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C'est une partie de l'Histoire universelle, qui doit d'autant plus mériter notre attention, que ces Turcs ont contribué à la destruction de l'Empire Romain, ravagé la France, l'Italie, la Germanie, & tous les pays du Nord de l'Europe, ruiné l'Empire des Khalifs, possédé la Terre-Sainte; enfin, qu'ils ont eu de fréquens démêlés avec les François. J'ai cru qu'un Ouvrage qui renfermeroit l'origine d'un Peuple si célebre pendant près de 2000 ans, ne seroit pas moins agréable au Public, que l'Histoire des autres Peuples étrangers, qu'il paroît recevoir avec quelque empressement. Le champ est vaste, & n'a pas été défriché. Jusqu'a présent nous n'avons eu rien de suivi ni d'étendu fur les Huns. Je n'ai trouvé, pour ainsi dire , que des phrafes dispersées dans un prodigieux nombre de volumes qu'il a fallu rapprocher & comparer. Je suis bien éloigné de penser avec un Auteur du fiécle, que les Turcs ne méritent guère plus que 'on recherche leur origine & leur histoire, que les loups & les tygres de leurs pays. Les hommes font partout les mêmes, & souvent avec cette grossiéreté qui les rend méprisables à des yeux prévenus, ils ont moins de vices, plus de franchise, plus de droiture, plus de bonne foi, & peut-être en général plus de vertus solides. Cette réflexion que présente à tout instant la lecture de l'Histoire, est bien capable d'humilier notre amour-propre, & de nous faire rabattre de l'opinion avantageuse que la vanité nous porte à concevoir si aisément de nousmêmes. Nous n'imitons pas en tout les Grecs ni les Romains; nous admirons leurs belles actions; nous blâmons leurs défauts. C'est avec la même équité que nous devons traiter les autres Nations.

Les Langues Orientales si nécessaires pour exécuter un Ouvrage tel que celui que j'ai entrepris, ont été de tout tems peu cultivées; & parmi ceux qui s'y sont appliqués, les uns ne l'ont fait qu'en Grammairiens, ou se sont contentés de nous donner quelques traductions des Ecrivains, souvent les moins estimés dans l'Orient : les autres trop occupés du soin d'accumuler dans leur mémoire les fignifications d'un grand nombre de termes, paroiffent avoir négligé les chofes, & avoir oublié que l'unique but qu'on doit se proposer dans l'étude des Langues, est de lire les Ouvrages des différentes Nations, tant pour sa propre instruction, que pour celle du Public.

Si ceux qui ont été à portée d'entendre les livres des Orientaux, ne se sont pas attachés à nous donner une Histoire de l'Orient, combien d'autres, quoique privés de ce secours, n'ont pas laissé de tenter l'exécution d'un pareil Ouvrage? Mais ils font de vains efforts; ils ne présentent jamais qu'un même personnage sous un masque différent, & qui souvent cache de nouvelles difformités..

La Bibliotheque du Roi, qui reçoit tous les jours de nouveaux accroissemens, sous les yeux de M. Bignon, & par les foins de MM. l'Abbé Sallier & Melot, qui veillent à ce précieux dépôt, contient tout ce que les Orientaux Turcs, Arabes, Persans & Chinois ont de plus curieux. Elle possede particulièrement les livres les plus authentiques & les plus estimés que les Chinois aient composés. Nous sommes redevables des premieres notions de la langue de ces peuples à l'amour que Louis le Grand a toujours eu pour le progrès des Lettres. Pendant fon regne un Chinois, nommé Hoam-ge, vint en France. M. l'Abbé Bignon l'attacha à la Bibliotheque de Sa Majefté. Sous les auspices de ce Protecteur des Sciences, ce jeune Etranger composa quelques Mémoires, mais la mort ne lui permit pas d'achever fon Ouvrage. M. Fourmont l'aîné, dont la vaste érudition est si connue, & qui avoit un talent fingulier pour ramener les Langues à leurs principes, fut alors chargé d'examiner les papiers de M. Hoam-ge. Après un travail des plus opiniâtres il parvint à former une Grammaire & un Dictionnaire. Pour favoriser ce nouveau genre d'étude, & rendre plus féconde cette fource de connoissances, on fit venir un grand nombre de livres Chinois. Louis XV, non moins zélé que son illuftre Prédécesseur, a continué de protéger la Littérature Chinoise. On a gravé par ses ordres plus de cent vingt mille caractères Chinois, destinés à l'impression de la Grammaire & du Dictionnaire. Je me fuis appliqué, sous les yeux de M. Fourmont, à l'étude des langues Orientales, & particulièrement de la langue Chinoise. Après la mort de ce Sçavant, j'ai eu l'honneur d'être attaché à la Bibliotheque du Roi pour le même objet. En conféquence j'ai cru devoir m'appliquer à rendre utile à ma nation cet

amas de Livres Chinois transportés en France,

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& à communiquer au Public les notions qu'ils renferment. Je présente aujourd'hui le tribut de ma reconnoissance; s'il ne répond pas à tout ce que les bienfaits de Sa Majesté exigent de moi, il fervira du moins à prouver mon zele, & à faire voir que la Littérature Chinoise, toute étrangere qu'elle nous paroisse, peut devenir très-utile, & qu'elle est digne de la protection que Louis XIV, & Louis XV n'ont cessé de lui accorder.

La lecture des Livres écrits en cette langue a donné naissance à un petit Mémoire Historique fur l'origine des Huns, que j'ai publié il y a plusieurs années. Mon dessein n'étoit alors que de compofer quelques Differtations relatives à ce sujet. Rempli de mon projet, j'ai examiné avec attention les Historiens Chinois. Avec eux j'ai fuivi les Turcs dans toutes leurs expéditions ; j'ai recherché leurs migrations vers les pays Occidentaux. Là étant devenus moins connus des Chinois, à cause de leur trop grand éloignement, j'ai eu recours aux Hiftoriens Arabes. Des détails immenfes que j'ai apperçus en réunissant ces deux fortes d'Ecrivains, m'ont bien-tôt fait naître le dessein de composer une Hiftoire générale des Turcs. Après un travail de plusieurs années, je suis enfin parvenu à former un ample Recueil fur cette matiere. J'y rapporte les grandes conquêtes de ces Peuples, leurs établissemens dans l'Afie, l'Europe & l'Afrique, la suite de leurs Princes, leurs mœurs, leur religion, leur commerce avec les Nations voisines; j'y donne la Introd. Tom. I. Part. I. b

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connoissance la plus exacte, qu'il est possible, des pays qu'ils ont habités.

Les Turcs se sont tellement répandus, que leur Hiftoire se trouve liée à celle de presque toutes les Nations; elle les intéresse par conféquent. En Afie, les Chinois, les Indiens, les Perfans, les Arabes; en Europe, les Grecs, les Romains, les François, les Polonois, les Hongrois, & les Russes, ont eu souvent des guerres avec les Turcs; je ne dis pas avec ceux qui forment aujourd'hui les Sujets de l'Empire Ottoman, mais avec ces anciens Turcs ou Huns, qui se sont établis en différens tems dans la plupart de ces régions ; c'est ce qu'un détail plus circonstancié nous fera mieux connoître.

L'Empire des Huns en Tartarie étoit borné du côté du Midi par celui des Chinois ; les guerres presque continuelles que ces deux Peuples se font faites, ont obligé les Chinois à parler souvent des Huns. C'est dans leur Histoire que nous trouvons tout ce qui concerne l'origine & le premier Empire de ces Barbares, la fucceffion exacte de leurs Princes, & des descriptions de la Tartarie depuis le tems de Jesus-Christ jusqu'à présent. Nous y voyons ces Huns s'avancer jusqu'au Nord de la Mer Cafpienne & dans la Sibérie, y fixer leurs demeures, pour pénétrer enfuite chez les Romains. Par la lecture combinée de plusieurs de ces Ecrivains, tels que Se-ma-kouang, Tchou-hi, Ma-tuon-lin, & de ceux des différentes Dynasties Impériales, dont on a fait un Recueil intitulé, les vingt-un Historiens, on se trouve en état de composer une Histoire dé,

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