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de pareils faits, on peut fuppofer avec fondement, qu'une pareille furface du corps n'eft pas fufceptible d'irritation par La propre matière, ni d'être irritée au-delà d'un certain tems. C'eft pourquoi, fi on continuoit d'appliquer une nouvelle matière vénérienne, à l'urèthre d'un homme qui a une gonorrhée, elle fe diffiperoit également auffi vite, que fi T'on n'y avoit point fait cette application, & fe guériroit auffi bien, que fi on et pris beaucoup de peine à nettoyer le canal de fa propre matière. Le même raifonnement peut fervir a l'égard des chancres.

Nous donnerons encore à cette idée, une plus grande extenfion, en foutenant que les parties deviennent moins fufceptibles de l'irritation vénérienne ; & que non-feulement une gonorrhée ne pourroit pas continuer par une application de fa matière ou d'une qui feroit nouvelle ; mais même qu'un homme ne peut pas gagner une nouvelle gonorrhée ou un chancre, s'il donne lieu à un nouveau contact de matière vénérienne fur les parties déja malades, quand la guérifon eft près de fa fin, ou du moins à des intervalles fuffifans, pour que les parties retiennent encore l'habitude de l'irritation vénérienne. Nous concevons en effet, que les parties, avec le temps, peuvent tellement s'habituer à cette impreffion, qu'elles y deviennent infenfibles; ainfi donc, par une application conftante, il ne fera plus permis aux parties d'oublier cette irritation, ou plutôt elles n'en perdront jamais l'habitude; c'eft pourquoi ce fupplément de matière nouvelle ne pourra pas les affecter, au point de renouveller' la maladie, fi ce n'eft quand elles auront repris leur état naturel & primitif; tems où elles feront. fufceptibles d'être affectées de nou

veau.

Cette opinion n'eft pas fondée feulement fur la théorie,

qu'aucune matière purulente, de quelque nature qu'elle foit, ne pouvoit jamais produire aucun effet für la partie d'où elle provenoit : comme je ne crois point que le pus d'un ulcère quelconque, faffe, ou puiffe faire aucun mal à cet ulcère; car les parties, qui forment cette matière, font de la même nature, & ne peuvent pas. être irritées par celle qu'elles ont produit, à moins qu'elle ne foit unie à des matières hétérogènes. La glande, qui forme le poifon de la vipère, & le canal, qui le conduit à la dent, ne font pas irrités par ce poifon & il paroîtroit d'après les expériences de l'Abbé Fontana, que la vipère ne peut pas être affectée par fon propre poison. Voyez le traité fur le vénin de la vipère, par M. F. Fontana, vol. 1, pag. 22. Si ce que je viens d'avancer eft vrai, il eft bien abfurde dans tous les cas, de nettoyer, ou laver la matière du pus, pour entretenir propres les parties qui fuppurent.

elle l'eft encore fur l'expérience & fur l'obfervation. On voit en effet des hommes immédiatement après avoir eu une gonorrhée, avoir de fréquens commerces avec des femmes publiques, même pendant des années entières, fans contracter une nouvelle maladie; pendant qu'une perfonne faine la contractera immédiatement, en fréquentant les mêmes femmes. Or fi le premier n'avoit plus été habitué depuis quelque tems à cette irritation, il lui auroit été auffi facile de la contracter que l'autre. Lorsque la difpofition du corps n'eft pas affez puiffante pour empêcher tout-à-fait les parties d'être infectées; elle y portera obftacle en partie : la preuve en eft, que beaucoup de perfonnes ont leurs premières gonorrhées très-violentes, & celles qui fuccèdent, deviennent généralement de plus en plus légères, jufqu'à ce qu'enfin le danger de l'infection s'évanouiffe prefque entièrement.

Les faits fuivans paroiffent expliquer ce que nous venons de dire un homme marié, qui n'avoit connu aucune autre femme que la fienne, pendant plufieurs années, coucha avec une ancienne maitreffe qui lui donna une violente gonorthée, tout en lui déclarant qu'elle ne favoit pas abfolument avoir le moindre mal. Tous les deux fe confièrent à mes foins; & pendant le cours du traitement, ils continuèrent leur commerce, que je leur avois permis fans aucune difficulté. L'homme guérit, & il étoit à fuppofer que la femme l'étoit auffi; ils continuèrent à cohabiter enfemble pendant plufieurs mois, fans que le malade fentît le moindre mal, & fans qu'il y eût le moindre foupçon d'un refte de maladie de la part de la femme. A la fin ils fe féparèrent, & la femme eut une autre inclination: elle n'eut pas plutôt formé cette liaifon, qu'elle donna une gonorrhée à fon nouvel amant: elle accourut à moi pour se faire guérir, & déclara qu'elle n'avoit eu d'autre commerce, qu'avec ces deux perfonnes ; que par conféquent ce devoit être la même maladie, dont je venois de la foigner. Le favorifé n'étoit pas de mes malades. Je donnai à la femme des médicaments, qu'elle négligea de prendre. L'amant continua fon commerce, comme le premier avoit fait; il guérit après plufieurs mois, fans avoir reçu d'elle aucune nouvelle maladie; mais malheureusement, fon premier amoureux revint environ un an après, & fe croyant en fûreté, puifqu'elle vivoit tranquillement avec le fecond, il eut de nouveau, commerce avec elle une feule fois, & la gonorrhée ne manqua pas d'en être fa

fuite.

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t- elle eu la gonorrhée tout ce tems-là ?

Quelle raison y avoit - il pour que les perfonnes euffent été exemptes de la maladie; fi ce n'eft de ce que leur liaison avoit été difcontinuée pendant quelque tems: n'étoit-ce pas un effet de l'habitude, qui avoit fait perdre aux parties la fufceptibilité de cette irritation?

Le cas d'une jeune femme de l'hopital de la Magdelaine (1), en eft une preuve bien frappante, autant qu'un fait peut être prouvé par les circonftances. Elle fut admife dans cette maifon, & y refta le tems ordinaire, qui eft de deux années. Au moment qu'elle fortit, elle fut enlevée par quelqu'un, qui l'attendoit avec une chaife de pofte; & bientôt elle ne tarda point à lui donner une gonorrhée.

L'opinion dans laquelle nous fommes, que les parties étant habituées à l'irritation vénérienne, en font à peine affectées, reçoit une nouvelle confirmation, quand on obferve, que dans la gonorrhée, les fymptômes violents ceffent fouvent, & que la maladie continue encore un tems confidérable, fans préfenter d'autre fymptôme, qu'un écoulement, qui néanmoins eft de nature vénérienne, comme nous l'avons vu arriver fouvent : nous rapporterons le précis d'un cas fingulier, de cette espèce.

Un homme eut commerce avec une femme publique, qui lui donna une gonorrhée virulente, au commencement d'Avril 1780. Il eut d'abord peine à croire qu'elle fût vénérienne, ayant tenu cette femme à la campagne, & ne l'ayant prefque jamais perdue de vue; mais les violentes douleurs, qu'il éprouvoit en urinant, l'écoulement confidérable, la cordée, & l'enflure de l'un des tefticules, le convainquirent qu'elle étoit telle. Pendant que la cure alloit paffablement bien, & que l'enflure du tefticule diminuoit, l'autre commença à s'enfler; cependant tous les fymptômes difparurent graduellement, excepté la cordée, l'induration de l'épydidime, & un petit écoulement vifqueux. Le 12 Juin il alla à la campagne; pendant qu'il y étoit, la cordée & l'induration de l'épydidime difparurent entièrement 5

(1) Cet hopital eft une retraite pour les filles de joie, lorsqu'elles veulent renoncer à leur métier. On les y garde pendant qu'elles fe comportent bien, & fe conforment aux loix de l'inftitution: l'on y tâche de corriger leurs mœurs, & les Adminiftrateurs les placent chez des particuliers, comme fervantes, &c., lorfqu'elles paroiffent bien réformées, mais il arrive souvent, que ces malheureufes, après y avoir refté un peu de tems, retournent à leur ancienne manière de vivre. Cette fondation fut inftituée par souscriptions volontaires, en 1758.

cependant il reftoit un écoulement vifqueux, quoique trèsléger. Le premier Septembre il époufa une jeune demoiselle, & en la voyant il éprouva une grande difficulté, qui rappella la cordée, & augmenta l'écoulement. Le 10, fa femme commença à fe plaindre de chaleur, de douleur, de fréquence, & de difficulté d'uriner, & les efforts qu'elle faifoit en urinant, faifoient fortir de la matière; elle avoit outre cela une douleur à la région de la veffie & autour des reins, & en s'affeyant, elle éprouvoit une une grande incommodité aux parties naturelles. Ces fymptômes avoient été précédés par une démangaifon autour de l'orifice du vagin

Environ huit jours après qu'ils eurent pris des pillules mercurielles, & frotté les parties avec l'onguent mercuriel, la violence des fymptômes diminua, & je leur permis alors de coucher enfemble; mais la nouvelle mariée fouffroit des douleurs exceffives aux approches de fon mari. Je fis laver les parties avec une folution de fublimé corrofif, & de fucre de faturne, & les fis oindre d'onguent mercuriel; en continuant ces remèdes pendant quelque tems la douleur difparut. Le mari fut traité fuivant les règles de la Médecine, & par la fuite tout alla bien.

Voila donc une gonorhée virulente, qui avoit été gagnée au commencement d'Avril; & dont tous les fymptômes étoient difparus le premier de Juin, à l'exception de quelques fuites, tels que la cordée, l'induration de l'épydidime, & le petit écoulement vifqueux, qui ne fe faifoit ap percevoir que le matin. En peu de temps, la cordée, l'induration de l'épydidime, avoient difparu entièrement : il ne reftoit que le petit écoulement vifqueux du matin, & cependant trois mois après, la perfonne communiqua la maladie à fa femme.

Je fus confulté pour le cas fuivant, par un Chirurgien qui traitoit le malade. Le 13 Juillet 1783, un homme eut commerce avec une femme publique; le 30, c'est-à-dire, dix-fept jours après, il fe manifefta une gonorrhée violente. Il prit des pillules mercurielles, & des légers purgatifs; en douze jours de temps la violence des fymptômes diminua, & l'écoulement étoit arrêté environ le 7 Septembre. Le 9 il commença à reparoître; mais il ne dura que peu de jours il difparoiffoit & reparoiffoit ainfi quelquefois tous les deux jours, & fouvent tous les fix ou fept jours. Le 28 Septembre il vit fa femme, tandis qu'il avoit un lé

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ger écoulement. Le 9 Octobre, il la vir encore, & trois jours après elle fe plaignit d'une ardeur d'urine, accompagnée d'un écoulement, & de différens fymptômes de gonorrhée. Vers la fin d'Octobre ces fymptômes étoient prefque ceffés; il n'en reftoit plus que quelques uns qui difparurent, & reparurent alternativement jufqu'en Janvier 1784, que fon man la revit encore pour effayer fi elle la lui communiqueroit, c'est-à-dire, trois mois après la feconde fois qu'il l'avoit déja vue ; & quinze jours après il eut tous les fymptômes de la gonorrhée. Le 29 Avril il ne fe portoit pas bien, ayant un écoulement accompagné de douleur au périnée; la femme avoit auffi un écoulement. Si cette dernière attaque, que le mari effuia en Janvier 1784, étoit une gonorrhée, fa femme devoit conféquemment l'avoir eue; il faut auffi par la même raifon, que l'homme eût ceffé de l'avoir dans cet intervalle, entre le ༡ Octobre 178;, & le mois de Janvier 1784; car s'il l'eût eu alors, la gonorrhée n'auroit produit aucun effet fur lui. Il étoit impoffible de dire s'ils étoient alors infec

tés ou non, car quelque effai qu'ils cuffent pu faire fur eux-mêmes, cela n'auroit pas pu prouver grand chofe, à moins que l'un des deux feulement n'eût eu la gonorrhée, de manière à pouvoir infecter l'autre; mais s'ils l'euffent eu tous les deux, il ne pouvoit arriver aucun changement ni à l'un ni à l'autre; comme on ne pouvoit pas affurer, s'ils avoient cette maladie, ou non, & qu'il y avoit dans chacun des fymptômes qui la faifoient foupçonner. En raffemblant toutes ces circonstances, nous opinâmes le Chirur gien & moi, qu'il étoit beaucoup plus prudent de les traiter comme s'ils avoient tous les deux la gonorrhée.

S'il eft vrai, comme on lit dans l'hiftoire des voyages autour du monde, que la maladie vénérienne ait été portée dans l'ifle d'Otaheity, c'eft une preuve qu'elle peut demeurer long-temps dans le corps humain, après qu'on en a perdu jufqu'à la moindre idée de fon exiftence; & quand elle y demeure pendant fi long-temps, c'eft le plus probablement fous la forme de gonorrhée.

De la même manière, un bubon vénérien, s'il pouvoit être confervé pendant un espace de temps confidérable, entre le point de la fuppuration & celui de la réfolution deviendroit indolent dans ce point de fufpenfion, & refteroit peut être prefque incurable; j'ai vu, fije ne me trompe, un pareil cas.

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