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cause de leur folidité) font inceffamment portez de telle forte dans le vuide infini, où il ne peut y avoir ni haut, ni bas, ni milieu, que venant à s'attacher ensemble par leur concours continuel, ils forment tout ce que nous voyons. Il veut auffi que le mouvement ne leur ait été imprimé par aucun principe étranger, mais qu'il leur ait été toûjours propre dans toute l'éternité des temps.

Il fe trompe moins dans le endroits où il fuit Démocrite. Mais outre que je ne fuis guéres du fentiment de l'un ni de l'autre en plufieurs chofes, j'en fuis encore moins,en ce que n'y ayant à confidérer dans la nature que deux princi

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la matiére dont tout eft fait, & ce qui donne la forme à chaque chofe, ils n'ont parlé que de la matiére, & ils n'ont pas dit un mot de la caufe efficiente de tout. Voilà en quoi ils ont manqué l'un & l'autre : voici en quoi Epicure a manqué en particulier.

Il prétend que les atomes fe portent d'eux-mêmes directement en bas, & que c'eft-là le mouvement de tous les corps enfuite venant à fonger que fi tous les atomes fe portoient toûjours en bas par une ligne directe, il n'arrive

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roit jamais qu'un atome pût toucher l'autre il a fubtilement imaginé un mouvement de déclinaifon , par le moyen duquel les atomes venant à fe rencontrer, s'accrochent ensemble, 8: compofent tout l'univers. De forte que par une pure fiction, il leur donne en même temps un léger mouvement de déclinaifon, dont il n'allegue aucune caufe, ce qui eft honteux à un Phyficien: & il leur ôte auffi fans aucune. cause le mouvement direct de haut en bas, qu'il avoit établi dans tous les corps. Et cependant avec toutes les fup-. pofitions qu'il invente, il ne peut venirà bout de ce qu'il prétend. Car fi tous les atomes ont également un mouvement de déclinaifon,jamais ils ne s'attacheront ensemble. Que fi les uns l'ont, les autres point: premierement, c'eft leur donner de différens emplois. à crédit, que de donner un mouvement dire aux uns, & un mouvement oblique aux autres : & avec tout cela il ne : laiffera pas d'être impoffible que cette rencontre fortuite d'atomes produife jamais l'ordre & la beauté de l'univers. Il n'eft pas même d'un Phyficien de croire des corps fi petits, qu'ils foient indivifibles : & jamais il ne l'auroit

cru, s'il eût mieux aimé apprendre la Géométrie (15) de Poliéne fon ami, que de la lui faire defapprendre.

Démocrite, qui étoit habile en Géométrie,croit que le foleil eft d'une gran deur immenfe; Epicure lui donne environ deux pieds, un peu plus ou un peu moins, & il ne le croit que de la grandeur à peu près que nous le voyons; de forte que tout ce qu'il dit autrement que Démocrite,eft infoutenable. Du refte, c'eft de Démocrite qu'il a pris les atomes, le vuide, & les images ou ef péccs, par la rencontre defquelles non feulement nous voyons, mais auffi nous penfons: c'eft auffi de lui qu'il a pris cette étendue à l'infini, qui n'a point d'extrêmité; & cette infinité de mondes qui naiffent, & qui périffent à tou te heure: & quoique je n'aprouve nul lement ces imaginations-là dans Démocrite, je ne puis fouffrir qu'un homme qui les a toutes prifes de lui, s'at tache, comme il fait, à le blâmer, pendant que tant d'autres le louënt.

Quant à la Logique, qui eft la fe

conde

(15) Poliéne étoit de Lamplaque ville d'Afie fur Hellefpont, aujourd'hui Lepfek, fous la dominasion des Turcs,

conde partie de la Philofophie, & qui eft celle qui forme, & qui conduit le raisonnement, votre Epicure est entiérement dépourvû & dénué de tout ce qui peut y fervir: il ôte toutes les définitions; il n'enfeigne ni à diftinguer, ni à divifer, ni à tirer une conclufion, ni à réfoudre un argument captieux, ni à déveloper ce qu'il peut y avoir d'ambidans un raifonnement ; & enfin il fait les fens tellement juges de tout qu'il tient, que dès qu'ils ont pris une chofe faufle pour vraie, on ne peut plus s'affurer de pouvoir juger fainement de

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rien.

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Maintenant, à l'égard de la partie de la Philofophie, qui régle la conduite de la vie, il n'y a rien de grand ni d'élevé dans l'objet, qu'il établit pour la fin de toutes les actions des hommes. Car après avoir dit,que la nature ne cherche que la volupté, & ne craint que la douleur, il prétend que c'eft à ces deux chofes-là uniquement qu'il faut raporter tout ce que nous devons ou rechercher, ou éviter. Cette maxime eft (16) d'Ariftippe, & elle

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(16) Ariftippe auteur de la fette des Philofaphes qui mettent le fouverain bien dans la vo

a été encore bien mieux foutenue par les Cyrénéens de fa fecte, que par Epicure. Cependant rien ne me paroît plus indigne d'un homme qu'une pareille opinion; & il me femble que la nature nous a faits pour quelque chofe de plus grand. Mais au fond, il fe peut faire que je me trompe.

Je ne puis croire pourtant, que celui qui eut le premier (17) le nom de Torquatus,

lupté des fens, & contemporain de Platon, étoit né à Cyrene, ville d'Afrique, appellée aujourd'hui Caïoran, dans le Royaume de Barca, fous la domination des Turcs. Ses fectateurs furent appellez Cyrenéens, ou Cyrenaïques: & c'eft auffi de lui qu'eft venue la fecte des Afotes, ou Senfuels.

(17) Il s'appelloit Titus Manlius, & il eut le furnom de Torquatus, qui paßa depuis à fes defcendans, à caufe qu'ayant été defié au combat par un Gaulois, il le tua en presence des deux armées, & lui arracha un collier appellé Torques en Latin. Le même ayant le commandement d'une armée Romaine en Campanie contre les Latins, l'an 414. de Rome, & ayant fait publier des défenfes d'attaquer l'ennemi.fans ordre fit couper la tête à son fils, parce que, contre La défenfe, il avoit combattu contre un des enne"mis, & l'avoit tué. Ce qui donna lieu dans la fuite au proverbe Latin Manliana imperia les commaudemens de Manlius, lorsqu'on vouloit parler d'un commandement fevere. Il ne fut pas pourtant le premier Romain, qui donna l'exemple d'une juf

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