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CONSTAN

TIN.

loit la plante des pieds, jusqu'à ce que la peau fe détachât des os; on An. 306. appliquoit enfuite fur toutes les parties de leur corps des flambeaux qu'on venoit d'éteindre ; & pour prolonger leurs fouffrances avec leur vie, on leur rafraîchiffoit de tems en tems d'eau froide la bouche.& le visage; ce n'étoit qu'après de longues douleurs, que toute leur chair étant rotie, le feu pénétroit jufqu'aux entrailles, & jufqu'aux fources de la vie. Alors on achevoit de bruler ces corps déja prefque confumés, & on en jettoit les cendres dans un fleuve ou dans la

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mer.

Le fang des Chrétiens ne fit qu'irContre les riter la foif de Galere. Bientôt il n'éLayens mê. pargna pas les Payens mêmes. Il net connoiffoit point de dégré dans les punitions: reléguer, mettre en prifon, condamner aux mines, étoient des peines hors d'ufage: il ne parloit que de feux, de croix, de bêtes féroces: c'étoit à coups de lance qu'il châtioit ceux qui formoient fa maifon : il falloit aux Sénateurs d'anciens fervices & des titres bien favorables, pour

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An. 306

obtenir la grace d'avoir la tête tranchée. Alors tous les talens, qui déja CONSTAN fort affoiblis refpiroient encore, furent entiérement étouffés: on bannit, on fit mourir les Avocats & les Jurifconfultes ; les Lettres pafferent pour des fecrets dangereux, & les fçavans pour des ennemis de l'Etat. Le Tyran faifant taire toutes les loix, fe permit de tout faire, & donna la même licence aux juges qu'il envoyoit dans les provinces: c'étoient des gens qui ne connoiffoient que la guerre, fans étude & fans principes adorateurs aveugles du defpotifme, dont ils étoient les inftrumens.

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XXI.

Rigueur des

Mais ce qui porta dans les provinces une défolation univerfelle, impofitions. ce fut le dénombrement qu'il fit faire de tous les habitans de fes Etats, & l'eftimation de toutes les fortunes. Les Commiffaires répandoient partout, la même inquiétude & le même effroi que des ennemis auroient pu caufer; & l'Empire de Galere d'une extrémité à l'autre ne fembloit plus être peuplé que de captifs. On mefuroit les campagnes

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An. 306.

on comptoit les feps de vignes, les CONSTAN- arbres, & pour ainfi dire, les mottes de terre; on faifoit registre des hommes & des animaux; la néceffité des déclarations rempliffoit les villes d'une multitude de payfans & d'efclaves; les peres y traînoient leurs enfans. La justice d'une impofition proportionnelle auroit rendu ces contraintes excufables, fi l'humanité les eut adou. cies, & fi les impofitions en ellesmêmes euffent été tolérables; mais tout retentiffoit de coups de fouets & de gémiffemens; on mettoit les enfans, les efclaves, les femmes à la torture, pour vérifier les déclarations des pe

des maîtres, des maris: on tourmentoit les poffeffeurs eux-mêmes, & on les forçoit, par la douleur, de déclarer plus qu'ils ne poffédoient: la vieillefe ni la maladie ne difpenfoient perfonne de fe rendre au lieu ordonné; on fixoit arbitrairement l'âge de chacun; & comme, felon les loix, l'obligation de payer la capitation devoit commencer & finir à un certain âge, on ajoutoit des années aux enfans & on en ôtoit aux

Vieillards. Les premiers Commiffaires avoient travaillé à fatisfaire l'avi- CONSTAN dité du Prince par les rigueurs les

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plus outrées : cependant Galere, pour An. 306. preffer encore davantage fes malheureux fujets, en envoya d'autres, à plufieurs reprises, faire de nouvelles recherches; & les derniers venus,pour enchérir fur leurs prédéceffeurs, furchargeoient à leur fantaisie, & ajoutoient à leur rolle beaucoup plus qu'ils ne trouvoient ni dans les biens ni dans le nombre des habitans. Cependant les animaux périffoient, les hommes mouroient; & après la mort on les faifoitre vivre fur les rolles, on exigeoit encore la taxe des uns & des autres. Il ne reftoit d'exemts que les mendians: leur indigence les fauvoit de l'impofition, mais non pas de la barbarie de Galere; on les raffembla par fon ordre au bord de la mer, & on les jetta dans des barques qu'on fit couler à fonds.

XXII Les crimes

Telle eft l'idée qu'un Auteur contemporain, très inftruit & très digne de fes Offide foi, nous a laiffé du gouverne- ciers doivent ment de Galere. Quelque méchant lui être im que fût ce Prince, une partie de ces

putés.

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An, 306.

vexations doit fans doute être imputeo

CONSTAN-à fes Officiers. Mais telle eft la condition de ceux qui gouvernent; ils prennent fur leur compte les injuftices de ceux qu'ils employent: ce font les crimes de leurs mains. Les noms de ces: hommes obfcurs périffent avec eux; mais leurs iniquités furvivent & reftent attachées au fupérieur, dont le portrait fe compofe en grande partie des vertus & des vices de ceux qui ont agi fous fes ordres.

XXII
Il refufe à

Galere étoit occupé de ces rapines Conftantin le & de ces violences, quand il apprit titre d'Au- la mort de Conftance: bientôt après gufte, & le donne à Se- on lui préfenta l'image de Conftantin couronnée de laurier. Le nouvel Em

vere.

Till, art. 3.

Lact. c. 25. pereur la lui envoyoit, felon la coutume, pour lui notifier fon avenement à l'Empire. Il balança long-tems s'il la recevroit: fon premier mouvement fut de la jetter au feu avec celui qui l'avoit apportée; mais on lui repréfenta ce qu'il avoit à craindre de fes propres foldats, déja mécontens du choix des deux Céfars, & tout difpofés à fe déclarer pour Conftanzin, qui viendroit fans doute lui arra

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