rompue, il perdit tant de fang qu'il fut prêt d'expirer. On avoit beau couper les chairs, ce mal incurable gagnoit de proche en proche ; & après avoir dévoré toutes les parties externes, il pénétra dans les entrailles & y engendra des vers, qui fortoient comme d'une fource intariffable. Son lit fembloit être l'échaffaut d'un criminel: fes cris effroyables, l'odeur infecte qu'il exhaloit, la vûe de ce cadavre vivant, tout infpiroit l'horreur. Il avoit perdu la figure humaine: toute la maffe de fon corps venant à fe corrompre & à fe diffoudre, la partie fupérieure reftoit décharnée; ce n'étoit qu'un fquélette pâle & defféché ; l'inférieure étoit enflée comme un outre ; on n'y distinguoit plus la forme des jambes ni des pieds. Ily avoit un an entier qu'il étoit en proye à ces horribles tourmens: n'efpérant plus rien de fes médecins, il eut recours à fes dieux; il implora l'affiftance d'Apollon & d'Efculape ; & comme les victimes fe trouvoient auffi impuiffantes que les remedes employ és jufqu'alors, il fe fit amener par force tout ce qu'il y avoit de médecins reCONSTAN- nommés dans fon empire; & se vengeant fur eux de l'excès de fes douAN. 310. leurs, il faifoit égorger les uns, parce TIN. ་ que ne pouvant supporter l'infection, ils n'ofoient approcher de fon lit; les autres, parce qu'après bien des foins & des peines, ils ne lui procuroient aucun foulagement. Un de ces infortunés qu'il alloit faire maffacrer, devenu hardi par le défefpoir: « Prince, » s'écria-t-il, vous vous abusez, fi » vous efpérez que les hommes guériffent une playe dont Dieu vous a frappé lui-même : cette maladie ne » vient pas d'une cause humaine; elle n'eft point fujette aux loix de notre art; fouvenez-vous des maux que vous avez faits aux ferviteurs de » Dieu, & de la guerre que vous » avez déclarée à une religion di vine, & vous fentirez à qui vous » devez demander des remedės. Je puis bien mourir avec mes fembla»bles, mais aucun de mes femblables » ne pourra vous guérir. ກ Ces paroles pénétrerent le cœur An. 311, de Galere, mais fans le changer. Au tiens. TIN. LX. lieu de fe condamner lui-même, de confeffer le Dieu qu'il avoit perfécuté CONSTAN dans fes ferviteurs, & de défarmer fa colere en fe foumettant à fa juftice, il An. 311. le regarda comme un ennemi puiffant Edit de Ga& cruel avec qui il falloit compofer. lere en faveur Dans les nouveaux accès de fes dou- des Chréleurs, il s'écrioit qu'il étoit prêt à Lact. c. 33» rebâtir les églifes, & à fatisfaire le 34 Dieu des Chrétiens. Enfin plongé Euf. Hift. L dans les noires vapeurs d'un affreux repentir, il fait affembler autour de fon lit les grands de fa cour; il leur ordonne de faire fans délai ceffer la perfécution, & dicte en même tems un édit dont Lactance nous a confervé l'original: en voici la traduction. >> Entre les autres difpofitions dont nous fommes fans ceffe occupés pour » l'intérêt de l'Etat, nous nous étions propofé de réformer tous les abus contraires aux loix & à la difcipline Romaine, & de ramener à la > raifon les Chrétiens qui ont aban¬ donné les ufages de leurs peres. Nous étions affligés de les voir » comme de concert tellement emportés par leur caprice & leur folie, qu'au lieu de fuivre les pratiques CONSTAN- anciennes, établies peut-être par TIN. leurs ancêtres mêmes, ils fe faifoient An. 311. des loix à leur fantaifie, & fédui » foient les peuples en formant des aux Magiftrats par une autre lettre la conduite qu'ils doivent tenir. CONSTAN En reconnoiffance de cette indul TIN. »gence que nous avons pour les An. 31 » Chrétiens, il fera de leur devoir de prier leur Dieu pour notre confer»vation, pour le falut de l'état, & » pour le leur, afin que l'empire foit de toute part en fureté, & qu'ils puiffent eux-mêmes vivre fans péril » & fans crainte. » 8. C. 17. II. Cet édit bifarre & contradictoire, plus capable d'irriter Dieu que de Mort de Gas l'appaifer, fut publié dans l'empire, Lat. c 35. & affiché le dernier d'Avril de l'an Euf. Hift. 311 à Nicomédie, où la perfécution Hift. Misc.l. s'étoit ouverte huit ans auparavant Aurel. Vict, par la deftruction de la grande église. Quinze jours après on y apprit la mort de ce prince. Il avoit enfin expiré à Sardique après un fupplice d'un an & demi, ayant été Céfar treize ans & deux mois, Augufte fix ans & quelques jours. Licinius reçut fes derniers foupirs, & Galere en mourant lui recommanda fa femme Valérie & Candidien fon fils naturel, dont nous raconterons dans la fuite les tristes |