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Préparant fon départ, cacher fa cruauté

Deffous quelque trifteffe, ou feinte, ou véritable;
L'efpoir qui volontiers accompagne l'amour,
Soulageant ma langueur, la rendroit fupportable,
Et me confoleroit jufques à fon retour.

Mais quel aveuglement me le fait défirer?
Avec quelle raifon me puis-je figurer

Que cette ame de roche une grace m'octroie;
Et qu'ayant fait deffein de ruiner ma foi,
Son humeur fe dispose à vouloir que je croie
Quelle a compaffion de s'éloigner de moi?

Puis étant fon mérite infini comme il eft,

Dois-je pas me réfoudre à tout ce qui lui plaît,
Quelques loix qu'elle faffe & quoi qu'il m'en avienne,
Sans faire cette injure à mon affection,
D'appeller fa douleur au fecours de la mienne,
Et chercher mon repos en fon affliction?

Non, non, qu'elle s'en aille à fon contentement
Ou dure ou pitoyable, il n'importe comment.
Je n'ai point d'autre vœu que ce qu'elle fouhaite:
Et quand de mes travaux je n'aurois jamais rien,
Le fort en eft jetté, l'entreprise en est faite,
Je ne fçaurois brûler d'autre feu que le fien.
Je ne reffemble point à ces foibles efprits,
Qui bientôt délivrez, comme ils font bientôt pris,
En leur fidélité n'ont rien que du langage;

Toute forte d'objets les touche également.
Quant à moi, je difpute avant que je m'engage:
Mais quand je l'ai promis, j'aime éternellement.

SONNET

A la Vicomteffe d'Auchy. 1608.

BEAUTÉ, de qui la grace étonne la nature,

Il faut donc que je cede à l'injure du Sort,
Que je vous abandonne, & loin de votre port
M'en aille au gré du vent fuivre mon avanture.
Il n'eft ennui fi grand que celui que j'endure ;'
Et la feule raifon qui m'empêche la mort,
C'eft le doute que j'ai que ce dernier effort
Ne fût mal employé pour une ame fi dure.
CALISTE, où penfez-vous? Qu'avez-vous entrepris?
Vous réfoudrez-vous point à borner ce mépris,
Qui de ma patience indignement se jouë ?

Mais, ô de mon erreur étrange nouveauté !
Je vous fouhaite douce, & toutefois j'avouë
Que je dois mon falut à votre cruauté.

SONNET

SONNET

Fait à Fontainebleau, fur l'abfence de la même.

1608.

BEAUX & grands bâtimens d'étørnelle structure

Superbes de matiere & d'ouvrages divers,
Où le plus digne Roi qui foit en l'univers,
Aux miracles de l'art fait céder la naturè:

Beau parc & beaux jardins, qui dans votre clôture Avez toujours des fleurs & des ombrages verds, Non fans quelque Démon qui défend aux hyvers D'en effacer jamais l'agréable peinture;

Lieux qui donnez aux cœurs tant d'aimables defirs, Bois, fontaines, canaux, fi parmi vos plaifirs Mon humeur eft chagrine & mon visage trifte:

Ce n'eft point qu'en effet vous n'ayez des appas. Mais quoi que vous ayez, vous n'avez point CALISTE,' Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.

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SONNET

Sur le même fujet que le précédent, & fait fans doute au même lieu. 1608.

CALISTE,

ALISTE, en cet exil j'ai l'ame fi gênée, Qu'au tourment que je fouffre il n'eft rien de pareil;

Et ne fçaurois ovïr ni raison ni confeil,

Tant je fuis dépité contre ma destinée.

J'ai beau voir commencer & finir la journée :
En quelque part des cieux que luife le foleil,
Si le plaifir me fuit, auffi fait le fommeil,
Et la douleur que j'ai n'eft jamais terminée.

Toute la Cour fait cas du féjour où je fuis,

Et pour y prendre goût, je fais ce que je puis: Mais j'y deviens plus fec, plus j'y vois de verdure En ce piteux état fi j'ai du reconfort,

C'eft, o rare Beauté ! que vous êtes fi dure,

Qu'autant près, comme loin, je n'attens que la mort.

SONNET

A la même. 1608.

C'EST fait, belle CALISTE, il n'y faut plus penfer

Il fe faut affranchir des loix de votre empire.
Leur rigueur me dégoûte, & fait que je foupire
Que ce qui s'eft paffé n'eft à recommencer.

Plus en vous adorant je me pense avancer,
Plus votre. cruauté, qui toujours devient pire,
Me défend d'arriver au bonheur où j'aspire,
Comme fi vous fervir étoit vous offenfer.

Adieu donc, ô Beauté, des beautés la merveille!
Il faut qu'à l'avenir ma raifon me confeille,
Et difpofe mon ame à fe laiffer guérir.

Vous m'étiez un tréfor auffi cher que la vie :
Mais puifque votre amour ne fe peut acquérir,
Comme j'en pers l'efpoir, j'en veux perdre l'envie.

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