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fon parti. Des Adrets, qui commandoit dans Lyon pour ce Prince, n'avoit rien oublié, par des follicitations réïterées, pour y obtenir des Milices; on y avoit joint les inftances d'un des plus diftinguez de fes Citoyens, le fils de Peterman d'Erlach, attaché depuis quelques années à l'Amiral de Coligny, qui fe prefenta en perfonne au Senat de Bern. Si l'on y fut touché du récit tragique qu'il eut foin de faire de la fituation où fe trouvoient les Proteftans en France, rien n'y fut capable d'y faire oublier les anciens engagemens avec la Couronne; & à l'exemple de ce Canton, les autres, quelque envie qu'ils euffent de Les Cantons voir profperer ceux qui leur étoient communs dans la alliez refufent créance, refuferent conftamment les fecours qui leur fudes levées con- rent demandez avec tant de vivacité, & fous les promeffes les plus avantageuses.

Proteftans non

tre le Roi.

Le Résultat du Canton, qui parut à ce fujet, portoit en fubftance, que le Traité de la Paix perpetuelle, qui devoit fervir d'un Reglement invariable entre la France & la République, n'ayant point reçu d'atteinte par les. démarches du Roi, on ne pouvoit ni ne vouloit accorder aucunes levées, quelque destination qu'on pât leur donner, pour foûtenir ceux avec lefquels ils avoient un égal interêt en fait de Religion. Ce refus, auquel le Prince de Condé & les Chefs de fon parti s'attendoient peu, déconcerta fi fort leurs affaires, que n'ayant plus d'efperance dans les contrées voifines du Rhône, ils voulurent chercher de l'appui du côté de l'Angleterre & de la Bretagne, en fe cantonant dans la Normandie, ce qui fut la caufe de leur perte.

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Une décifion conforme aux maximes d'Etat,ne put empêcher cependant qu'un nombre confiderable de volontaires ne fe jettât de lui-même, & à l'infçu du Magistrat,

dans le parti du Prince foulevé; il y passa des personnes de confideration, parmi lesquelles on compta, outre les quatre de Diesbach Nicolas, Joft, Benoît & Gabriel, Burchard Nægeli, Jean-Antoine Tillier, & Conrad Schützen, qui eurent l'adreffe de faire défiler affez de monde jusqu'à Genêve, pour en former huit Drapeaux complets, avec lesquels ils fe rendirent à Lyon. Quoique ce secours non avoué fût trop foible pour contrebalancer l'autre, la Cour ne laiffa pas d'en envisager les fuites, & ne perdit point de tems pour en folliciter le rappel auprès du Canton.

Coignet & Mandoffe, chargez des affaires du Roi en Suiffe, fe prefenterent devant le Grand & petit Confeil de Bern, où ils demanderent le huit Août, au nom de leur Maître, que puifque l'Autorité n'avoit point agréé la fortie de cette Milice, on expediât des ordres feveres, qui l'obligeaffent de rentrer dans la Patrie, & de ne point aider les Sujets rebelles d'un Roi avec qui toute la République étoit en paix : les égards & les motifs de confideration l'emporterent fur tout ce qu'un zele amer de Religion eût pût oppofer à la demande de ces deux Miniftres; Louis de Müllenen fut auffi-tôt dépêché à Lyon, avec des ordres du Canton pour faire revenir ces Troupes, que l'on vit rentrer dès la mi-Septembre, avec ceux qui les y avoient conduits fi légerement; ces derniers n'échapperent point au châtiment qu'on leur avoit préparé, & ils furent interdits des Charges qu'ils pouvoient avoir dans le

Senat.

Cependant le Roi étant devenu Majeur, on songea à renouveller l'Alliance avec la Suiffe: Le Maréchal de la Vieuville, l'Evêque de Limoges, & de Saint Laurent, trois Miniftres d'un mérite distingué, furent chargez de

ment de l'Al

avec

Charles IX.

Renouvelle- conduire cet ouvrage. Les mêmes onze Cantons & leurs liance Alliez, qui s'étoient unis avec Henry II. fignerent ce Traité, qui fut conclu à Fribourg le 7. Decembre 1564. pour toute la vie de Charles IX. & fept ans après fa mort. Les Parties y ftipulent aux mêmes termes que dans le précedent, tout ce qui peut regarder les Penfions des Cantons, la force des levées dans les differentes occafions, la folde des Troupes, & leur destination dans les expeditions de guerre, le droit de Jurifdiction, & le maintien des Privileges accordez par les Rois prédeceffeurs. Il y eft dit, outre cela, que le Roi fera tenu de faire payer aux Troupes de la Nation la folde d'un mois, pour une Bataille qui aura été gagnée par leur affistance; ce qui fut depuis appellé la folde de Bataille.

On avoit tenté en vain de faire entrer dans ce Traité les Cantons de Zurich & de Bern, qui ne crurent pas devoir varier fur le motif qui les avoit éloignez déja ci-de+ vant: ainfi la démarche, que firent les trois Ambassadeurs du Roi, de fe rendre pour cet effet à Bern, devint inutile. Le Senat s'étoit à la verité assemblé, pour déliberer fur l'Alliance, & les fuffrages y avoient été plus d'une fois affez balancez, pour que l'on eût pû fe flatter de quelque fuccès, fi la vehémence du difcours, & le crédit de Jean Weber, un des plus fameux Miniftres de leur Eglife, n'en eût déconcerté toutes les difpofitions.

Cet homme, qui joignoit à une éloquence naturelle, tout ce que l'exterieur pouvoit avoir de pathetique, ayant demandé qu'il lui fût permis, en qualité de Pasteur, d'expliquer en plein Senat les devoirs du Souverain envers Dieu dans cette occafion, y parla d'une maniere fi preffante, en rappellant dans les termes les plus forts les engagemens, dans lesquels les Chefs du Peuple étoient entrés

avec

avec le Seigneur, du jour de la Réformation, à l'exemple de Joas & des autres Rois d'Ifraël, que toute l'Affemblée, dont une partie fe trouvoit déja dans les mêmes fentimens, fe laissa aifément entraîner à des perfuafions, où l'Orateur n'avoit rien oublié pour flatter, avec artifice, la dignité & les maximes du Gouvernement. Il avoit eu foin de diftribuer en même temps, dans le Public, un Imprimé qui renfermoit le précis de fon Difcours, avec les traits les plus touchans fur le danger où fe trouvoit la Religion, si Î'Etat s'uniffoit d'interêts avec une Puiffance, dont le principal objet étoit de la détruire.

Ainfi le Citoyen & le Magistrat également frappez, toute la négociation échoua fans peine : le Canton fe contenta de répondre à l'Ambassade, que quoique fa fitúation présente ne lui permît pas d'entrer dans aucune liaifon particuliere, la France pouvoit s'affûrer qu'il se tiendroit fidelement à tout ce qui étoit convenu de part & d'autre par la Paix perpetuelle, contre laquelle il ne permettroit jamais qu'il fe passât rien dans fes Etats. A l'égard de celui de Zurich, quoiqu'il fût le premier selon le rang, comme il avoit depuis long-temps pour maxime de parler le même langage que ceux de Bern, dans ce qui regardoit fes interêts avec la Couronne, il ne fut point dans la peine de recevoir des follicitations, & fon filence con

certé tint lieu de refus.

Il s'étoit paffé plus d'une année entiere depuis la conclufion de ce nouveau Traité, lorfqu'il s'éleva tout à coup dans les Grifons, à ce fujet, des mouvemens qui demanderent toute la prudence des Cantons, pour être appaifez. Les Partisans du Roi d'Espagne avoient femé, dans les trois Ligues, des bruits defavantageux à l'occasion de cette Alliance, en perfuadant les Peuples qu'elle étoit directe

Y

ment oppofée à l'Union héreditaire, & à tout ce qui avoit été ftipulé en faveur du Milanez: il n'en fallut pas d'avantage pour échauffer des efprits peu éclairez; on vit prendre auffi-tôt les armes aux habitans de la campagne, & les defordres fuivirent de près, par les incendies & la deftruction de quelques Châteaux: effets toûjours trop fubits de ces tumultes populaires.

On trouva nécessaire d'affembler une Diete génerale à Baden dès le mois de Fevrier, en prefence de Bellieyre, Ambaffadeur ordinaire du Roi: il y fut réfolu, que les Cantons de Zurich, de Lucern, de Schwitz, & de Glaris, comme les plus intimement Alliez avec les Grisons, y envoyeroient, fans tarder, une Députation folemnelle, pour leur faire connoître dans l'Affemblée des trois Ligues, l'interêt effentiel qu'ils avoient à pacifier ces troubles, & l'artifice dont des voifins, jaloux de leur bonheur, s'étoient fervi mal à propos, pour les exciter; l'Ambassadeur de Saint Laurent s'étoit joint aux Députez des quatre Cantons: après quelques vivacitez, qui se reffentoient encore de l'émeute, on parvint à ramener le Peuple de fes préventions, tout y prit le calme, & l'Alliance y eut fon cours.

Tout paroiffoit être devenu tranquille en France depuis le Traité d'accommodement figné en 1563. par le Chef du Parti Huguenot; & la Cour fe promettant une Paix durable dans l'interieur du Royaume, la Reine Mere avoit jugé à propos de faire voir à Charles IX. une grande partie de ses Etats, en le faisant paffer par les Provinces de Champagne, de Bourgogne, du Lyonnois, de Provence, de Languedoc & de Guyenne, pour de-là aller jufqu'à Bayonne, & s'aboucher avec fa fille Ifabelle, femme de Philippe II. Roi d'Efpagne. La tendreffe maternelle ne

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