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GASPAR BARLE US.

Natif d'Anvers, Profeffeur en Logique à Leyden, puis de Philo fophie Morale à Amfterdam, mort l'an 1647. ou plus tard, felon quelques autres (1). Poëte Latin.

1466

L

Es Poëfies de Barlaus furent imprimées à Leyden dès l'an 1628. puis en 1631. Elles contiennent trois livres de Piéces Héroïques, deux d'Elégies, & un de Mélanges, qui consistent en divers Scazons, Iambes, Epigrammes, Eloges, Enigmes, &c.

Mr. Borrichius nous le repréfente comme un Poëte achevé dans tous les genres aufquels il s'eft appliqué. Il prétend qu'on ne trouvera perfonne parmi les Anciens à qui on ne le puiffe oppofer, foit pour l'artifice de fes inventions, foit pour la pureté & l'ornement de fa diction; qu'il pourra bien arracher la palme à Claudien, dès que l'on aura feulement mis fes Vers auprès de ceux de cet Auteur. Il ajoute qu'il eft mâle, noble & élevé dans fes héroïques, qu'il y paroît prudent, judicieux, qu'il garde par tout les bienféances de fon Art auffi-bien que celle des mœurs, qu'il eft naturel, aifé, abondant, majestueux, éloquent, poli & délicat même. De forte que la nature, 'dit-il, femble avoir voulu faire voir dans Barlaus que le Phebus du Parnaffe n'a point encore ufé toutes fes forces & qu'il conferve sa jeuneffe dans le déclin & la vieilleffe du Monde (2).

Mr Sorbiére raconte un fait au fujet de ce Barlæus qui nous fait connoître que Mr de Saumaise l'eftimoit beaucoup; mais qu'il s'est néanmoins trouvé des gens qui n'ont pas témoigné pour lui toute l'estime dont il attendoit des marques en une occafion éclatante. Il dit qu'ayant fait une Oraifon funébre en Vers fur la mort du Prince d'Orange, & le Docteur Spanheim en ayant prononcé une en Prose, il fupporta très-impatiemment l'inégalité de leur récompense, voyant qu'il n'avoit reçu que cinq cens livres, au lieu qu'on préfenta cinq cens écus à Mr Spanheim. Mr de Saumaise l'appuya encore` davantage dans fon mécontentement lorsqu'il publia qu'on avoit fait une étrange bévûe en donnant la paye du Cavalier au Fantaffin, & celle du Fantaffin au Cavalier. Mais ceux qui favent jusqu'à quel point Mr de

1 Savoir le 14. Janvier 1648. comme le marque Bayle fur la foi de Jean Arnold Corvin dans l'Oraison funébre de Barlaus. S

2 Olaus Borrichius Differtation. S. de Poët. Latin. num. 173. pag. 140,

Saumaife haïffoit Mr Spanheim qui étoit un des plus célébres Théologiens qu'euffent alors les Proteftans, auront peine à prendre pour un jugement le parelléle qu'il en a fait avec un Poëte qu'il aimoit particuliérement (1).

Au refte la haine de Mr de Saumaife contre Mr de Spanheim pere de Meffieurs Spanheim d'aujourd'hui, ne finit qu'à la mort de ce Théologien hétérodoxe. Et l'on difoit lorsqu'il fut décédé que Sanmaise l'avoit tué, & que Morus avoit été le poignard. C'est que pour mortifier Mr Spanheim dont la capacité & la réputation lui faifoit peine (car c'étoit toute la fource de cette haine, dit Sorbiere); il fit appeller en Hollande Mr Morus dont il ne connoiffoit que le nom, mais qui étoit le fléau & l'aversion de fon collégue. Le Docteur remua. ciel & terre pour empêcher Morus de venir, & il mourut de la nouvelle qu'il eut que fon Adverfaire étoit en chemin (2).

1 Samuel Sorbiere. Lettre à Mr Patin, dattée d'Orange, pag. 442. & fuiv. de F'édition de fes Lettres où il femble dire que Barlaus mourut de mélancholie & de

chagrin de s'être vû préférer le Sieur Span keim dans la diftribution de la récompense. 2 Paul. Colomes. Gall. Oriental. pag. 207, 208.

GASPAR SIMEONI ou DE SIMEONIBUS, D'Aquila au Royaume de Naples, Chanoine de fainte Marie Majeure, Sécrétaire du Pape Innocent X. Poëte

Latin & Italien.

1466 Ous avons de cet Auteur un volume de Poëfies Lyribis. ques en Latin, & un de vers Italiens, fans parler d'un troifiéme de Piéces mêlées, qui font en l'une & l'autre Langue, & des Eloges Latins des Héros de fon fiécle.

C'étoit un homme de grande réputation parmi les Savans de fon tems, & l'on peut dire qu'il a tâché de fauver dans fes Ecrits les reftes de la véritable Poëfie Latine qui fembloit être bannie de l'Italie & n'avoir trouvé de véritable azyle que chés les Jéfuites. L'éxemple de Simeoni anima quelques autres Particuliers, & particuliérement Fabio Chifi, dit depuis Aléxandre VII. & ceux qui compoférent la Pléiade Latine de ce Pape, à la remettre dans fon ancienne vigueur, & comme il s'étoit rendu extrémement aimable à toutes fortes de perfonnes, il n'eut aucune peine à faire paffer cette qualité dans la Poëfie qu'il avoit embraffée.

Leo Allatius dit que fes Vers ont de la force, du nombre & de l'harmonie, de la douceur & des beautés qui ne peuvent être infenfibles qu'à des buches & à des pierres.

Hipolyt. Maraceius in Bibliotheca Mariana part. 1. pag. 470.

Leo Allatius in lib. de Apib. Urbanis, pag. 117. in clogio Gabriëlis Naudei. Item in clog. ejufd. Gafp. de Simeonib.

pag. 121, 122, 123.

Nicol. Topp. in Biblioth. Neapolitan. pag. 103, 104.

Et Gaffend. in Vita Peireski.

MR DE VOITURE (VINCENT),

Natif d'Amiens, Maître d'Hotel chés le Roi, Introducteur des Ambaffadeurs chés Monfieur le Duc d'Orleans, mort âgé de 50. ans ou environ vers l'an 1648. (1). Poëte François, Latin, Italien, Espagnol.

1467 V

Oiture eft confidéré en France comme le Pere & l'Au

teur d'un nouveau genre de Poëfie qui tient le milieu entre le férieux & le burlesque ; & qui étant également éloigné de la gravité & de la bouffonnerie, femble confifter particuliérement dans le mélange de la badinerie avec la galanterie.

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La Poëfie Françoise, dit un Auteur Anonyme (2), avoit été gaye & folâtre du tems de Marot & de Mellin de SaintGelais, & quoique depuis elle eût encore paru quelquefois avec le même visage, néanmoins les grands génies de Ronfard, de du Bellay, de Belleau, de Defportes, de Bertaud, du Cardinal du Perron & de Malherbe étant plus graves & plus férieux, l'avoient emporté par-deffus les autres,& nos Mufes commençoient à être auffi févéres que ce Philofophe de l'Antiquité qu'on ne voyoit jamais rire. Les chofes étoient en cet état fur le Parnaffe François lorfque Voiture y vint avec un efprit très-galant & très-délicat, & une mélancholie douce & ingénieuse, du nombre de celles qui cherchent fans ceffe à s'égayer. Il fe fouvenoit de la liberté de notre ancienne Poëfie. Il avoit devant les ieux celle de quelques Italiens, & les fineffes des Auteurs les plus polis de Rome & de la Gréce. De tout cela ensemble fans s'attacher à fuivre perfonne, mais éclairé seulement

Il mourut cette année-là au commencement du mois de Juillet, comme le marque Sarafin dans fa Pompe funebre de Voiture. b

2 Difcours fur les Oeuvres de Sarazin

que l'on dit être de Mr Pelliffon chap. 14. pag. 49, 50. imò & pag. 47.

On a toujours fu que cet Anonyme étoit Pelliffon.

Voiture.

par ceux qui l'avoient précédé,il fe fit lui-même un genre d'écrire qui ne charma pas moins par fes graces que par fa nouveauté. Il dégoûta même en quelque forte la Cour & les Dames des chofes plus fortes> & plus férieuses. Et les honnêtes gens trouvérent dans cette nouvelle espéce de Poëfie un divertiffement fimple & naturel qu'ils ne pouvoient fentir ni dans la gravité ni dans la bouffonnerie qui font les deux extrémités de la Poëfie.

Nos vieux Poëtes depuis la reforme de Malherbe étoient tombés dans un oubli prefque univerfel, & l'on ne rappelloit plus leur mêmoire que pour les traiter avec le dernier mépris & pour les tourner en ridicules comme de véritables Bouffons. Voiture qui fentoit en lui-même une grande fympathie avec plufieurs d'entre eux entreprit de les remettre en vogue par fes Ballades, fes Triolets, & fes Rondeaux. Il y réuffit d'une manière qui furprit toutes les personnes qui fe piquoient de connoître un peu le génie différent des fiécles, & l'on peut dire que c'eft lui principalement qui fit revenir le goût qu'on avoit perdu pour Marot, qu'il voulut bien prendre même. pour le modéle de fes badineries & de fes enjoumens. C'est ce que: nous apprenons principalement de Mr Sarafin qui fait parler Marot: en ces termes (1)

.

Maître Vincent nous avoit retirés

Par fes beaux Vers faits à notre maniére

Des dents des Vers nos ennemis jurés,

Du long oubli, d'une fale pouffiere.

La différence qu'il apporta dans l'imitation de Marot & des autres Anciens ne confifte que dans le changement qui fe fit de l'air férieux que leurs Poëtes avoient de leur tems, en un caractére badin qu'il fe donna en les convertiffant à fon ufage; & ce caractére fe trouvant joint avec la délicatesse naturelle de son esprit & la galan: terie qu'il avoit acquife à la Cour & dans la Maifort de quelques Grands, il engagea fortement dans fes intérêts l'Apollon & les Mufes du Pa.naffe qui au lieu de lui donner leur efprit, furent obligées de prendre le fien & de fe tourner à ses maniéres, C'est ce que le même Sarafin femble avoir voulu nous perfuader lorfqu'il a dit: Voiture qui fi galamment

Avoit fait je ne fai comment
Les Mufes à fon badinage.

1 Pompe funebre de Voiture par Sarafin,
pag.269, de fes Oeuvres ou pag. 95. du

livre adoptif de Mr Ménage in 4. Item Saë rafin, pag. 254. & Ménag. pag.76.

Les

En effet, fi l'on peut acquerir quelque gloire à badiner, on peut dire qu'il y a eu peu de gens qui ayent fù l'art de le faire comme Voiture, & que cette gloire lui eft tellement propre & particuliére qu'on ne voit pas encore avec qui il auroit pû la partager, de forte qu'on ne doit point accufer d'hyperbole l'inscription de fon Tombeau ou plutôt du Mausolée qu'on lui a dreffé fur le Parnaffe, où l'on a mis

Vetturius nulli nugarum laude fecundus.

Comme il étoit feur de fon efprit, & de l'événement de tout ce qu'il entreprenoit, il ne faifoit aucune difficulté de tourner les chofes les plus férieufes en badineries, & la fingularité de son génie lui avoit obtenu difpenfe auprès des Princes & des plus grands Seigneurs de la Cour pour ne point garder de mefures avec eux, & quoiqu'il n'ait chanté les louanges de fes Héros qu'en badinant, on eft perfuadé qu'il y a incomparablement mieux réuffi que plufieurs de ceux qui ont fait des Panegyriques & des Eloges heroïques.

Et pour faire voir qu'il n'est pas aifé de badiner d'une maniére aufli délicate & auffi fpirituelle que faifoit Voiture, c'est que ceux qui l'ont voulu imiter depuis n'y ont pas réuffi auffi parfaitement que lui, comme l'a remarqué le P. Rapin (1), qui n'a pourtant pas fait difficulté de lui affocier Sarafin dans un autre endroit (2) où il dit que l'un & l'autre ont des choses tout-à-fait jolies dans leurs Odes, parce qu'ils ont tous deux l'art de badiner agréablement dans les petits sujets, & qu'ils fe foûtiennent fort bien dans ce caractére-là.

Le même Pere reconnoît encore ailleurs (3) que Voiture avoit un naturel admirable pour ce caractére; mais il ajoute qu'il s'étoit un peu gâté l'efprit par la lecture des Espagnols & des Italiens. Mais les autres Critiques ont tourné à fa louange, non-feulement les Vers qu'il faifoit tant en Italien (4) qu'en Espagnol, mais encore les habitudes qu'il avoit faites avec ces deux Nations, tant par la lecture de leurs Livres que par les voyages qu'il fit dans leur Pays.

1 René Rapin Réfléxions particul. fur la Poëtiq. ou partie 2. Réfléx. xiv.

2 Le même au même Traité Réfléx.xxx. 3 Réfléx. xxx11. du même Traité, &c. 49 Balzac qui ne s'affujettit pas toujours à une exacte vérité, dit lettre 45. du

Tome V.

liv. 7. que Voiture avoit fait un Sonnet en
Espagnol qui avoit paffé à la Cour d'Ef-
pagne pour ètre de Lopé de Véga, & un
autre en Italien que le Matin croyoit avoir
lu dans Pétrarque.

Dd

Voiture.

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