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beaux qu'ils étoient comparables à tous ceux des Anciens. Il ajoûte Chrétien.. que Chrétien avoit l'ame fi noble & fi élevée, qu'il étoit incapable de rien écrire par une complaifance baffe & fervile, & contre fon propre fentiment comme font plufieurs, dont la plume femble être vénale. Eloge qui ne quadre pas entierement avec les reproches que lui fait Scaliger son ami, aussi bien que Mr de Thou, de n'avoir pas mené une vie irréprochable.

Mr de Sainte-Marthe & le même Mr de Thou avouent qu'il étoit un peu mordant & fatirique, mais que fes traits n'étoient jamais envenimés (1), jamais fes pointes n'étoient acérées, quoiqu'elle fûffent d'une trempe très-fine & très-délicate (2); de forte que ceux même contre lefquels il avoit écrit le plus vivement, ne laifferent pas de rechercher son amitié, & que de fon côté il se raccommodoit trèsfacilement avec eux, comme on l'a vû au fujet de Ronfard & de Mr de Pibrac, auquel il voulut laiffer des marques de fon eftime & de fes refpects, en traduifant fes Quatrains moraux en vers Grecs & Latins.

Sainte-Marthe loue beaucoup le ftyle & le tour des vers de cette Traduction, & il dit que c'est le ftyle des Anciens mêmes. Néan⚫.moins Scaliger trouve mauvais (3) qu'il ait fait cette Traduction en vers lambes, vû que le ftyle eft comme de vers héroïques. Il devroit être, dit-il, du genre que les Grammairiens appellent xxxor c'est-à-dire en devis familiers, comme le marque Ariftote dans fon Art Poëtique.

Au reste ce fens droit, ce jugement exquis, & cet air éloquent que Cafaubon (4) & les autres Critiques ont reconnus dans Chrétien ne fe trouvent pas moins dans fes vers que dans fa profe.

*

Vidi Fabri Pibracii Tetrarticha, Grecis & Latinis verfibus expreffa, Auth. Florente Chriftiano in-4° Parif. 1584.

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BENITEZ ARIAS MONTANO,

De Seville, natif de Frexenal, ou Frechenal de la Sierra, Poëto Latin, mort en 1598. ( quoique D. Nic. Ant. mette fa mort en 1611.) au mois de Juin, âgé de près de 80. ans

1353

Uoique la Poëfie ne fût peut-être pas fon principal talent, il ne laiffa pas de s'en tirer avec honneur jusqu'à meriter la couronne de Poëte, qui lui fut donnée à Alcala de Henarez avec toutes les cérémonies & les folemnités établies pour cet effet (1).

Il a mis en vers Latins; 1 les Pfeaumes de David; z les Monumens du falut de l'homme ; 3 le Miroir de la Vie & de la Paffion de Jelus-Chrift ; 4 les Hymnes,& les Siécles ou Poëmes facrés en quatre tomes; 5 & même une Rhétorique qui comprend quatre livres auffi en vers; 6 il a fait encore l'Eccléfiafte de Salomon ; 7. & des Hymnes facrées.

Pierre de Valence & Antoine Poffevin difent (2) qu'il s'eft plus étudié à l'utile qu'à l'agréable dans ces Poëfies ; qu'il a ajouté aux ornemens de la Poëfie les termes de chaque, Profeffion ou difcipline dans leur fignification propre & figurée; qu'on n'y trouve point tout cet attirail de fictions & de contes forgés à plaifir; mais toutes chofes folides & pleines d'un grand fens. De forte que tous les difcours ne font que fentences, que définitions, que divifions, que raifonnemens. En un mot que c'est un artifice continuel dans tous fes vers. * Benedicti Arie Montani Pfalmi Davidis carmine Latino cum elucidationibus in-8° Antuerp. 1673. Ejufdem Hymni & secula in-8° Antuerp. 1 593. — Ibidem liber Ecclefiaftes,Carmine. — Di&tatum Chriftianum. in-8° Antuerp. 1575.

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lib. 17, Biblioth. Selectæ cap. 29. pag, 4548 edit. Colon.

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JEAN BAPTISTE LALLI,

De Norfia en Ombrie, Poëte Burlefque Italien, mort vers. le commencement de notre fiécle, âgé de 64. ans.

1354

CE

Et Auteur étoit Jurifconfulte de fa Profeffion, mais comme il avoit le naturel enjoué & plaifant, il voulut fe divertir à tourner en vers Burlesques les Eglogues & l'Enéïde de Virgile. It en fit autant de la Jérusalem ruinée de l'Anti-Taffe. Le Vittorio Roffi témoigne que l'Italie n'avoit encore vû rien de pareil dans ce genre d'écrire, que le caractére bouffon y est très-naturel, qu'il y a fort bien obfervé le naïf & le ridicule, & qu'il y a mis un fel qui rend la facétie & la plaifanterie de bon goût (1).

Antoine Bruno écrivant à Jean François Loredano Senateur Venitien (2), lui fait de grands éloges de l'Enéïde travestie de Lalli ; & il lui marque que cet Ouvrage a eu un fort fort différent de celui des piéces Burlesques ordinaires qui ne manque jamais de tomber dans le mépris, dès que leur nouveauté eft paffée, au lieu que cet Ouvrage a des graces, & je ne fai quelle folidité intérieure qui le foutiendra long-tems.

. Mr Naudé prétend que c'est l'Enéïde travestie de Lalli qui a donné occafion à Mr Scarron d'en faire autant en notre Langue, & de le prendre même pour fon modéle (3).

Au reste Lalli étoit né Poëte. Il avoit fait dans fa premiére jeuneffe un Poëme Italien fur Saint Eustache Martyr, & des Poëfies Latines au Duc de Ferrare. Il étoit porté aux vers avec tant d'impétuofité, qu'il ne lui étoit fouvent pas poffible de fe retenir ; & ce fut en vain que fon Oncle qui lui tenoit lieu de Pere, voulut l'appliquer à l'étude du Droit pour le détourner de la Poëfie. Car bien qu'il ait toujours porté par confidération la qualité de Jurifconfulte,& qu'il ait compofé même Le Verger des Matiéres Praticables en l'un & l'autre Droit, on peut dire qu'il n'y a point réüffi comme dans les vers, & l'on remarque affés dans fon mauvais ftyle & fa mauvaise méthode

1 Janus Nicius Erythr. Pinacothec. part. . num. 73. pag. 130. 131.

2 Ap. Leonem Allatiam in Apibus Ur

banis pag. 248. ubi de Torquato Perotto. 3 Mafcurat ou Jugement des Ecrits cow. tre Mazarin pag. 216.

que fon naturel étoit forcé dans cette Profeffion (1).

* Gio. Battifla Lalli, Eneide traveftita, in-12. Roma & Maurato 1651. 1625. — Il Tito, overo la Gierufalemme defolata - Mofcheide overo Domiziano Mofchicida, Poëma - Franceïde, overo del mal Francefe Poema giocofo in-8°. Venet. 1629.

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I. Baillet dit que Lalli mourut vers le commencement du 17. fiécle, ce qui en bon François fignifie que ce fut fur la fin du 16. La vérité cependant eft qu'il mourut le 3. Février 1637.fuivant le temoignage de Louis Jacobilli dans fa Bibliothéque d'Ombrie.

II. Il oublie de compter parmi les compofitions burlesques du Lalli, fa Mofchéide, ou défaite des mouches par Domitien, & fa Francéïde, c'eft-à-dire fon poëme de la Vérole, appellée en Italie mal François.

III. En récompenfe il dit que Lalli tourna en vers burlesques la Jerufalem ruinée de l'AntiTaße. Il devoit dire que ce Poëte fit l'AntiTaffe, ou la Jérufalem ruinée, Poëme héroïque intitulé: Tito Vefpafiano, ou Gierufalemme difolata. Ce poëme est très férieux, & lorsque Vittorio Roffi, plus connu par le nom de Janus Nicius Erythraus, a dit dans l'éloge da Lalli: Multa tum graviter, tum jocose compofuit, in his Ierofolymorum excidium. Virgilii Bucolica, Eneidos libri Etrufco carmine, miro lepore, ac venuftate, facetis amanifque fententiis in ridiculum converfi. Il faut rapporter Ierofobymorum excidium à graviter & le reste à jocose Faute de cette diftinction Baillet a tout confondu, & a donné dans la chimére.

IV. Après avoir rapporté le fentiment trop avantageux de Vittorio Roffi, & d'Antenio Bruno touchant le barlefque du Lalli, il étoit à propos de rechercher quelle a été fur ce point l'opinion de quelques gens de meilleur goût. Ménage à la fin de fa Lezione fur le Sonnet de Pétrarque Lagola el fonne, s'en eft expliqué en ces termes : Queflo Lall: è quel Lalli da Norcia che fcriffe più cofe nell' feffo file, e fra le altre l'Eneide trav:futa. Ma fcriffe tutte queste cofe con poco fucceßo.

V. Il dit que Naudé dans fon Mafcurat prétend que c'eft l'Enéïde traveftie du Lalli qui a donné l'occafion à Scarron d'en faire autant en notre langue, & de le prendre mème pour fon modèle. Mais fi l'on confulte Naudé dans l'endroit cité, on trouvera

qu'il n'y dit autre chofe, finon qu'un nommé Giovan Battista Lalli, ce font fes paroles; a peut-ètre donné fujet par fon Enéïde travestita, au petit Scarron d'en faire une femblable en notre Langue. Ce n'eft pas là dire, ce me femble que Scarron a pris le Lalli pour fon modèle. Au titre près rien n'eft moins reffemblant que l'ouvrage François & l'Italien.

VI. Le Lalli, dit Baillet, avoit dans sa prémiére jeunesse fait des poefies Latines au Duc de Ferrare. Il y a ici plufieurs fautes. Cette expreffion: avoit fait des poefies an Duc de Ferrare, donne l'Idée d'un Maitre qui fait le thème à fon Ecolier. Il femble d'ailleurs, de la maniére dont il eft ici parlé de ces poëfies, qu'elles ayent été en grand nombre. Cependant le Roffi ne parle que d'une feule pièce Latine en vers béroïques fur la mort d'Ale xandre Farnéfe Duc, non pas de Ferrare mais de Parme & de Plaifance. Cette derniére méprise de Ferrare au lieu de Parme ne peut venir que d'une grande précipitation

VII. Le Lalli, Jurifconfulte auffi bien que Poëte, a fait un ouvrage intitulé Viridarium practicabilium materiarum in utroque jure,ordine alphabetico,en trois volumes. Le Roffi en parle, & dit fimplement que le titre en eft peu Latin, conformément à la diction rude, & mal, polie des Jurifconfultes praticiens. Mais bien loin de méprifer le livre, il témoigne tout au contraire qu'on peut juger par là du grand progrès que fon Auteur pendant cinq. années d'études en l'Univerfité de Péroule avoit fait dans la connoiffance de l'un & de l'autre Droit. On ne va pas chercher la belle Latinité dans les répertoires de pratique. Le Lecteur n'y cherche que fon inftruction. Les matiéres y étant traitées par Alpha-, bet, l'ordre n'en eft que plus commode pour les trouver, & Baillet n'a pas du tirer de la des conféquences desavantageufes contre la méthode du Viridarium, qui conftamment eft des ouvrages du Lalli le plus eftimé,

VIII. Baillet n'ayant pas fixé l'époque de la mort du Lalli je dirai avec le Crescimbeni qu'étant né le 1. de Jurllet 1572, à Norcia il y mourut le 3. de Février 1637 dans la 65, année de fon age,

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PAUL

GUIDOTTO BORGHESE,

Peintre & Poëte Italien, mort de faim & de mifére avec
fes quatorze métiers (1).

1355

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Et homme ne devint habile pour toutes les profeffions qu'il embraffa que dans fon imagination, il acheva de fe rendre ridicule & infupportable, voulant fe faire paffer pour Gentilhomme & pour un Cavalier d'importance.

Mais pour nous renfermer dans la Poëfie, il faut reconnoître avec le Roffi qu'il y avoit beaucoup de difpofition naturelle, & qu'il faifoit des vers avec une facilité toute extraordinaire: qu'il n'avoit pourtant ni art, ni méthode, ni érudition, ni aucune autre des qualités qu'on acquiert par l'étude pour polir le talent. Il a fait, à la vérité un fort grand nombre de vers, mais qui n'ont pû trouver d'Approbateurs que pour la bonne volonté qu'il avoit euë de bien faire (2). Dans le deffein de fe fignaler par quelque Acte extraordinaire, il attaqua le Taffe par un Poëme entiérement oppofé au fien, auquel il donna le titre de Jérusalem ruinée (3). Il prétendoit effacer cet Ouvrage & ruiner la réputation de fon Auteur. Mais il s'en acquittal comme il pût, c'est-à-dire très-mal. Il y a néanmoins une chofe affés. finguliere à remarquer dans cet Ouvrage ; c'eft qu'il a tellement imité ou contrefait fon Adverfaire, qu'il a pris le même genre & la même mesure de vers, & qu'il s'eft renfermé dans la même espéce de Stances (4); de forte qu'il n'y a pas plus de vers ou de lignes dans la Jérufalem délivrée que dans la Jérufalem ruinée. En quoi l'on pourroit dire que le Borghese n'eft pas tout à fait indigne de la qualité de Poëte: & qu'il pourroit être dans les vallées du Parnaffe. l'ombre du grand Torquato Taffo, que Phebus éclaire fur le fommet.

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