Imágenes de páginas
PDF
EPUB

prévaloir de l'absence du Roi, occupé à des affaires plus difficiles, qui regardoient fon propre Royaume, eussent eu affez de dexterité pour adoucir un reffentiment auquel ils avoient donné eux-mêmus occafion, & qu'ils euffent fçû prévenir un égarement, qu'on ne rappelle qu'avec peine, & dont les fuites furent fi funeftes.

varre gagnée

des Cantons en

1513.

L'animofité avec laquelle on combattit de part & d'au-Bataille de Notre, rendit pour quelque tems la victoire incertaine, mais par les Troupes les Troupes Suiffes étant parvenuës à pénetrer dans le centre, où commandoit Jacques Trivulce, il s'y mit un fi grand défordre que les deux aîles ne purent manquer d'être entamées à leur tour, tout plia à la fin & prit le parti de la retraite, après avoir laiffé dix mille morts fur le champ de bataille, vingt-cinq pieces de Canon, tous les bagages & les munitions de guerre; la perte qu'y firent les Troupes des Cantons fe monta à deux mille hommes, y compris les bleffez. Paul Jove, Guichardin & d'autres Hiftoriens, qui ont approché de ces tems-là, affurent que la conduite & la valeur que ces Troupes firent voir dans cette Journée, peuvent être comparées aux plus grandes expeditions des Grecs & des Legions Romaines. Rien ne réfifta depuis au torrent qui fuivit une Armée victorieufe; les Ducs de Savoye & de Montferrat, les Villes de Verceil, d'Aft, de S. Germain, de Saluz, & tous les Etats circonvoifins furent contraints d'acheter la Paix avec des fommes confiderables: Octavian Fregofe rentra dans Gênes à la tête de trois mille hommes, fous les ordres du Marquis de Pefcaire; & Profper Colonne ayant joint d'un autre côté, avec le fecours envoyé par le Viceroi de Naples, on réduifit dans peu la Ville de Milan à fuivre l'exemple des autres, & àrecevoir Maximilian Sforce pour fon legitime Souverain.

Les Cantons reçurent bien-tôt des lettres de félicitation de la part de Julles II. & de l'Empereur Maximilian au fujet de la Victoire remportée; ces deux Puissances contre lefquelles la Nation, fi elle fût rentrée dans fes maximes naturelles, devoit être le plus en garde, n'oublierent rien pour fomenter les troubles & profiter de l'agitation où les efprits s'étoient jettez : on en vit les effets dans le cours de la même année par le projet qui fut concerté, de faire irruption dans une des Provinces du Royaume; la Bourgogne, comme la plus à portée, en devint l'objet, une partie de leurs Troupes ayant quitté le Duché de Milan, où il n'y avoit plus rien à craindre, s'étant renduë dès la fin du mois d'Août dans le coeur de la Franche-Comté, où elles furent jointes par celles du Duc de Wirtemberg, que l'Empereur avoit fait marcher à cette expedition; on y ajoûta une nouvelle levée de feize mille hommes,que les Etats de la Republique fournirent de plus, chacun à proportion de fes forces, & l'on donna plein pouvoir aux Chefs nommez pour commander, d'accepter les conditions d'une Paix honorable, au cas qu'on la leur Expedition des offrêt pour les Pays dépendans de la France. Toute l'Armée, qui fe montoit à trente mille hommes, ayant penetré sans peine jusqu'à quelques journées de la Ville de Dijon, dont on avoit réfolu de former le fiege, ceux qui avoient le commandement convinrent de l'ordre qui feroit obfervé dans leurs Troupes ; celles de Bern, de Bâle, de Fribourg, de Soleur & de Schaffouse, furent destinées pour faire l'avantgarde, après quoi devoit marcher l'artillerie; le centre fut formé par ceux de Zurich, d'Appenzel, de S. Gall, de Baden, de la Turgovie & des Gri-, fons. Ceux de Lucerne, d'Ury, de Schwitz, d'Underwald, de Zug, de Glaris, avec les Valaisiens & autres

Suiffes contre la

Province de
Bourgogne.

1

Alliez-futent placez à l'Arrieregarde, avec cette condition que la primauté des rangs feroit alternative tous les jours de marche, tant pour prévenir la jaloufie du commandement, fi opposée aux entreprises militaires, que pour tenir les Troupes toûjours en haleine, & les accoûttumer à une fubordination plus étenduë.

Ce fut dans cette difpofition que la Ville de Dijon vit arriver à la vûë de fes remparts, l'Armée d'une Nation enflée de ses derniers fuccès, & qu'un retour de réflexion fur des Alliances mal entenduës, n'avoit point encore ramené à l'idée de fes veritables interêts. Le Duc de la Tremoüille Gouverneur de la Bourgogne, qui s'étoit jetté dans cette Ville avec les Troupes qu'il avoit ramaffées à la hâte, après avoir fait abbattre les Fauxbourgs pour dégager la Place, fe préparoit à en foûtenir le Siege; mais voyant en moins de quatre jours des bréches confiderables formées aux principaux endroits, & à la veille de foûtenir les affauts d'une Armée auffi déterminée, il crut devoir propofer aux Chefs un accommodement, auquel le Duc de Wirtemberg & les Deputez de l'Empereur, qui avoient fuivi cette expedition, s'oppoferent en vain: l'Accord fut figné le 14. Septembre, & l'on convint de part & d'autre des Articles fuivans.

Le Traité de Duc de la Tremouille ave les

Dijon fait par le

Troupes Suiffes

Que le Roi entreroit dans la Ligue de Julles II. & que les Villes, Châteaux, Pays & Habitans, appartenans à l'Etat de l'Eglife, feroient reftituez inceffamment. Que l'on comprendroit dans cet Article les Alliances & Unions que les Cantons en avoient avec l'Empereur & les Pays de la Maifon d'Autriche, confins de la France, de même que le Duc de Wirtemberg, les Terres & Sujets de fa domination. Que l'on remettroit entre les mains des Troupes des Cantons le Duché de Milan, Cremone & Aft avec leurs dépendances,& que le Roi,après avoir fait retirer

1513.

fans délai les Garnifons qu'il pouvoit encore avoir dans les Citadelles de Milan & de Cremone, renonceroit à toutes fes prétentions fur lefdits Pays. Que les Troupes Suiffes ne pourroient être employées ni foudoyées à la pourfuite des droits fur le Duché de Milan, fans le confentement de toute la République, ou de la plus grande partie des Cantons. Qu'en dédommagement de la prefente expedition, on payeroit aux Troupes la fomme de quatre cens mille écus, dont la moitié feroit délivrée dans la quinzaine, & l'autre au jour de la S. Martin prochain dans la Ville de Zurich: qu'outre cela il en feroit payé huit mille au Duc Ulric de Wirtemberg, & deux mille à la Nobleffe de fa fuite. Et qu'à l'égard du reftant des payemens dús par la France aux Troupes de la Nation, les Cantons feroient en droit d'en former la demande à laquelle on fatisferoit.

De Mezieres, Bailli de Dijon & neveu du Duc de la Tremoüille, fut donné en ôtage pour fervir de garantie à l'execution du Traité, avec quatre des plus notables Bourgeois de la Ville.

Après cette expedition, les Suiffes rentrerent dans leur Païs, & le Pape Jules étant venu à mourir fur ces entrefaites, il fembloit que les plus grandes difficultez fe trouvoient applanies, pour reconcilier enfemble les deux Nations, qui entraînoient dans leur querelle une partie des Etats de l'Europe. Leon X. qui fucceda au Pontificat avec des sentimens, en apparence plus pacifiques, offrit dès le commencement de l'année 1514. les foins de fa médiation, pour procurer la tranquillité à l'Italie, & il ne faut pas douter qu'il n'eût réussi dans son projet, fi les Cantons n'euffent trouvé dans l'inexecution du Traité de Dijon un nouveau motif de continuer la mefintelligence. De Mezieres, à qui la Ville de Zurich avoit été affignée pour prison, avec tous les égards dûs à un ôtage de

fa

fa naiffance & de fon caractere; laffé de faire cette fonction, avoit trouvé le moyen, en trompant la vigilance de ses gardes, de s'évader & de retourner en France où il n'en reçut aucun reproche. Les fommes promises par le Traité, n'avoient point été acquittées dans les termes convenus. Les amis fecrets, que le Roi s'étoit confervé dans la République, avoient travaillé fans relâche à lever du monde, qu'ils faifoient paffer dans fes Armées, contre le gré des Cantons; tous ces griefs leur parurent trop forts pour entendre à aucune propofition d'accommodement, que le Duc de Bourbon s'étoit chargé lui-même de procurer en fe rendant dans la Bourgogne, pour êtte plus à portée de la négociation. Le Duc de Savoye, qui avoit un égal interêt de se ménager de part & d'autre, voulut être de la partie, & prêta pour cet effet trois perfonnes de confideration de fes Etats, qui furent Caftellart, la Baftie, & Benvillar; leurs talens joints à la circonftance de fe trouver apparentez dans les Cantons, promettoient à ce Prince d'en faciliter le fuccès, mais rien ne fut encore capable de calmer les efprits aigris, & toutes les démarches de ces trois Députez devinrent inutiles.

On fe prépara bien-tôt à former des deux côtez de nouvelles entreprises, & il ne tint point aux autres Puiffances que la guerre ne devînt prefque generale en Europe à cette occafion. Leon X. renouvella pour cinq ans avec la République le Traité fait par fon Prédeceffeur. Les conditions de cet Accord fe trouverent encore plus avantageufes pour les Cantons, & il y fut ftipulé entr'autres, que les Villes de Parme & de Plaifance feroient remifes au Duc de Milan. Ce fut le Cardinal de Sion, que le Pape venoit de revêtir du caractere de Legat, qui termina cette affaire. Le Roi d'Angleterre pouffé par des mouvemens

« AnteriorContinuar »