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POÉSIES

DE

MALHERBE.

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LIVRE PREMIER, Contenant les Pièces compofées avant 1605.

EPIGRAMME

Sur le Portrait d'Eftienne Pafquier, Avocat au Parlement de Paris, que l'on avoit peint fans mains, (*) 1585.

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L ne faut qu'avec le visage
L'on tire tes mains au pinceau :

Tu les montres dans ton ouvrage,

Et les caches dans le tableau.

(*) Ce Portrait fit éclore beaucoup de Vers Grecs, Laeins, François, Italiens & Provençaux, dont Pafquier,

D

STANCE S. 1586.

SI des maux renaiffans avec ma patience
N'ont pouvoir d'arréter un efprit fi hautain,
Le temps eft médecin d'heureuse expérience;
Son remède eft tardif, mais il eft bien certain.

Le temps à més douleurs promet une allégeance,
Et de voir vos beautez fe paffer quelque jour;
Lors je ferai vangé, fi j'ai de la vangeance
Pour un fi beau fujet pour qui j'ai tant d'amour.

Vous aurez un mari fans être guere aimée.
Ayant de fes défirs amorti le flambeau ;
Et de cette prifon de cent chaifnes formée
Vous n'en fortirez point que par l'huis du tombeau.

Tant de perfections qui vous rendent fuperbez
Les reftes d'un mari, fentiront le reclus;
Et vos jeunes beautez flétriront comme l'herbe,
Que l'on a trop foulée & qui ne fleurit plus.

Vous aurez des enfans, des douleurs incroyables,

fit imprimer en 1584 d Paris, un Recueil in-4°. fous cè titre La Main, ou Œuvres Poëtiques faites für la main d'Eftienne Palquier, &c.

Qui feront près de vous & crieront à l'entour Lors fuiront de vos yeux les foleils agréables, Y laiffant pour jamais des étoiles autour.

Si je paffe en ce temps dedans voftre Province, Vous voyant fans beautez & moi rempli d'honneur, Car peut-eftre qu'alors les bienfaits d'un grand Prince (*)

Marieront ma fortune avecque le bonheur.

Ayant un fouvenir de ma peine fidelle,

Mais n'ayant point à l'heure autant que j'aid'ennuis,
Je dirai Autrefois cette femme fut belle,
Et je fus autrefois plus fot que je ne fuis.

(*) Henri d'Angoulême, dont Malherbe avoit été Gentilhomme, mort au mois de Juin 1586.

DA

LES LAR ME S

DE SAINT PIERRE,

Imitées du Tanfille, (*)

AUROI HENRI II I.. 1587.

CE n'eft pas en mes vers qu'une amante abufée

Des appas enchanteurs d'un parjure Thésée,
Après l'honneur ravi de fa pudicité,

Laiffée ingratement en un bord folitaire,
Fait de tous les affauts que la rage peut faire
Une fidelle preuve à l'infidélité.

Les ondes que j'épans d'une éternelle veine Dans un courage faint ont leur fainte fontaine ; Où l'amour de la terre & le foin de la chair Aux fragiles penfers ayant ouvert la porte, Une plus belle amour fe rendit la plus forte, Et le fit repentir auffi-tôt que pécher.

(*) Mauvaise imitation d'un mauvais modele. L'ouvrage Italien a pour titre : Lagrime di Sancto Pietro dal Signor Luigi Tanfillo. Le Tanfille étoit un Gentilhomme de Nole, ville du Royaume de Naples, mort en 1569.

HENRI, de qui les yeux & l'image facrée
Font un visage d'or à cette âge ferrée,
Ne refufe à mes vœux un favorable appui;
Et fi pour ton autel ce n'eft chose affez grande,
Pense qu'il eft fi grand,qu'il n'auroit point d'offrande
S'il n'en recevoit point que d'égales à lui.

La foi qui fut au cœur d'où fortirent ces larmes
Eft le premier effai de tes premieres armes,
Pour qui tant d'ennemis à tes pieds abatus,
Pâles ombres d'enfer, pouffière de la terre,
Ont connu ta fortune, & que l'art de la guerre
A moins d'enfeignemens que tu n'as de vertus.

De fon nom de rocher, comme d'un bon augure,
Un éternel état l'Églife fe figure;

Et croit par le deftin de tes juftes combats
Que ta main relevant fon épaule courbée,
Un jour, qui n'eft pas loin, elle verra tombée
La troupe qui l'affaut & la veut mettre bas.

Mais le coq a chanté pendant que je m'arrête
A l'ombre des lauriers qui t'embraffent la tête,
Et la fource déja commençant à s'ouvrir

A lâché les ruiffeaux qui font bruire leur trace
Entre tant de malheurs eftimant une grace,
Qu'un Monarque fi grand les regarde courir.

Ce miracle d'amour, ce courage invincible,
Qui n'efpéroit jamais une chofe poffible.

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