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Faifoit aux braves d'Ilion
La terreur que fait en Afrique
Aux troupeaux l'affaut d'un lion,
Bien que fa mere eût à fes armes
Ajouté la force des charmes,
Quand les deftins l'eurent permis,
N'eut-il pas fa trame coupée
De la moins redoutable épée
Qui fut parmi fes ennemis ?
Les Parques d'une même foie
Ne devident pas tous nos jours;
Ni toujours par femblable voie
Ne font les planettes leur cours.
Quoi que promette la Fortune,
A la fin quand on l'importune,
Ce qu'elle avoit fait profpérer
Tombe du fatte au précipice;
Et, pour l'avoir toujours propice,
Il la faut toujours révérer. (*)

Je fçai bien que fa Carmagnole (5)
Devant lui fe représentant,

Telle qu'une plaintive idole,

(*) Expreffion d'Aufone: Fortunam reverenter habe.

(5) Il s'agit de la guerre de Savoye commencée en 1600 pour recouvrer le Marquifar de Saluces dont le Duc de Savoye s'étoit emparé en 1598, Carmagnole en eft la Capitalei

Va fon courroux follicitant,

Et l'invite à prendre pour elle

Une légitime querelle.

Mais doit-il vouloir que pour lui
Nous ayons toujours le teint blême :
Cependant qu'il tente lui-même
Ce qu'il peut faire par autrui ?

Si vos ïeux font toute fa braise,
Et vous la fin de tous fes vœux,
Peut-il pas languir à fon aife
Dans la prifon de vos cheveux ;
Et commettre aux dures corvées
Toutes ces ames relevées,
Que d'un confeil ambitieux
La faim de gloire perfuade
D'aller fur les pas d'Encelade
Porter des échelles aux cieux ? (*)

Apollon n'a point de myftere,
Et font profanes fes chanfons:
Ou, devant que le Sagittaire
Deux fois ramene les glaçons,
Le fuccès de leurs entreprises,
De qui deux provinces conquifes
Ont déja fait preuve à leur dam,
Favorifé de la victoire,

(*) Mauvaise allufion aux montagnes de Savoye.

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Changera la fable en hiftoire

De Phaeton en l'Eridan.

Nice, payant avecque honte
Un fiége autrefois repouffé, (*)
Ceffera de nous mettre en compte
Barberouffe qu'elle a chaffé.
Guife (S) en fes murailles forcées
Remettra les bornes paffées
Qu'avoit notre empire marin; (†)
Et Soiffons, fatal aux fuperbes,
Fera chercher parmi les herbes
En quelle place fut Turin.

(*) C'est celui qui fut fait en 1543 du côté de la terre par le Comte d'Enguien, avec l'armée françoise, & du côté de la Mer par une flotte Turque, que commandoit Barberouffe. Philippe Doria, Genois, commandant la flotte de Charlesquint, fit lever ce fiége.

($) Charles Duc de Guise.

(†) Nice appartenoit autrefois aux François, comme faifant partie du Comté de Provence.

SONNET

SONNET

A JEAN RABEL PEINTRE,

·Sur un Livre de Fleurs qu'il avoit peintes.

1602 ou 1603.

UELQUES louanges nompareilles
Qu'ait Apelle encore aujourd'hui,

Cet ouvrage plein de merveilles
Met Rabel au deffus de lui.

L'art y furmonte la nature;
Et, fi mon jugement n'est vain
Flore lui conduifoit la main,
Quand il faifoit cette peinture.

Certes il a privé mes yeux

De l'objet qu'ils aiment le mieux ;
N'y mettant point de Marguerite :

Mais pouvoit-il eftre ignorant
Qu'une fleur de tant de mérite
Auroit terni le demeurant?

1604.

STANCE S.

PROSOPOPÉE D'OSTENDE,

Imitée du Latin d'Hugue Grotius. (*)

Rois ans déja paffez, théâtre de la guerre, J'exerce de deux chefs les funeftes combats, Et fais émerveiller tous les yeux de la terre, De voir que le malheur ne m'ofe mettre à bas.

(*) Voici les Vers de Grotius.

Area parva Ducum, totus quam refpicic orbis,
Celfior una malis, & quam damnare ruinæ
Nunc quoque fata riment, alieno in littore refto.
Tertius annus abit, toties mutavimus hoftem;
Savit hyems pelago, morbisque furentibus æftas;
Et minimum eft quod fecit Iber. Crudelior armis,
In nos orta lues: nullum eft fine funere fanus,
Nec perimit mors una femel. Fortuna, quid hæres?
Quâ mercede tenes miftos in fanguine manes?
Quis tumulos moriens hos occupet, hofte perempte,
Quæritur, & fterilį tantùm de pulvere pugna eft.

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