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stabilité de sa structure, mais qu'on

ne répare plus, & que des mains Introduction. étrangeres démoliffent peu à peu & détruisent à la longue, pour profiter de ses ruines.

Il est vrai que les fiécles antérieurs préfentent une fcène plus vive & plus brillante. On y voit des actions plus héroïques, & des crimes plus éclatans : les vertus & les vices étoient des effets ou des excès de vigueur & de force. Ici les uns & les autres portent un caractère de foibleffe: la politique eft plus timide; les intrigues de Cour fuccedent à l'audace; le courage militaire n'eft plus dirigé par la difcipline; les Romains de ces derniers tems ne fongent qu'à fe défendre, quand leurs ancêtres ofoient attaquer; la fcélérateffe devient moins entreprenante, mais plus fombre; la haine & l'ambition employent le poifon plus fouvent que le fer; cet efprit général, cette ame de l'Etat, qu'on appelloit amour de la Patrie, & qui en tenoit toutes les parties liées enfemble, s'anéantit & fait place à l'intérêt per

fonnel; tout fe défunit, & les Barba Introduction. res pénétrent jufque dans le cœur de l'Empire.

Ces objets, quoique plus obfcurs, n'en méritent pas moins l'attention d'un Lecteur judicieux. L'Hiftoire de la décadence de l'Empire Romain eft la meilleure école des Etats, qui parvenus à un haut dégré de puiffance, n'ont plus à combattre que les vices qui peuvent altérer leur conftitution. Il a fallu pour le détruire, toutes les maladies dont une feule peut renverfer des Gouvernemens moins folidement affermis.

Un tableau fi fombre fera pourtant éclairé par des traits de lumiere. Lors même que toute vertu paroîtra éteinte, & que tout l'Empire femblera fans action & fans ame, on verra quelquefois, pour ainfi dire, du milieu de ces tombeaux s'élever des héros; & ce qui pourra encore entretenir la curiofité des Lecteurs, & donner quelque chaleur à cette Hiftoire, c'eft qu'ils verront de tems en tems fortir des ruines de l'Empire de puiffans Etats, dont les uns font aujour

d'hui déja détruits, & les autres fubfiftent encore avec gloire, quoiqu'ils Introduction. n'occupent qu'une petite portion de la vafte étendue que rempliffoit la domination Romaine.

Le regne de Conftantin eft une époque fameufe. La Religion Chrétienne arrachée des mains des bourreaux, pour être revêtue de la pourpre impériale, & le fiége des Céfars transferé de Rome à Byzance, donnent à l'Empire une face toute nouvelle. Mais avant que de raconter ces grands événemens, je dois expofer quel étoit alors l'état des affai

res.

Depuis la bataille d'Actium, qui fixa la fouveraineté fur la tête d'Augufte, jufqu'au regne de Dioclétien, dans l'efpace de trois cens quatorze ans, Rome avoit vû une fuite de trente-neuf Empereurs. Plufieurs de ces Princes ne firent que paroître, &: ne regnerent que le tems qu'il fallut à leurs rivaux, pour monter en leur place, & leur enlever la couronne & la vie. La fucceffion n'ayant point été reglée par une Loi expreffe & for

damentale, chaque Prince s'efforçoit

Introduction. de rendre l'Empire héréditaire dans fa famille : l'autorité de ceux qui mouroient paisiblement, leur furvivoit & paffoit à leurs enfans, ou à ceux qu'ils avoient adoptés. Mais dans les révolutions violentes, le Sénat & les Ar.. mées prétendoient au droit d'élection ; & les Armes qui parlent plus haut que les Loix, lors même que celles-ci s'expliquent clairement, décidoient toujours. L'approbation du Sénat n'étoit qu'une formalité, qui ne manquoit jamais à ceux à qui la fupériorité des forces donnoit un titre redoutable.

Ce fut par le fuffrage des foldats; qu'après la mort de Carus & de fon fils Numérien, Dioclétien fut élevé à l'Empire, l'an de J. C. 284. C'étoit un Dalmate né dans l'obfcurité; mais qui s'étant formé au métier de la guerre fous Aurélien & fous Probus, étoit parvenu aux premiers emplois. Grand homme d'Etat & grand Capitaine; intrépide dans les combats, mais timide dans les confeils par un excès de circonfpection & de prudence;

d'un génie étendu, pénétrant, prompt

à trouver des expédiens, & habile à Introduction. les mettre en œuvre; doux par tempérament, cruel par politique, & quelquefois par foibleffe; avare & aimant le fafte; raviffant le bien d'autrui pour fournir à fon luxe, fans diminuer fes tréfors; adroit à déguifer fes vices & à rejetter fur les autres tout ce qu'il faifoit d'odieux; & ce qui marque davantage fon habileté, c'eft qu'ayant communiqué fa puiffance à Maximien & à Galere, qui, féroces & audacieux, fembloient être de caractère à ne refpecter perfonne, il demeura le maître du premier après en avoir fait fon collegue, & fçut long-tems tenir l'autre dans une jufte fubordination.

Auffi-tôt que par la défaite & par la mort de Carin 1 vit fa puiffance affermie, il porta fes regards fur toutes les partiès de ce vafte domaine. L'Empire avoit alors à peu près les mêmes limites dans lesquelles Augufte avoit voulu le renfermer. Il s'étendoit d'Occident en Orient depuis l'Ocean Atlantique jufqu'aux

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