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TRAITE

HISTORIQUE ET POLITIQUE

SUR

L'ALLIANCE

ETABLIE ENTRE LA COURONNE DE FRANCE,

ÈT LA REPUBLIQUE DES SUISSES

ETTE Alliance eft, fans contredit, la plus ancienne de toutes celles que les Suiffes ont avec les Puiffances de l'Europe, & on peut dire qu'elle a commencé avec leur Souveraineté ; elle a fuivi de près la Confédéraration dans laquelle étoient déja entrées la plûpart des Villes confidérables du Païs, plus de cent ans après, que l'amour de la liberté avoit fait prendre le parti

A

connoître les

France.

1444.

Ce qui fait à ceux d'Ury, de Schwitz & d'Undervald de s'affurer un Suiffes à la état d'indépendance à la faveur de quatorze Batailles qu'ils gagnerent fucceffivement contre les Troupes Imperiales & Autrichiennes. Ce fut la fameufe Bataille des dix-neuf cens Suiffes venus au fecours de Bâle, où le Dauphin Louis s'étoit avancé en 1444. avec une Armée de trente mille hommes pour diffiper le Concile, qui en fut la premiere occafion. La valeur de ces Troupes, qui au rapport des Historiens, plûtôt laffées que vaincuës, refterenţ toutes fur la place après avoir vendu leur vie au double, fit connoître à ce Prince qu'il valoit mieux avoir l'amitié de tels gens, que de leur faire la guerre. Le Traité de Paix fut conclu avec neuf de leurs Cantons; fçavoir, Bâle, Berne, Lucerne, Soleur, Ury, Schwitz, Undervald, Zug & Glaris, & il eft datté de la Ville d'Enfisheim, ancienne Capitale de la haute Alface, du 28 Octobre de la même année.

1453

Premiere Al

les VII.

REGNE DE CHARLES VII.

pre

Quelques années enfuite, fçavoir en 1453. fe fit la liance des Suif- miere Alliance des Suiffes avec les François, entre le Roy les avec Char- Charles VII. & les mêmes Cantons : ce Traité, non plus que le précedent (comme entre des Etats qui veulent fe connoître avant que de s'aimer), ne marque pas encore une liaison fort intime; il eft dit feulement dans les deux Articles qu'il contient : Que le Roi fait un accord & convention durable avec les Cantons, de ne leur étre jamais contraire ni à leurs fucceffeurs, par lui ni par ses sujets, & de ne donner aide, fecours ni faveur à perfonne qui voudra entrepren dre de les molefter.

Que les Habitans & Sujets des Cantons de toute qualité.

pourront paffer & retourner avec tous leurs biens, équipages, armes & bagages par tout le Royaume fans aucun trouble, & y commercer, pourvu qu'à l'occafion de cet Accord il ne foit contrevenu à aucun point du Traité.

REGNE DE LOUIS XI

1470

Louis XI.

fix Cantons.

Louis XI. après avoir ratifié ce Traité avec les Ambaffadeurs des Cantons à Abbeville le 27. Novembre 1463. ne fut pas long-tems à s'appercevoir, que le projet qu'il avoit formé de s'opposer à la grande puiffance de Charles Duc de Bourgogne, demandoit au moins que les Suiffes n'y apportaffent point d'obstacle, quoiqu'il fût perfuadé qu'ils redoutoient eux-mêmes les forces d'un Prince voifin auffi ambitieux; ce fut dans ce deffein qu'il conclut en 1470. avec les fix Cantons de Zurich, Bern, Lucerne, Ury, Schwitz & Undervald un nouveau traite avec les Traité, où il eft dit nommément, que les deux Parties ne pourront point donner au Duc de Bourgogne, comme à l'ennemi commun des deux Etats, aucun aide ni fecours au préjudice Pune de l'autre.La politique de ce Roi fut d'engager infenfiblement cette Nation à ouvrir la guerre contre Charles de Bourgogne, pour abbaiffer fa puiflance, à quoi ce Traité fervit comme de préliminaire, quoiqu'il ne parût renfermer qu'un efprit de neutralité reciproque; mais le véritable deffein de Louis XI. fe manifefta bien-tôt après dans l'Alliance qu'il conclut le 10. Janvier 1474. avec les Cantons au nombre de dix, celui de Zurich s'étant joint depuis aux neuf premiers. C'est depuis cette Alliance que l'union entre les Parties commença à être plus étroite: ceux que les Cantons envoïerent en France pour figner ce Traité, furent Nicolas de Diesbach & Joft de Sil

14746

le Duc de Bour

gogne.

men, chargez des pouvoirs de la République.

Le Roi s'y oblige de donner aux Cantons aide, fecours & Alliance of défenfe dans toutes leurs guerres, & fpécialement contre le Duc fenfive contre de Bourgogne ; & eux de leur côté s'obligent reciproquement de l'affifter de Troupes qui feront à fes dépens, pourvû qu'ils ne foient pas eux-mêmes occupez à des guerres, & à la défense de leurs Etats; en confideration de cette Ligue défenfive & fecours mutuel, le Roy y regle la paje de chaque foldats à quatre florins &demi du Rhin par mois, & s'engage de plus de faire tenir d'avance dans l'une des Villes de Zurich, Bern ou Lucerne la paye d'un mois pour chaque foldat, dont la levée leur fera ac·cordée, & pour les deux autres mois fuivans, dans la Ville de Geneve ou autre à leur choix. Que ladite paye commencera du jour que leurs Troupes feront forties du Païs, & qu'elles joüiront de toutes les franchises, immunitez & privileges dont joüissent celles du Roi qu'en témoignage de fon amitié pour les Cantons, &dans l'efperance de l'utilité qu'il retirera de leur fecours, il fera délivrer tous les ans dans la Ville de Lyon la fomme de vingt mille livres à partager entre lefdits Cantons, y compris ceux de Fribourg & de Soleur. Et que lorfque les Cantons requereroient Sa Majefté de leur prêter fecours contre le Duc de Bourgogne en cas qu'Elle ne le puiffe faire à cause de fes propres guerres, Elle fera tenue de leur faire payer dans la même Ville, outre la Somme ci-deffus reglée, celle de vingt mille florins du Rhin par 'quartier, & à continuer ainfi pendant qu'ils feront occupez en guerre contre ce Prince à mains armées. Et au cas que les Cantons voulussent faire la paix avec le Duc de Bourgogne ou quelqu'autre, alors ils feroient obligez d'y comprendre les interêts du Roi comme les leurs, à quoi le Roi de fon côté s'engage recipro

quement.

Cette Alliance ainfi conclue, fervit aux Suiffes comme de fignal, pour leur faire entreprendre toutes les expedi

tions où ils ont eu tant de fuccès contre Charles le Hardy, & pour aider la France à fe défaire d'un ennemi fi redouté. Après s'être unis avec René Duc de Lorraine, & avec les Evêques de Bâle & de Strasbourg, ils fe trouverent en état d'attaquer un Prince puiffant & audacieux, qui avoit ofé pénétrer dans leur païs; ils livrerent la premiere bataille le 5. Avril 1476. à Grandcon fur le Lac du Neuchatel, où le Duc perdit avec une partie de fon Armée, tous fes équipages, & la valeur de trois millions. Le 20. Juin de la même année, après avoir réparé cette perte, & se croyant en état d'avoir fa revanche, il se préfenta de nouveau pour combattre les Suiffes dans les environs de Morat avec une Armée de cent mille hommes: il eut le même fort que la premiere fois. Le carnage fut fi grand qu'il en resta plus de trente mille Bourguignons fur le champ de bataille, toutes ces nombreuses Troupes furent mifes en déroute & le Duc fe vit obligé avec les débris de chercher une retraite jufques dans le fonds de fes Etats. Les Suiffes voulant profiter de l'avantage de fi prodigieux fuccès, malgré l'inégalité de leurs forces, employerent le refte de l'année à pourfuivre ce Prince fans relâche; & l'ayant forcé d'abandonner la Bourgogne, en le pouffant bien avant dans la Lorraine, ils lui livrerent le dernier combat le 5. Janvier 1477. dans les Plaines de Nancy, où Charles en perdant lui-même la vie avec ses forces diffipées, laiffa à cette Nation l'avantage d'avoir calmé la France, & délivré le Roy fon premier Allié d'un ennemi, qu'aucune Puiffance ne paroiffoit être capable de dompter,

De tels fecours donnez de la part d'une Nation nouvellement alliée, & au-deffus de toute attente, trouverent dans Louis XI. la reconnoiffance & les marques de

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