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de l'inflammation ont difpartu. Les faits fuivans mettent cette doctrine en évidence: des hommes attaqués feulement de ce qu'on appelle une gonorrhée habituelle (GLEET) ou un chancre, qui eft fur la voie de la guérifon, donnent la maladie à des femmes qui font faines : & l'on obferve nombre de gonorrhées virulentes, fe manifefter fans le moindre figne ap parent d'inflammation.

L'inflammation chez les femmes eft fouvent très-légère, & quelquefois on n'en voit pas le moindre fymptôme; & cependant on en a vu donner l'infection à des hommes, même fans avoir eu elles-mêmes des fymptômes d'inflammation, ni de la maladie, fous aucune forme quelconque. C'eft pourquoi l'inflammation, & la fuppuration quand elles exiftent, ne font que des conféquences d'une modification particulière d'action; vu que l'activité avec laquelle elles agiffent, dépend plus de la nature de la conftitution du fujet, que de celle du virus dont il est infecté.

De même la formation du pus, quoique une fuite très - ordinaire de cette maladie, ne lui fuccède cependant pas toujours conftamment; car l'on voit quelquefois l'inflammation produite par le virus vénérien, ne point fe terminer par la fuppuration : nous foupçonnons qu'une telle inflammation approche beaucoup du caractère de l'inflammation éréfipelateufe. C'est le pus qui eft produit avec, ou fans inflammation, qui feul contient le virus, car le virus vénérien ne peut exifter fans la formation du pus. C'est pourquoi l'individu où l'on n'obfervera d'autres fymptômes qu'une irritation vénérienne fous quelque forme qu'elle fe préfente, fans écoulement quelconque, ne pourra communiquer la maladie à d'autres. Il faut donc, pour que la maladie fe communique, que l'action vénérienne ait d'abord eu lieu; que le pus fe forme enfuite, & qu'il ait été appliqué à une perfonne faine, ou à une partie de cet individu.

En effet, mille exemples démontrent chaque jour, que le pus feul peut propager cette maladie. Des hommes mariés contractent la maladie, & n'en ayant pas même le foupçon, ils cohabitent avec leurs femmes des femaines entières. A la première apparition des fymptômes ils ceffent haturellement de fe voir; cependant dans ces cas la pratique ne nous a jamais prouvé que la maladie ait été communiquée, excepté lorfqu'ayant fait peu d'attention aux fymptômes, l'habitation a continué d'être mutuelle long-temps après que l'écoulement avoit paru. Nous avons même quelquefois été, pour fauver les apparences, jufqu'à confeiller aux maris de cohabiter avec leurs femmes, ce qui a eu lieu impunément. Nous pourrions même aller en

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eore plus loin, en permettant à tout homme attaqué de gonorrhée, de voir des femmes faines, en prenaut foin toutefois de nettoyer les parties de la matière qui les abreuve, en injectant d'abord l'urèthre, en urinant enfuite, & en lavant le gland.

Le pus qui eft imprégné de ce virus, venant à toucher une partie vivante, y caufe une irritation, & l'inflammation en eft la fuite ordinaire. Il faut pour cela, ou qu'il foit appliqué dans un état de fluidité, ou qu'il foit rendu fluide par les humeurs de la partie, fur laquelle on l'applique; car il n'y a point d'exemple, que l'infection fe foit communiquée en forme de vapeur, comme il arrive à l'égard de plufieurs autres virus.

IV. De l'acrimonie plus ou moins grande du virus.

L'humeur vénérienne doit dans tous les cas être la même; car une quantité de cette matière ne peut pas avoir un plus grand dégré de vénénofité qu'une autre, & s'il y a quelque différence, elle ne confifte qu'en ce que cette matière eft plus ou moins délayée, mais il n'y en aura aucune dans fes effets. On pourroit cependant imaginer qu'elle peut être délayée au point qu'il ne lui refte plus de qualité irritante. Ainfi un Auide capable de ftimuler les nerfs guftatifs de la langue peut être délayé au point de perdre cette faculté. Mais fi le virus peut exciter, par fon irritation, l'action de la partie à laquelle il eft appliqué, il n'en faut pas davantage; l'action fera alors la même, quelque grande ou quelque petite que foit la quantité, & quelque forte ou quelque foible qu'en foit la diffolution.

L'expérience nous apprend qu'il n'y a point de différence dans la matière purulente, & que les différens dégrés de force qu'elle a, ne peuvent point opérer de variations dans la maladie; car il eft conftant que la même matière affecte très-différemment différentes perfonnes. Deux hommes ayant eu commerce avec la même femme, & gagné tous deux la même maladie, on verra chez l'un une gonorrhée virulente, ou un chancre, tandis que l'autre n'aura qu'une lé gère gonorrhée. J'ai vu le même homme donner la maladie à différentes femmes, dont les unes l'ont eue très-grave, & les autres très - légère. On peut appliquer au chancre le même raisonnement. Les variations des fymptômes, qu'on obferve chez différentes perfonnes, dépendent à la fois de la conftitution & de la difpofition préfente du malade au mo

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ment de l'infection. Ce qui arrive dans l'inoculation de la petite vérole, donne une force nouvelle à cette opinion. Que les fymptômes qui accompagnent la maladie chez la perfonne qui a fourni la matière varioleufe, foient bons ou mauvais ; que ce foit d'un malade qui a eu un grand nombre des puftules, ou d'un autre qui n'en a eu que peu, qu'on la prenne; que la petite vérole foit d'une espèce confluente ou diftincte; qu'on employe dans le procédé une grande ou une petite quantité de matière, l'effet fera toujours le même. Cette fingularité ne pouvoit être connue que par le grand nombre d'individus qui ont été innoculés dans ces différentes circonftances.

V. De l'identité de nature du virus dans le chancre, & la gonorrhée.

Plufieurs ont fuppofé que la gonorrhée & le chancre étoient l'effet de deux virus différens; cette opinion femble avoir quel que fondement, fi l'on ne confidère que les fignes des deux maladies & le traitement qu'on leur adminiftre, moyen unique que nous ayons dans beaucoup trop de cas, pour juger de la nature de beaucoup de maladies. Si cependant on examine cette queftion fous un autre point de vue, & fi on a recours à des expériences fur le réfultat defquelles on puiffe abfolument compter, on trouvera que cette affertion eft tout-à-fait erronée.

Si nous fuivons pas à pas la manière, dont le virus vénérien a été communiqué aux habitans des iffes de la mer du Sud, nous trouverons les circonftances propres à éclaircir cette queftion. Comme il n'eft fait mention d'aucune gonorrhée obfervée à Otaheity, on a cru que ce devoit être le chancre, qui, le premier, parut dans cette ifle, & qu'il n'y avoit que lui qui pût y être propagé, par la raison que la gonorrhée ne s'y étant point déclarée, il lui étoit impoffible de s'y manifefter. Mais fi nous avions à raifonner fur la probabilité de toutes les circonftances, qui accompagnèrent les voyages, qu'on a fait dans cette partie du monde, nous pourrions en conclure le contraire; car il eft prefque impoffible de porter un chancre pendant un fi long voyage, fans qu'il en résulte la deftruction de la verge; au lieu que nous favons par expérience, qu'une gonorrhée peut durer un trèslong espace de temps. On lit d'ailleurs dans le voyage du Capitaine Cook, que les habitans d'Otaheity, qui furent infectés de cette maladie, allèrent à la campagne, & s'en guérirent; mais qu'elle devint incurable, lorfqu'elle fe changea

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en vérolé, ce qui démontre, que la maladie, dont ils étoient attaqués, étoit une gonorrhée; car on fait qu'il n'y a que la gonorrhée, qui puifle être guérie par des moyens aufli fimples: de plus fi ç'eût été un chancre, & qu'ils euffent connu les moyens de le guérir, n'auroient-ils pas auffi pu guérir la

vérole?

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Le Capitaine Wallis partit de Plymouth en Août 1766; & arriva a Otaheity, en Juillet 1767, onze mois après fon embarquement; or, fi perfonne de l'équipage, lorsqu'il mit à la voile, n'avoit pas la maladie, il eft prefque impoffible, qu'aucun ait pu la contracter pendant le voyage. C'est un efpace de tems qui paroît trop long pour la durée d'une gonorrhée. Mais fuppofons même, que le Capitaine Wallis l'y ait apportée dans fon vaiffeau, & qu'un ou deux de ses matelots en fuffent attaqués; comme il y refta cinq femaines, il eft très poffible, & même très-probable, qu'ils auroient pu la communiquer promptement, & de manière à devenir la caufe de l'infection de tout l'équipage; mais comme cela n'est pas arrivé, il est à préfumer que le Capitaine Wallis ne l'y a point apportée.

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M. de Bougainville quitta la France en Décembre 1766, mais il mouilla à différens endroits, où quelqu'un de fes gens a pu avoir gagné la maladie; le dernier endroit où il s'artêta, fut Rio de la Plata, qu'il quitta en Novembre 1767, & arriva cinq mois après à Otaheity, en Avril 1768. Cet intervalle de tems s'accorde mieux avec la durée ordinaire de la maladie, que la longueur du voyage du Capitaine Wallis; c'eft pourquoi, d'après cette circonftance, il paroît plus probable que c'eft M. de Bougainville qui l'y a apportée. D'ail leurs, il eft vraisemblable, qu'il lui a été impoffible de garantir fes gens de la maladie vénérienne, auffi bien que Wallis; car celui-ci a eu la liberté de faire choix lui-même de fes matelots, précaution qui étoit fuffifante pour empêcher qu'il n'emportât la maladie avec lui, car il ne courroit plus rifque de la contracter dans la fuite. M. de Bougainville a eu à la vérité le même avantage d'abord, mais il n'a pas pu toujours le conferver, par la raison que fes gens fe font trouvés en différens endroits dans le cas d'être infectés & qu'il n'a pas été à portée de les changer, ni peut être de les faire guérir radicalement. M. de Bougainville a trouvé la maladie vénérienne à Otaheity, bientôt après fon arrivée; cette feule circonstance eft une espèce de preuve, qu'il l'y a apportée lui-même, car comme nous l'avons obfervé ci-deffus, fi c'étoit le Capitaine Wallis, qui en eût infecté les habitans au

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moyen d'un feul de fes gens, cet homme l'auroit dans trèspeu de jours rellement propagée, de manière a répandre l'in fection parmi tout l'équipage. Mais comme M. de Bougain ville eft arrivé dans cette ifle dix mois après Wallis, ce tems étoit plus que fuffifant pour que l'infection pût s'étendre à tous les habitans de l'ifle, & fes ravages fe manifefter à lui dès fon arrivée. M. de Bougainville ne demeura que neuf jours à l'ifle d'Otaheity, & il ne s'apperçut de rien que quelques fe maines après fon départ, qu'il a trouvé plufieurs de fes matelots infectés, ce qui vient probablement de ce qu'il y a apporté lui-même le virus au moyen de quelques-uns de fes gens. Le Capitaine Cook rapporte auffi, que les Otaheityens attribuoient l'introduction de la mala lie vénérienne à M. de Bougainville s'on ne peut pas foupçonner ce peuple, d'avoir par complaifance pour nos compatriotes, accufé M. de Bougainville, puifqu'ils devoient favoir fi c'étoit Wallis qui l'avoit apportée ou non, & que d'un autre côté ils n'avoient pas des rai fons de prendre le parti de ceux qui avoient accompagné ce dernier. Mais comme nous trouvons dans le dernier voyage du Capitaine Cook, que la maladie y févit maintenant fous toutes les formes, & comme nous n'avons pas de relations ultérieures, qui difent que la gonorrhée y a été introduite depuis, nous devons croire que chaque forme de la maladie vénérienne, s'y eft développée, d'après une feule racine, qui vraisemblablement étoit une gonorrhée.

S'il reftoit encore quelques doutes fur ce que ces deux maladies font de la même nature, ils fe diffiperont bientôt, fi l'on confidère, que la matière purulente produite dans l'une & dans l'autre a les mêmes caractères & les mêmes proprié tés. Ce qui le prouve, c'eft que la matière d'une gonorrhée peut produire ou la gonorrhée, ou le chancre, ou la vérole; & la matière d'un chancre peut auffi donner lieu à la gonorrhée, au chancre, ou à la vérole.

Le cas fuivant nous offre l'exemple d'une gonorrhée, qui a produit la vérole. Une perfonne a gagné deux fois la chaudepiffe, & en fut guéri chaque fois fans mercure. Environ deux mois après chaque gonorrhée, elle eut des fymptômes de la vérole. Ceux qui furent la fuite de la première infection, étoient des ulcères à la gorge, qui furent guéris par l'application externe du mercure; les fymptômes qui fe manifeftèrent après la seconde, toient des puttules à la peau, dont elle fut auffi guérie au moyen des frictions mercurielles. Nous n'avons que trop d'exemples des chancres qui produifent la vérole. Puifqu'il paroît, d'après ce que nous avons dit plus haut, que la gonor

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