Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CXXV. Réfutation des conféquences que les partifans de l'épigénefe tirent des obfervations de MALPIGHI fur le Poulet, & de celles HARVEY fur les Biches.

ON m'objectera fans doute les obfervations fur l'accroiffement du Poulet dans l'œuf, & celles fur la génération des Biches, par lefquelles il paroît que les parties d'un Corps organifé, font formées les unes après les autres. Dans le Poulet, par exemple, obfervé pendant les premiers jours de l'incubation, le cœur paroît extérieur au corps de l'animal, & d'une forme très-différente de celle qu'il aura par la fuite.

MAIS la foibleffe de cette objection fe fait aifément fentir. On veut juger du temps où les parties d'un Corps organifé ont commencé d'exifter, par celui où elles ont commencé de devenir fenfibles. On ne confidere point, que le repos, la petiteffe & la tranfparence de quelques-unes de ces parties, peuvent nous les rendre invifibles, quoi qu'elles exiftent réellement.

CXXVI. Le nouveau fyftême moins probable que celui des geries.

Au refte, je confens qu'on ne regarde point

[ocr errors]

le nouveau fyftème fur la génération comme abfurde. Les voies de la Nature me font trop peu connues, pour ofer prononcer fur les moyens qu'elle a jugé à propos de choifit. Je trouve ce fyftème ingénieux. Il me paroit feulement, que celui qui établit que les Corps organifés ont exifté originairement en petit dans les germes, & que la génération n'est que le commencement du développement de ces germes, eft un fyftème plus probable, plus facile à faifir, & fujet à moins de difficultés ou d'inconvéniens.

CXXVII. Remarques fur l'emboitement : maniere de juger de fa pojibilité.

Je m'en fuis déja expliqué: je ne prendrai point parti entre l'hypothefe qui répand les germes par-tout, & celle qui les emboîte les uns dans les autres. Ces deux hypothefes ont chacune leur probabilité: mais il ne faut pas fuppofer un emboîtement à l'infini, ce qui feroit abfurde. La divifibilité de la matiere à l'infini, par laquelle on prétendroit foutenir cet emboitement, eft une vérité géométrique, & une erreur phyfique. Tout corps et néceffairement fini; toutes fes parties font nécellairement déterminées mais cette détermination nous cit

inconnue. Nous ignorons abfolument quels font les derniers termes de la divifion de la matiere; & c'eft cette ignorance même qui doit nous empêcher de regarder comme impoffible l'enveloppement des germes les uns dans les autres. Nous n'avons qu'à ouvrir les yeux, & à promener nos regards autour de nous, pour voir que la matiere a été prodigieufement divifée. L'échelle des Étres corporels eft l'échelle de cette divifion. Combien la Moiffure eft-elle contenue de fois dans le Cedre, la Mitte dans Elephant, la Puce d'eau dans la Baleine, un grain de fable dans le globe de la terre, un globule de lumiere dans le foleil? On nous prouve qu'une once d'or peut être affez fousdivifée par l'art humain pour former un fil de quatre-vingt à cent lieues de longueur (1): on nous montre au microfcope des animaux dont plufieurs milliers n'égalent pas enfemble la groffeur du plus petit grain de pouffiere: on fait cent obfervations de même genre, & nous traiterions d'abfurde la théorie des enveloppemens. Il y a plus, on obferve, pour ainfi

(1) tt Je ne difois pas affez: M. de REAUMUR avoit prouvé, que l'once d'or pouvoit fournir un fil, qui confidéré fous toutes fes dimensions, égaloit en longueur quatre cent quarante-quatre lieues. Voy. Mem. de l'Acad. 1713, Leçons de Phyfique, Tome I, page 40.

dire à l'œil, cet enveloppement. On découvre dans un oignon d'hyacinte jufques à la quatrieme génération. Et ce qu'il y a de trèsremarquable, eft que les parties de la fleur font celles qu'on diftingue le mieux dans la troifieme & quatrieme génération le volume de ces parties paroît incomparablement plus grand que celui de toutes les autres parties prifes enfemble (1).

NE jugeons pas de la matiere uniquement par les rapports plus ou moins prochains qu'elle a avec notre corps. Evitons de nous fervir de cette mefure. Des hommes dont la taille n'excéderoit pas celle de ces animaux qui nagent dans les infufions, concevroient peut-être plus facilement que nous, l'emboîtement dont il est ici queftion. Ils feroient en quelque forte, plus près de cette région d'infiniment petits.

CXXVIII. Touts organisés confidérés dans l'hypothefe de l'emboîtement.

POUR moi, j'aime à reculer le plus qu'il m'est poffible, les bornes de la création. Je me plais

(1) tt Je tenois cette obfervation de feu mon illuftre Compatriote, M. CALANDRINI, qui l'avoit faite lui-même, & qui ne m'en avoit pas fourni les détails.

à confidérer cette magnifique fuite d'Êtres organifés, renfermés comme autant de petits mondes les uns dans les autres. Je les vois s'éloigner de moi par degrés; diminuer fuivant certaines proportions, & fe perdre enfin dans une nuit impénétrable. Je goûte une fecrette fatisfaction à contempler dans un gland le germe d'où naîtra dans quelques fiecles, le Chene majestueux à l'ombre duquel les oiseaux de l'air & les bêtes des champs iront fe réjouir. J'ai encore plus de plaifir à découvrir dans le fein d'ÉMILIE le germe du Héros qui fondera dans quelques milliers d'années, un grand empire, ou plutôt celui d'un Philofophe qui découvrira alors au monde, la caufe de la pesanteur, le myftere de la génération, & la mécanique de notre Étre.

CXXIX. Touts organisés confidérés dans l'hypothefe de la diffémination.

L'HYPOTHESE des germes répandus dans toutes les parties de la Nature, ne m'offre pas un fpectacle moins intéreffant, quoique dans un tout autre goût. Chaque Corps organisé fe préfente à moi fous l'image d'une petite terre, où j'apperçois en raccourci toutes les efpeces de plantes & d'animaux, qui s'offrent en grand

« AnteriorContinuar »