon fils comme on le verra pår fa Lettre à Louis XIII, qui eft à la fuite de fa Vie, & par un Sonnet qu'on trouve dans ce Volume..

A ne juger du mérite de ce fils que par l'idée

qu'en

qu'en avoit fon Pere, il méritoit bien fes regrets. Il avoit du talent pour la Poćfie, & il a laiffé quelques · Vers où il y a plus de feu, mais moins de correction. que dans ceux de fon Pere. (*)

Cependant des amis communs s'entremirent pour accommoder l'affaire un Confeiller du Parlement 'de Provence lui porta parole pour dix mille écus. Malherbe rejetta d'abord la propofition; mais comme on lui fit confidérer que la vengeance qu'il défi, roit n'étant guere poffible, vû le crédit que fa Partie avoit à la Cour, il ne devoit pas refufer cette légere fatisfaction, il confentit à l'accepter, en proteftant qu'il ne garderoit pas une obole de cette fomme de dix mille écus, & qu'elle feroit toute employée à conftruire un Mausolée pour fon fils. Peu de tems après cette négociation (dont fa mort prévint l'effet) il fit un voyage à la Cour, qui étoit alors devant la Rochelle, & il en rapporta la maladie dont il mourut 4 ou 5 jours avant la réduction de cette place, qui fe rendit le 29 Octobre dans la même année 1627. Il étoit âgé

Nous aurions bien defiré pouvoir joindre les Poéfies du fils à celles du Pere, mais où les trouver ? Nous n'en parlons que fur la foi de M. l'Abbé Goujer, dont nous copions le témoignage tiré de fa Bibliothéque françoise, Tom. XV. pag. 179. Il senoir le peu qu'il en dit du feu Pare Bougerel, de l'Oratoire, qui avoir vu quelques-unes de ces Poéfies,

B

d'environ 73 ans, & avoit vécu fous fix de nos Rol

Racan n'ayant pu fe trouver aux derniers momcng de fon ami, parce qu'il étoit employé dans l'armée qui affiégeoit la Rochelle, apprit de Porcheresd'Arbaud les circonftances de fa mort.

"

Malherbe avoit de la religion & rempliffoit tous les devoirs de Chrétien. S'il lui échappa quelquefois de ces traits libres qui ne tirent pointà conféquence pour les mœurs, fur-tout dans la bouche d'un Poete, toute la vie (qui paroît avoir été fort réglée ) en fut le correctif ou le défaveu. Il difoit fouvent, à l'exemple de Coeffeteau, fon contemporain, mais mort avant lui: Bonus animus, bonus Deus, bonus Cultus, courte profeffion de foi qui ne doit laiffer aucun doute fur fa maniere de penfer. Il mouruc ainfi chrétiennement à Paris entre les mains du Vicaire de Saint Germain l'Auxerrois, & fut inhumé dans cette Églife.

On dit qu'une heure avant de mourir, après une efpece d'agonie, il fe réveilla comme en furfaut pour reprendre fa Garde fur un mot qui lui choquoit l'oreille, & que fon Confeffeur lui en faifant une réprimande, il répondit, qu'il défendroit jufqu'à la mort la pureté de la Langue Françoife.

Il légua par fon teftament la moitié de fa Bibliothéque à François d'Arbaud de Porcheres, qui étoit coufin de la femme.

Il n'eft pas aifé d'établir rien de certain fur la

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